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Son accord avec l’ex-candidate Bulrich et l’ex-président Macri, les deux représentantEs de la droite traditionnelle dont le ralliement a permis la victoire de Milei, va-t-il obliger Milei à la modération en adoptant une ligne plus pragmatique de gestion responsable ? Ou est-ce que, face aux difficultés à faire imposer son programme par un parti très faible institutionnellement, c’est la droite traditionnelle qui va, elle, se radicaliser ?
Des inconnues sur le délai de mise en œuvre
À l’heure actuelle, il y a autant d’indices qui mènent à une conclusion qu’à l’autre. D’un côté, Milei l’a déjà annoncé, une baisse de l’inflation peut prendre 18 ou 24 mois. Tout indique donc que la dollarisation promise ne sera pas pour tout de suite. Dans le même sens, il a déjà annoncé qu’il ouvrirait des postes clefs de son gouvernement [1] à des représentants de la droite traditionnelle. Mais tout à la fois, il a aussi réaffirmé qu’il n’y aurait pas de gradualisme et que son plan « tronçonneuse » (couper drastiquement dans les dépenses publiques) va, lui, être mis en place immédiatement.
Du côté de la droite, Macri a annoncé dans une interview le 21 novembre les grandes lignes pour la suite. Tous les signes semblent être à la radicalisation, en particulier les menaces adressées au péronisme. L’une des grandes problématiques du gouvernement à venir, c’est qu’il n’aura pas de majorité au Parlement sans une partie au moins des voix des éluEs péronistes. Macri a enjoint ses derniers à voter les lois de Milei, parce qu’« il y a, a-t-il dit, un mandat populaire très profond et qui est en plus dirigé par les jeunes. Les jeunes ne vont pas rester chez eux si ces messieurs commencent à lancer des pavés. Les jeunes vont saisir leur chance et la défendre » [2]. C’est la menace explicite du recours à des bandes para-étatiques pour empêcher les mouvements sociaux.
Le reste de l’interview est tout aussi inquiétant. Macri a distingué deux groupes : l’un quasiment déshumanisé (il a nommé « Orcs » ceux et celles qui résistent) et l’autre composé des « bons » (les jeunes qui ont « la culture du travail de nos grands-parents »). Cette dualité était personnifiée par les figures de Messi et de Maradona (!) : le bon paterfamilias contre le mauvais transgresseur.
Quelle résistance du mouvement social et syndical ?
Cette élection a signifié pour lui la victoire des « gens » contre les « corporations » (cet ennemi invisible éternellement dénoncé par tous les régimes d’ultra droite de l’histoire). « Un État ne rime pas avec providence. Sauf pour ceux qui en ont l’usufruit ». Ce qu’il faut comprendre, c’est que si la tronçonneuse dans les dépenses publiques fait baisser le niveau de vie de certainEs — celles et ceux qui résistent — ce n’est pas grave, puisque ce sont justement elles et eux qui nous ont mené à la crise actuelle.
Cette inconnue politique, qui mettra peut-être du temps à se clarifier, ne sera déterminée que par la réaction du mouvement social et syndical. On ne sait pas encore à quelle vitesse il va réagir, ni quel sera son niveau de résistance aux politiques d’austérité. Ce serait néanmoins une grave erreur d’attendre de voir pour préparer un front unique en défense des libertés démocratiques. La menace n’est peut-être pas immédiate, mais elle est là.
Marie S. et Martin N.