“Nous considérons la proclamation [du 17 août 1945] comme un fait historique”, a déclaré le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, au Parlement de La Haye le 14 juin 2023.
Après soixante-dix-huit ans de déni, les Pays-Bas reconnaissent enfin “complètement et inconditionnellement”, selon les mots de Rutte, 1945 comme l’année marquant l’indépendance de l’Indonésie. Mais le Jakarta Post souligne que le Premier ministre “a insisté sur le fait que le transfert légal de souveraineté a eu lieu quatre ans plus tard, le 27 décembre 1949”.
Ces quatre années, que les Indonésiens appellent “Revolusi”, ont été le théâtre d’une guerre entre le nouveau gouvernement indépendant de Sukarno et l’armée coloniale qui, après la capitulation du Japon, était revenue prendre possession de ses Indes néerlandaises.
Le quotidien rappelle que la reconnaissance de Rutte est “le dernier développement de la tentative continue des Pays-Bas de lutter contre leur histoire coloniale, une entreprise qui a abouti à une enquête indépendante publiée au début de l’année dernière sur la décolonisation de l’Indonésie pendant la période allant de 1945 à 1950.”
Au lendemain de cette enquête, qui fait état de 100 000 Indonésiens et de 5 300 soldats néerlandais tués, le Premier ministre des Pays-Bas avait présenté à l’Indonésie les excuses de son pays “pour la violence extrême qui a été systématiquement et largement perpétrée par les Pays-Bas”.
Mais plusieurs experts notent une incohérence dans la nouvelle déclaration de Rutte. Comment l’Indonésie, entre 1945 et 1949, peut-elle être à la fois indépendante et non souveraine, deux termes juridiquement opposés ?
“Si Rutte avait admis que l’Indonésie était souveraine en 1945, cela aurait signifié que les actions de l’armée néerlandaise de 1945 à 1950 auraient légalement pu être interprétées comme un acte d’agression, une occupation”, a expliqué au Jakarta Post Hadi Rahmat Purnama, un expert en droit international spécialisé dans la colonisation à l’université d’Indonésie.
Hadi ajoute que cela impliquerait une réparation pour les dommages infligés ainsi que le remboursement à l’Indonésie des 25 milliards de florins, soit l’équivalent actuel de 13,9 milliards de dollars, exigés par les Pays-Bas comme “dette de guerre” lors des accords de La Haye de fin 1949, et dont Jakarta s’est acquitté pendant des décennies.
Selon Hadi, tout cela serait “financièrement très lourd” pour l’économie néerlandaise.
Courrier international
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