Isy est né à Alexandrie à l’époque encore une ville cosmopolite où coexistaient de façon plus ou moins harmonieuse Egyptiens musulmans ou coptes, Juifs et Grecs. Il aimait à évoquer les échanges de pâtisseries au moment des fêtes religieuses des uns et des autres. Sa famille est expulsée d’Égypte en 1956 après la nationalisation du canal de Suez et l’agression franco-britannique contre l’Egypte.
Etudiant en France, il adhère à l’Union des étudiants communistes puis au PCF. Cuba semble encore s’orienter vers un modèle socialiste différent de celui de l’URSS, Il y travaille comme économiste et enseignant de 1964 à 1967.
De retour à Paris, il rompt avec le PCF, adhère et devient un des responsables de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). Il participe donc très activement au mouvement de mai-juin 1968. Comme d’autres dirigeants de la JCR, Isaac Johsua passe quelques temps à la prison de la Santé pour « reconstitution de ligue dissoute ».
Libéré, il reprend son activité militante à la Ligue communiste qui vient de se créer. Il est un des responsables de la minorité qui s’oppose à une adhésion à la IVe Internationale mais aussi marque son opposition à certains points du credo trotskyste de l’époque, notamment sur la nature de l’URSS (« Etat ouvrier »). La rupture avec la LC intervient en 1971 et Isy se lance dans la construction de l’Organisation communiste Révolution ! (OCT) qui se développe d’abord rapidement, puis est emportée par la fin de la période ouverte par 68.
Avec d’autres militants, Isaac Johsua décide de rejoindre la Ligue communiste. Il la quittera à la suite des débats entrainés par l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, d’abord justifiée par la IV° Internationale.
Il poursuit ensuite une carrière universitaire sans jamais se désintéresser de l’activité militante même s’il ne sera plus membre d’aucune organisation politique. Il participera par ailleurs au conseil scientifique d’ATTAC et à la Fondation Copernic.
Son premier ouvrage se situe dans le prolongement de sa thèse (La Face cachée du Moyen Âge. Les premiers pas du capital). C’est un texte fondamental où il montre comment au sein des pores de la société féodale se développe les prémisses du capitalisme. Isy se consacre ensuite à l’étude des crises du capitalisme, et publie plusieurs articles et livres sur ce thème. Il fut un des premiers à percevoir l’importance de la crise des subprimes : dès l’été 2007, lors d’un exposé à l’université d’été du NPA, il insistait sur sa gravité et ses répercussions possibles sur l’ensemble du système financier. En 2012, dans La révolution selon Karl Marx, il s’interrogeait sur les failles pouvant exister dans le dispositif théorique des fondateurs du marxisme et sur leur rôle possible dans les échecs des expériences révolutionnaires. Dans les dernières années, affaibli, il continuait néanmoins à suivre l’actualité et à écrire des textes sur les Gilets jaunes, sur Trump,…
Avec sa femme Anne-Marie, bien que malade depuis des années, Isy se tenait le 21 mars dernier sur le trottoir d’une avenue menant au cimetière du père Lachaise, où passait le cortège funèbre d’Alain Krivine.
Norbert Holcblat