Dans un article daté du 8 mai 2007, Hassan Moali, journaliste au quotidien algérien El Watan, notait que « le hasard du calendrier » faisait coïncider l’élection de Nicolas Sarkozy avec la commémoration des massacres commis en 1945 par l’armée coloniale à Sétif, Guelma et Kherrata. [1] Il relevait les inconséquences morales de notre nouveau président qui exige de la Turquie qu’elle fasse son devoir de mémoire envers les crimes perpétrés contre les Arméniens tout en rejetant l’idée de « repentir » pour ceux commis par les troupes françaises en Algérie — et ailleurs.
Le 19 juin, c’était au tour de Josette Audin d’envoyer une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy : pour que — cinquante ans après !, — soit enfin reconnue la responsabilité de l’armée française dans l’assassinat de son mari, le communiste et mathématicien Maurice Audin, enlevé par des paras le 11 juin 1957, longuement torturé, pour finalement être mis à mort dix jours plus tard.
« La torture à laquelle n’a pas survécut mon mari n’était pas un accident, elle avait été, selon les propos du général Massu lui-même, chef des parachutistes à Alger, institutionnalisée. Pour moi, il est insupportable (…) que la torture ne soit toujours pas condamnée par la France. » [2]
Le 2 juillet dernier, enfin, Le Monde [3] a publié deux pages documentées sur les archives présidentielles qui éclairent « ce que savait l’Elysée » du « génocide rwandais » de 1994. Des archives qui « remettent en cause la version officelle de la France ». « Elles montrent » en particulier « l’obstination avec laquelle le président français a voulu soutenir son homologue Juvénal Habyarimana, considéré comme la seule digue contre l’influence anglo-saxonne dans la région » relève Piotr Smolar, dans les colonnes du quotidien.
Le président en question était alors François Mitterrand. Treize ans plus tard, « l’Etat français ne semble toujours pas disposé à favoriser les investigations » sur les complicités dans le génocide dont les Tutsis ont été victimes. Le Quai d’Orsay bloque sans vergogne les initiatives judiciaires prises en faveur de plaigants, survivants tutsis. Quant au juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguières, il a préfèré s’attaquer à l’actuel régime rwandais, comme si notre Etat ne pouvait jamais être coupable de terrorisme...
1945, 1957, 1994... D’autres années noires pourraient être ajoutées à cette liste macabre. Ces événements sanglants ne remontent pas loin dans le passé impérialiste de la France. Avec le génocide rwandais, notamment, il ne s’agit plus des « erreurs de nos parents », selon les mots particulièrement malheureux de Sarkozy, mais d’un crime parmi les plus graves engageant la responsabilité d’hommes politiques — qu’ils appartiennent à la gauche ou à la droite gouvernementales — et d’officiers dont beaucoup sont encore vivants et honorés !
Alors Monsieurs Sarkozy ?