Les requins peuplent l’océan depuis des centaines de millions d’années. Ils fascinent et effrayent l’humanité depuis des millénaires. Aujourd’hui, ces animaux sont menacés d’extinction par la pêche commerciale qui tue jusqu’à cent millions de requins chaque année.
La demande pour leurs ailerons et leur viande entraîne un déclin préoccupant des populations de requins dans le monde. Résultat : plus de 50 % des espèces de requins sont désormais classées comme menacées ou quasi menacées d’extinction, et les populations de requins pélagiques (vivant en haute mer) ont chuté de plus de 70 % au cours des cinquante dernières années !
Pourtant, pendant que l’attention se concentre sur les marchés asiatiques où la plupart des produits de requins sont vendus, un autre acteur majeur de cette tragédie maritime est largement passé sous les radars. Il s’agit de l’Union européenne (UE).
Signal d’alarme
Un rapport du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) révèle qu’en 2020 près de la moitié des ailerons de requin importés dans la région de Hongkong, à Singapour et à Taïwan provenait d’Etats membres de l’UE. Cette étude doit servir de signal d’alarme et inciter l’Union européenne à reconnaître l’ampleur réelle de sa contribution au déclin mondial des requins. Il est temps qu’elle mette en place des actions pour remédier à cet effondrement.
Pour y parvenir, elle doit améliorer la surveillance de sa propre pêche et de son commerce de requins. En outre, elle doit plaider en faveur de limites commerciales durables par le biais de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (en anglais Convention on International Trade of Endangered Species, Cites), afin de garantir un avenir meilleur pour les requins.
Les gouvernements du monde entier ont commencé à reconnaître que les inscriptions à la Cites permettent d’enrayer le déclin des espèces de requin. Malheureusement cette réglementation ne couvre qu’un quart du commerce mondial des requins, et de nombreuses espèces menacées d’extinction demeurent en vente libre dans le commerce. Bien que l’UE ait soutenu les efforts internationaux visant à mettre en œuvre les inscriptions Cites existantes à ce jour, cela ne suffit pas.
A l’occasion de la 19e réunion de la Conférence des parties (CoP19) de la Cites, qui se tiendra en novembre au Panama, l’UE et ses Etats membres peuvent faire le choix d’appuyer la proposition portée par le pays hôte afin d’inscrire plusieurs espèces de requins menacées en annexe II de la Cites, ce qui permettrait de contrôler leur commerce.
Un rôle de chef de file
En coparrainant cette proposition, la plus importante sur les requins jamais envisagée à la Cites, l’UE assumerait activement un rôle de chef de file dans la conservation mondiale des requins. Cette décision historique enverrait un message fort à la communauté internationale et inciterait d’autres acteurs à emboîter le pas.
La classification des requins en annexe II étant susceptible d’être un sujet d’intérêt lors du sommet des Nations unies sur les océans organisé fin juin au Portugal, la France a une occasion unique de clôturer brillamment sa présidence du Conseil de l’Union européenne et cette dernière de démontrer son implication en matière de conservation marine.
Qu’il s’agisse de petites ou de grandes espèces, côtières ou vivant en haute mer, les requins disparaissent. Les efforts de gestion au cas par cas ne parviennent pas à enrayer leur déclin. Il est grand temps que tous les pays dotés de flottes de pêche internationales et ayant un rôle dans le commerce de requins assument leur juste part de responsabilité, à commencer par l’UE.
Barbara Slee
Responsable Europe conservation marine pour le Fond International pour la protection des animaux/IFAW