Hilda Flavia Nakabuye de l’organisation Fridays for Future Uganda, qui rassemble des milliers de jeunes en Afrique anglophone dans la lutte contre le réchauffement climatique, Diana Nabiruma de l’AFIEGO (Africa Institute for Energy Governance), une ONG en soutien aux luttes environnementales, et Maxwell Athuhura du Tasha Research Institute, ont expliqué, devant une centaine de participantEs à Paris, les dangers de ce projet. Il et elles ont souligné que cela va à l’encontre de la réduction des énergies fossiles actée par la France à la COP26.
Oui, il y a le feu au lac !
Le but de Total est d’exploiter un gisement pétrolier d’un milliard de barils découvert en 2006 près du lac Albert. Un lac vital pour près de 45 millions de personnes. Pour la multinationale française, il ne s’agit pas moins que de procéder à 400 forages. Le projet EACOP (East Africa Crude Oil Pipeline) est de faire transiter le pétrole à travers un oléoduc chauffé à 50 degrés sur près de 1 500 kilomètres, de l’Ouganda jusqu’au port de Tanga en Tanzanie.
Maxwell Athuhura explique que ces travaux impliquent l’expulsion de leurs terres de près de 100 000 personnes. Un processus qui a déjà commencé, le plus souvent par la force. Lui-même a été arrêté et mis en prison par deux fois sans aucune décision de justice. Les villageoisES expulsés touchent des compensations si faibles qu’ils et elles ne peuvent acheter d’autres terres. Parfois, certainEs sont toujours en attente de leur indemnité. En Tanzanie, la terre appartient à l’État, ce qui évite tous processus d’indemnisation.
Si la multinationale française se veut rassurante pour la faune, les débuts des opérations démentent ces assertions. En Ouganda certaines espèces sont en voie de disparition, comme la girafe de Rothschild. Diana Nabiruma explique : « Ils tentent de les capturer pour les transférer dans d’autres parcs naturels qui ne sont pas impactés par le projet pétrolier » et « les éléphants en raison du rétrécissement de leur territoire désormais empiètent et détruisent les champs de culture des villageois ». Les travaux occasionnent l’émission en continu de poussière qui envahit les villages, perturbe les oiseaux. La construction de routes en bitume, brûlantes en journée, empêche la circulation des reptiles. C’est donc une forte perturbation de l’écosystème et une remise en cause de la coexistence harmonieuse entre les humains et la nature.
Natixis, les députés, les conseillers de Macron et le… Pape
Entre les organisations ougandaises et françaises comme Survie, les Amis de la Terre, 350.org et bien d’autres, une coalition s’est formée pour empêcher qu’un tel projet se réalise. Bien que ce combat semble être celui de David contre Goliath, des succès significatifs ont été remportés. D’abord un relatif isolement financier de Total : à titre d’exemple toutes les banques françaises ont refusé de participer à ce projet, à l’exception de Natixis, qui n’a pas encore pris sa décision et qui devrait recevoir la visite de la délégation ougandaise.
Au niveau juridique, là aussi une victoire d’étape a été remportée. Sur la base de la loi de 2007 qui vise à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », la Cour de cassation a confirmé que la juridiction compétente ne pouvait être le Tribunal de commerce pour trancher sur des questions aussi fondamentales. Juliette Renaud des Amis de la Terre explique que « le million de signatures contre le projet a permis de renforcer la légitimité de notre combat ».
Des rencontres ont eu lieu avec les différents rapporteurs de l’ONU, mais aussi les députés français. Des réunions sont prévues avec les conseillers de Macron et de Le Drian. Enfin un rendez-vous a été pris avec le Pape dans les prochains jours. Gageons que ses prières et les mobilisations en France et en Ouganda provoquent un miracle : celui, comme le dit Hilda Flavia Nakabuye, que « le pouvoir des gens soit plus fort que les gens au pouvoir ».
Paul Martial