Créée en 1979 pour assurer l’application de la loi islamique, la police des mœurs est de plus en plus critiquée pour des arrestations arbitraires et des violences.
Elle est à l’origine de la contestation qui secoue l’Iran. Le vendredi 16 septembre, c’est après l’intervention de la police des mœurs que la Kurde iranienne Mahsa Amini est morte. Elle avait été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés » parce qu’elle portait mal son voile quelques jours plus tôt, est morte.
Le président Ebrahim Raïssi a affirmé jeudi 22 septembre qu’une enquête allait être ouverte, en assurant que le rapport du médecin légiste n’avait pas fait état d’abus de la part de la police.
A l’heure où de nombreuses femmes retirent leur voile en signe de contestation contre le régime islamique, Franceinfo vous explique ce qu’est cette police de la morale.
Une police pour imposer le tchador
La Gasht-e Ershad, ou « police des mœurs » est née l’année du triomphe de la Révolution islamique en Iran, en 1979. Elle a été créée avec pour objectif principal d’assurer l’application de la loi qui a rendu le port du voile obligatoire pour les femmes.
A l’époque, il s’agissait d’un tchador, une tenue noire intégrale qui ne découvre que le visage. « Cette police inspirait une peur bleue, elle était composée de gens extrêmement agressifs » souligne Mahnaz Shirali, sociologue et politologue, spécialiste de l’Iran, dans Le Parisien.
Si le tchador n’est plus obligatoire aujourd’hui, les arrestations se poursuivent de manière arbitraire. L’absence de loi claire sur le code vestimentaire islamique laisse la police des mœurs libre de l’interpréter comme elle l’entend. La sociologue Mahnaz Shirali dénonce des « fourgonnettes en chasse » auprès du Parisien. A l’arrière de ces véhicules, des femmes se chargent de réprimander celles qui sont arrêtées et de leur faire un rappel à la loi.
Ces contrôles de la tenue des femmes se sont par ailleurs renforcés depuis l’élection de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi à la présidence du pays en 2021.
« Le gouvernement iranien a pris plusieurs mesures visant à renforcer l’obligation de porter le voile », explique le site Grand Continent. Une directive du 5 juillet dernier impose aux femmes de couvrir leur cou et leurs épaules en plus de leur chevelure. Un décret du 15 août les expose à des punitions plus sévères en cas de non-respect des règles vestimentaires, détaille le site.
Une brigade sous le feu des critiques
Cette police de la morale a plusieurs fois été pointée du doigt ces derniers mois.
– En avril, un champion de boxe a reçu plusieurs balles dans le dos alors qu’il tentait de défendre sa femme qui subissait un contrôle d’identité des officiers de cette unité, expliquent les Observateurs de France 24.
– Le même mois « la police a arrêté une femme qui avait été harcelée et filmée par une autre personne, pour non-conformité à cette réglementation, rapporte Human Rights Watch. Elle aurait été battue lors de sa garde à vue et emmenée à l’hôpital pour une hémorragie interne, avant d’être forcée de présenter publiquement des excuses, dans une émission de la télévision d’Etat. »
Depuis la mort de Mahsa Amini, de plus en plus de voix s’élèvent contre cette police, y compris au sein de la classe politique iranienne.
Elle « n’obtient aucun résultat, sauf causer des dommages au pays », a déclaré le député Jalal Rashidi Koochi à l’agence de presse ISNA. « Est-ce que les gens qui sont conduits par cette police d’orientation à ces séances d’explications reprennent conscience et se repentent quand ils en sortent ? », s’est notamment demandé le parlementaire.
Washington a également annoncé des sanctions économiques à l’égard de cette police des mœurs et de plusieurs responsables de la sécurité.
Cette colère contre la police des mœurs pourrait donner une nouvelle dimension au mécontentement qu’ont plusieurs fois exprimé les Iraniens depuis la Révolution islamique. « Cette fois-ci, on entend des protestations pas seulement contre la situation générale du pays, mais aussi pour les droits des femmes : c’est un changement important », a analysé Azadeh Kian, professeur de sociologie à l’université Paris Cité et spécialiste de l’Iran, pour l’AFP.
Jeudi 22, Washington a annoncé des sanctions économiques visant la police des mœurs iranienne et plusieurs responsables de la sécurité pour les « violences contre les manifestants », ainsi que pour le sort de Mahsa Amini.
Ces sanctions ciblent « la police des mœurs d’Iran et les hauts dirigeants de la sécurité iranienne responsables de cette oppression », et « démontrent l’engagement clair de l’administration Biden-Harris à défendre les droits humains et les droits des femmes, en Iran et dans le monde », a déclaré la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, dans un communiqué.
Au moins 17 personnes ont péri selon un bilan d’un média d’Etat du 22 septembre. Mais le bilan risque d’être bien plus lourd : l’ONG d’opposition Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, fait état d’au moins 50 civils tués par les forces de sécurité.