L’avenir nous dira s’il en est bien ainsi, mais les conditions qui ont permis au régime de se consolider en interne et à la puissance chinoise de se déployer à l’échelle mondiale semblent bien remises en cause.
Ce retournement de situation est particulièrement brutal sur la gestion de la pandémie Covid-19. Lors du 20e congrès du PCC, à la mi-octobre, Xi avait porté haut le drapeau de sa politique Zéro Covid, puis l’a abandonnée dès la mi-novembre. La très grande contagiosité des variants Omicron ne permet plus de bloquer la diffusion du virus. Les confinements de villes, de quartiers, de complexes industriels ont pris des formes d’une telle violence qu’ils ont contribué à déclencher un mouvement de révolte populaire, ainsi qu’à précipiter le déclin de la production. Il est possible que la décision d’inverser la politique sanitaire ait été secrètement prise par Xi Jinping dès avant le congrès, son coût économique devenant rédhibitoire. Xi s’est rapidement effacé, prônant le « laisser faire » face à l’épidémie, désengageant la puissance publique et en appelant à la responsabilité individuelle.
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Démesure de la répression
Rétrospectivement, la réponse chinoise au Covid n’apparaît pas si différente de celles que nous avons connues en Europe. Déni, mensonges et retard décisif dans la mise en œuvre de mesures efficaces, conduisant à la transformation de l’épidémie en pandémie, à des confinements durs, à des sorties de confinements mal contrôlées et, au final, à une incapacité à refondre l’ensemble du système de santé afin de faire face aux nouveaux enjeux sanitaires.
La Chine possédait un atout maître, produisant tout ce dont elle avait besoin. Les dimensions de ce pays-continent pouvaient constituer un handicap, mais c’est bien le caractère dictatorial du régime qui explique la démesure de la répression, des restrictions, du réseau de surveillance et, aujourd’hui, du « laisser faire » alors que les cliniques sont privées et que l’accès à la santé coûte très cher. Le pays risque de vivre une véritable crise humanitaire en 2023.
Résistances à la sauvagerie du capitalisme chinois
Les résistances sociales aux injonctions du pouvoir se manifestaient dès avant le 20e Congrès, notamment dans la jeunesse. Le régime se révèle aujourd’hui incapable de respecter le pacte social qui fondait son « acceptabilité » : la certitude que les enfants vivraient mieux que leurs parents. Il perd l’appui passif des classes moyennes, alors que les ouvrières et ouvriers contraints de produire malgré l’épidémie (les travailleurEs du complexe industriel de Foxconn ont été enfermés sur place jour et nuit) ont vécu la sauvagerie du capitalisme chinois. La crise est durable au point qu’un mouvement de retrait de grandes entreprises nationales ou internationales (Apple…) est amorcé, alors que le conflit entre Pékin et Washington, autour de Taïwan et au-delà, s’intensifie.
Les mouvements de résistance actuels ont des racines multiples mais leur ampleur est sans précédent depuis la répression de 1989. Le pouvoir va tout faire pour éviter qu’elles ne prennent des formes organisées, coordonnées, stables. Cependant, un esprit de solidarité remarquable se manifeste, des manifestantEs dans de nombreuses localités s’identifiant avec la révolte initiée à Ürümqi, capitale de la région ouïghoure du Xinjiang. La crise du Covid a brisé des barrières ethniques ou sociales.
Pierre Rousset