En Thaïlande, l’avortement est légal depuis février 2021, jusqu’à douze semaines de grossesse. Un délai qui a été allongé jusqu’à vingt semaines, dans certaines conditions, depuis septembre dernier. Pour autant, comme le constate The Straits Times, l’accès à l’avortement dans le royaume reste limité, et le parcours des femmes thaïlandaises souhaitant recourir à une IVG est semé d’embûches.
Il en est ainsi pour Kiri, par exemple. Cette jeune femme de 24 ans, qui témoigne sous un nom d’emprunt dans les colonnes du quotidien singapourien, a découvert être enceinte à cinq semaines de grossesse. Mais il lui aura fallu trois semaines pour obtenir un rendez-vous, dans une clinique située à deux heures de route de chez elle. En dépit de la légalisation de l’avortement, les expériences comme celle de Kiri se reproduisent souvent.
“La loi a changé, mais rien n’a changé en ce qui concerne le soutien du ministère pour permettre aux hôpitaux ou aux services de santé de pratiquer des IVG. Cela dépend essentiellement de la volonté individuelle des médecins”, explique au Straits Times le Dr Kritaya Archavanitkul, coordinatrice d’un groupe militant pour l’avortement.
Les femmes sont, certes, plus clairement au courant de leurs droits. Ainsi, les appels à Tamtang, une association favorable à l’avortement, ont doublé, passant de 300 à 600 par mois. Mais “malgré la levée des barrières légales, la réalité dans ce pays majoritairement bouddhiste est très différente. Les avortements demeurent stigmatisés dans la société et dans le milieu médical”, constate le journal.
Des IVG pratiquées dans une centaine d’établissements
De fait, rares sont les institutions médicales osant clairement indiquer qu’elles pratiquent des IVG. “S’il n’y a pas suffisamment de cliniques donnant accès à l’avortement dans de bonnes conditions, les femmes iront vers des lieux non autorisés. Au risque d’être blessées ou pire”, déplore, dans le Straits Times, Supeecha Baotip, fondatrice de Tamtang.
Actuellement, environ 100 hôpitaux et cliniques, en majorité privés, pratiquent des avortements. Ils se trouvent dans la moitié des 77 provinces du pays.
À défaut de protocoles standardisés par les autorités, cliniques et hôpitaux fixent parfois des critères arbitraires dans les limites de la loi. Certains n’acceptent, par exemple, “que les avortements de moins de douze semaines ou lorsque la grossesse est liée à un viol”, précise le quotidien de Singapour.
“Le défi pour changer les mentalités reste donc de taille”, reconnaît le directeur du planning familial, Bunyarit Sukrat. L’avortement demeure perçu dans la culture populaire comme un péché. “On dit couramment que l’esprit de l’enfant non né poursuivra la mère”, explique Chonthita Kraisrikul, responsable de l’association Tamtang.
Selon des données gouvernementales, environ 300 000 IVG sont pratiquées chaque année en Thaïlande, mais seulement 15 000 le sont dans le cadre de la loi.
Courrier international
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.