À l’instar du collectif Urgence Darfour, qui propose une analyse simpliste du conflit, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, en phase avec Sarkozy, voit, au Darfour, « des musulmans intégristes tentant d’imposer la Charia à des musulmans modérés » [1], ce qui est absolument sans fondement, car l’islam de la junte militaire au pouvoir est largement soluble dans l’affairisme, certains mouvements rebelles appartenant au même courant religieux que les autorités [2].
Kouchner a, dans un premier temps, annoncé la mise en place de corridors militaro-humanitaires à partir du Tchad, suscitant de nombreuses critiques de la part des ONG, qui craignent d’être instrumentalisées par les militaires et redoutent d’être prises pour cible. Or, le problème est moins aujourd’hui l’accès aux populations civiles que la recherche d’une solution politique impliquant tous les acteurs. Les oppositions militaires sont fragmentées et incapables de l’emporter face au pouvoir central.
Kouchner a alors fait volte-face, et il a proposé la mise en œuvre d’une force européenne dans l’est du Tchad, sans plus de succès. A enfin été décidée la mise en place d’un pont aérien pour ravitailler les réfugiés qui s’y trouvent. Cela n’explique pas ce qui empêchait jusque-là l’armée française, omniprésente au Tchad, de convoyer de l’aide dans ces camps privés de tout. Elle se contentait de stopper les mouvements militaires opposés au dictateur Idriss Déby. Cela ne saurait non plus masquer le fait que ce soutien inconditionnel à Déby est un facteur aggravant de la crise au Darfour, puisque le Tchad soutient les mouvements rebelles opposés à Khartoum, qui lui rend la pareille, alimentant sans fin les exactions contre les populations civiles du Darfour et du Tchad.
Dans le même temps, Sarkozy a annoncé la tenue d’une « conférence internationale » à Paris, fin juin, et la mise en place d’un « groupe de contact élargi ». Mais la conférence ne vise qu’à réunir les pays qui pourraient faire pression ou qui jouent un rôle de médiation, et non les acteurs du conflit eux-mêmes. Elle apparaît comme concurrente aux démarches en cours de l’ONU et de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Les autorités soudanaises viennent d’ailleurs de débloquer un contrat pétrolier au profit de Total, l’un des plus prometteurs du sud Soudan. On imagine mal Kouchner, qui s’était fait payer pour rédiger un rapport lavant la multinationale pétrolière des accusations de travail forcé en Birmanie, ou Sarkozy, qui est au mieux avec les principaux actionnaires du CAC 40, se mettre soudain à exiger la moindre pression financière sur le régime de Khartoum pour le contraindre à accepter une solution politique et de cesser ses exactions.
* Paru dans Rouge n° 2211 du 21 juin 2007.
Conférence cache-misère
Rouge
La conférence internationale sur le Darfour - où l’on a oublié d’inviter les protagonistes - masque mal les rivalités des grandes puissances impérialistes dont sont victimes les populations africaines. Après avoir tenté d’imposer des corridors militaires contre l’avis des ONG intervenant au Darfour, le gouvernement français s’est rabattu sur une opération dite « humanitaire » au Tchad.
Depuis le 17 juin, un pont aérien a été mis en place à destination du camp de Goz Beïda. Si l’aide aux réfugiés tchadiens et soudanais est une nécessité, cela ne saurait faire oublier que, derrière le paravent humanitaire, l’action de la France aggrave la crise. Sur les 1 000 hommes de l’opération Épervier au Tchad, 50 sont mis à disposition pour l’opération humanitaire... mais les 950 autres continuent d’assurer la protection de la dictature tchadienne. Tant que l’armée française protégera le régime sanglant d’Idriss Déby - qu’elle a installé au pouvoir -, celui-ci pourra continuer de détourner la rente pétrolière à son profit, tandis que les Tchadiens mourront dans les camps de réfugiés.
Il pourra aussi continuer de refuser toute solution politique et toute démocratisation au Tchad. Et continuer à aggraver la crise au Darfour : le Tchad soutient les mouvements rebelles opposés au régime soudanais, qui lui rend la pareille, alimentant sans fin les exactions dont sont victimes les populations civiles du Darfour et du Tchad. La politique de la France en Afrique, c’est vraiment celle d’un pompier pyromane !
* Paru dans Rouge n° 2212 du 28 juin 2007.