Lors de la réunion du gouvernement jeudi 7 septembre, le Premier ministre de l’Arménie, Nikol Pachinian, s’est fait alarmiste, rapporte le journal d’Erevan Verelq :
“La situation militaire et politique dans la région s’est considérablement aggravée, l’Azerbaïdjan rassemble depuis plusieurs jours des troupes le long de la ligne de contact entre le Haut-Karabakh et la frontière arméno-azerbaïdjanaise.”
Le chef du gouvernement arménien, persuadé que “par ces actions, l’Azerbaïdjan montre son intention de mettre en œuvre une nouvelle provocation contre le Haut-Karabakh et l’Arménie”, en appelle à la communauté internationale et au Conseil de sécurité des Nations unies pour “ne pas permettre une nouvelle explosion dans la région”, alors que la crise humanitaire au Haut-Karabakh, à la suite du blocus imposé par Bakou depuis décembre 2022, “a atteint son apogée”.
Le site russe Eurasia Daily constate “un transfert” d’équipements et de véhicules militaires par l’armée azerbaïdjanaise vers la frontière avec le Haut-Karabakh et l’Arménie. Pour sa part, le site de Radio Azatoutioun, déclinaison arménienne du média américain Radio Liberty, attire l’attention sur “l’augmentation du nombre de vols cargo des compagnies aériennes azerbaïdjanaises à destination de l’aéroport Ovda en Israël, seul aérodrome du pays autorisé à exporter et importer des armes”. “De nouvelles cargaisons d’armes” pourraient donc être acheminées vers Bakou.
Des manœuvres militaires conjointes avec les États-Unis
Par ailleurs, le député arménien d’opposition Tigran Abramian affirme que l’Azerbaïdjan “a procédé à une mobilisation [des appelés]”. Dans ce contexte de “risque accru” d’une nouvelle guerre, l’homme politique regrette que le gouvernement arménien “exacerbe encore plus les relations avec la Russie, l’une des principales forces dans la région”.
Dans un entretien avec des journalistes italiens, le 3 septembre, Nikol Pachinian a en effet soutenu que “la Russie s’éloign[ait] du Caucase du Sud”, rappelle le journal arménien Novoïé Vremia. Il a également mis en cause le manque d’efficacité des Casques bleus russes, déployés au Haut-Karabakh depuis 2020, au lendemain de la guerre arméno-azerbaïdjanaise perdue par les Arméniens. La réaction du Kremlin n’a pas tardé : “La Russie fait partie intégrante de cette région et ne peut donc pas s’en aller. La Russie ne peut pas quitter l’Arménie”, a affirmé Dmitri Peskov, porte-parole du président russe dans le journal Kommersant.
“Pachinian s’accroche au moindre brin de paille”
Erevan tente “à la hâte” de trouver un “remplaçant” à la Russie et “bricole une sorte de ‘consortium de sécurité’”, constate amèrement Novoïé Vremia. Il n’est donc pas étonnant dans ce contexte que l’Arménie ait décidé d’accueillir sur son territoire, du 11 au 20 septembre, des manœuvres militaires conjointes avec les États-Unis. “C’est inquiétant, surtout dans la situation actuelle”, a commenté Dmitri Peskov, cité par le quotidien moscovite Izvestia.
L’analyste russe Gleb Kouznetsov, interrogé par le journal en ligne russe Vzgliad, redoute une “tragédie sanglante quasi inévitable en Transcaucasie” et explique les sorties antirusses de Pachinian par cette menace, de la part de l’Azerbaïdjan, “d’invasion militaire et de nettoyage ethnique à grande échelle dans l’Artsakh [nom arménien du Haut-Karabakh]”.
Le Premier ministre arménien “essaie de faire ce qu’il peut, cherche des alliés partout, s’accroche au moindre brin de paille”. L’expert est pessimiste : “Il ne faut pas lui en faire le reproche, car il y a très peu d’options pour sauver l’Artsakh. Il y a plus d’options quant à préserver le territoire souverain de l’Arménie, mais le scénario ‘Arménie dans ses frontières actuelles’ ne semble pas non plus inébranlable”.
Alda Engoian
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