Ce qui a mobilisé au plus haut point l’activité parlementaire en Ouganda, ce n’est pas l’inflation galopante ni le chômage massif de la jeunesse, pas plus la situation déplorable des écoles, hôpitaux et dispensaires de santé, les atteintes aux droits humains ou les ravages des conséquences du réchauffement climatique dans les campagnes, mais l’homosexualité qui représenterait un terrible danger pour le pays.
Une des pires lois LGBTIphobe d’Afrique
Dans cette agitation homophobe, on a assisté à une course à l’échalote de la répression. Le projet initial prévoyait une peine de dix ans de prison pour des relations sexuelles entre personnes de même sexe. Après les débats, le Parlement a considérablement durci les choses. Sur les 529 députés que compte la Chambre, 389 étaient présents et seulement deux ont voté contre. C’est donc plus d’une centaine de parlementaires qui ont préféré rester à l’écart en choisissant la politique de la chaise vide. Du côté de l’opposition, les élus de la National Unity Platform se sont félicités de cette loi.
La loi adoptée prévoit des sanctions d’emprisonnement à vie ou la peine de mort dans certains cas. Elle oblige également toute personne, y compris les familles et amis, à dénoncer aux autorités les gays et lesbiennes de leur connaissance et interdit la location aux couples de même sexe.
Les homosexuelEs ne sont plus les seuls à être dans le collimateur puisque sont potentiellement coupables ceux qui feraient la « promotion » de l’homosexualité. Notion vague permettant de réprimer les militantEs des droits humains qui défendent les homosexuelEs. Le SMUG (Sexual Minorities Uganda) organisation de lutte contre les discriminations, a déjà été interdit en août 2022.
Diatribes anti-homosexuelEs
Évidemment les politiques homophobes en Afrique se parent d’un discours anticolonialiste. L’homosexualité aurait été introduite par les colons et l’Occident décadent. Un discours qui nie la réalité, celle de l’existence des pratiques homosexuelles bien antérieures à la colonisation. Les termes y faisant référence se trouvent dans de nombreuses langues africaines comme le kirundi, kiswahili, haoussa, herero, xhosa, bafia ou wawihé.
En fait dans la plupart des pays africains, l’arsenal législatif répressif contre l’homosexualité date de la période coloniale.
Les homophobes africains qui s’offusquent de la solidarité des militantEs des pays occidentaux contre les discriminations devraient balayer devant leur porte. Comme l’a indiqué Fox Odoi-Oywelowo, un des deux députés qui a courageusement combattu cette loi, « l’année dernière, on m’a dit que ces communautés pentecôtistes avaient dépensé plus de 26 millions de dollars en Afrique de l’Est pour — encore une fois — promouvoir cette loi anti-homosexualité. » Une de leurs actions est d’organiser chaque samedi des « Prayer Breakfast » (petit-déjeuner de prière) à travers le pays, pour distiller la haine des homosexuelEs, largement reprise par les dirigeants de la communauté musulmane du pays.
L’impératif de solidarité
La promulgation de cette loi dépend de la signature du président de la République Yoweri Museveni. En 2014 il avait déjà paraphé une loi similaire et ses propos homophobes ne laissent pas de doute sur ses intentions sauf pressions internationales très fortes. En effet, l’approbation de cette mesure pourrait entraîner une perte significative des aides occidentales dont bénéficie le pays. L’Union européenne et les USA ont marqué leur profond désaccord vis-à-vis d’une loi qui ne respecte pas la déclaration de l’Union africaine stipulant que « tout individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans discrimination ».
Les mobilisations de solidarité doivent s’étendre, en lien avec les organisations de défense des droits des homosexuelEs tant en Ouganda que sur le reste du continent. Nous devons exiger que la France, comme l’Union européenne, s’engage à offrir systématiquement le statut de réfugiéE à toutes les personnes persécutées en raison de leur orientation sexuelle.
Paul Martial