Après plus de deux semaines de protestation, les manifestations de rue non seulement continuent, mais s’intensifient. Les slogans appelant à la chute du régime sont de plus en plus nombreux. Au-delà de leur participation massive aux manifestations quotidiennes, de plus en plus de jeunes femmes occupent l’espace public et marchent dans les rues sans leur voile, défiant ainsi ouvertement les fondements de la République Islamique. Dans certaines villes, le climat est insurrectionnel et les forces de l’ordre sont obligées de reculer devant la détermination des manifestantEs. Le Kurdistan est traversé par des journées de grèves générales qui confinent à des opérations villes mortes avec la fermeture des commerces.
Mais les arrestations et les tirs à balles réelles continuent. Au 1er octobre, 133 personnes ont été tuées par la police. La répression a été particulièrement brutale à Zahedan (province du Sistan-Baloutchistan) : les forces de sécurité n’ont pas hésité à tirer à la sortie de la prière du vendredi sur la foule en colère. Bilan au moins 41 morts.
La fatigue des policiers est toutefois évidente. La tactique des jeunes manifestantEs d’organiser des manifestations simultanées dans plusieurs quartiers d’une même ville provoque une dispersion de leurs forces, et diminue donc considérablement leur efficacité. L’apparition des cocktails Molotovs ajoute à leur désarroi.
Comment continuer ?
Cette situation a posé la question de comment avancer, et comment élargir l’étendue des protestations.
– Une première réponse, comme toujours en Iran, est venue du mouvement estudiantin : partir en grève et appeler à son extension aux professeurEs, aux cadres de l’enseignement supérieur, ainsi qu’aux lycéenEs. Dans plusieurs villes et surtout Téhéran, Chiraz et Ispahan, les cours ont été boycottés afin de participer aux manifestations. L’Association des EnseignantEs a appelé à la grève, et cet appel a été entendu dans des grandes villes.
– Une seconde réponse est en gestation au sein du monde du travail. Les syndicats, non reconnus, et durement touchés par les arrestations massives de leurs membres, ont exigé la libération de ceux/celles-ci. Ils demandent aux travailleurs/euses de commencer des arrêts du travail.
Le syndicat VAHED des conducteurs des bus de Téhéran et de sa banlieue, dont certains dirigeants sont emprisonnés depuis le mois de mai ainsi qu’un autre depuis le 27 septembre, a exigé leur libération et menacé d’appeler à la grève. Le « Conseil d’organisation des travailleurs de l’industrie du pétrole » a publié un communiqué dans lequel il demande « l’arrêt de la répression » et menace également d’appeler à la grève.
Le monde du travail commence à montrer les dents. Les slogans « Etudiants, Travailleurs, Unité Unité » fusent dans les universités. C’est justement ce que craint le régime : la jonction entre les travailleurs/euses, les mobilisations des femmes et de la jeunesse.
Partout dans le monde, fleurissent des actions et mobilisations en solidarité avec la mobilisation populaire en Iran. Il est crucial que dans tous les pays, le mouvement ouvrier prenne toute sa place dans cette vague afin de peser sur l’évolution de la situation.
A l’heure où cet article est bouclé (3 octobre au matin), les forces policières encerclent et arrêtent les étudiantEs qui occupent l’Université Sharif de Téhéran.