Communiqué du NPA
Les obsèques de notre camarade Alain Krivine, décédé samedi dernier, auront lieu le lundi 21 mars au Père-Lachaise à 15h30. Une marche sera organisée pour se rendre ensemble au cimetière, départ à 14h (lieu à préciser).
Une soirée d’hommage avec des invité·e·s internationaux aura lieu à la Mutualité (Paris 5e) le samedi 30 avril (veille du 1er Mai).
De Russie : Ilya Budraitskis
Une des principales caractéristiques de la longue et digne vie d’Alain Krivine a été sa fidélité aux convictions, incroyablement ferme et exceptionnellement rare à notre époque. Il y a vingt ans, lorsque j’ai rencontré Alain pour la première fois à Moscou, il était déjà une légende vivante. Pour moi et mes amis, jeunes militants de gauche, le rencontrer était une véritable rencontre avec l’histoire. Ce que nous n’avions lu que dans les livres auparavant – 1968 français, le mouvement de libération en Algérie, les mobilisations contre la guerre au Vietnam – est devenu pour nous de la chair et du sang, marquant une continuité politique dont nous pouvons être fiers. Cette rencontre avec Alain aboutit plus tard à la création du groupe russe de la IVe Internationale.
Au cours des années qui ont suivi, Alain est resté en contact permanent avec nous, se rendant à de nombreuses reprises en Russie pour soutenir les campagnes de solidarité et les grèves des travailleurs. Il a visité de nombreuses régions de notre pays, et a très bien compris les conditions des gens ordinaires et les risques de la lutte politique. Et il est resté un optimiste historique, tout en conservant un « pessimisme de l’esprit ».
Alain nous a raconté que sa propre formation de marxiste anti-stalinien a également commencé à Moscou, lorsqu’en 1957, alors membre de la Jeunesse communiste française, il a participé au festival de la jeunesse et des étudiants. Alors, ses yeux vifs ont rapidement saisi le fossé entre le tableau rose de la réalité soviétique que les maîtres du festival tentaient de peindre et la réalité de la pauvreté et de l’absence de droits élémentaires de la classe ouvrière en Union soviétique. Après son retour d’URSS, il rompt rapidement avec le Parti communiste français et rejoint le mouvement trotskyste.
Cette honnêteté envers soi-même, ce refus de choisir entre les « camps » en compromettant ses principes politiques, reste pleinement d’actualité. La mort d’Alain est survenue pendant les jours tragiques de l’invasion impérialiste criminelle de l’Ukraine par les troupes russes. C’est une période d’épreuve pour tous ceux qui sont prêts à embrasser la bannière qu’Alain Krivine a portée pendant plus d’un demi-siècle.
Ilya Budraitskis, militant russe de la IVe Internationale
• Traduit du russe par JM.
original :
Алан Кривин прожил долгую и достойную жизнь, одна из главных черт которой – невероятно твердая и исключительно редкая в нашу эпоху верность убеждениям. Двадцать лет назад, когда мы впервые познакомились с Аланом в Москве, он уже был живой легендой и встреча с ним была для меня и моих друзей, молодых левых активистов, настоящей встречей с историей. То, о чем мы до этого только читали в книгах – французский 1968-й, освободительное движение в Алжире, протесты против войны во Вьетнаме – обрели для нас плоть и кровь, обозначив политическую преемственность, которой можно гордиться. Результатом этой встречи с Аланом впоследствии стало создание российской группы Четвертого Интернационала.
На протяжении последующих лет Алан сохранял постоянный контакт с нами, неоднократно приезжал в Россию, поддерживая кампании солидарности и забастовки рабочих. Он посетил множество регионов нашей страны, и очень хорошо понимал условия жизни простых людей и риски политической борьбы. И оставался историческим оптимистом, при этом всегда сохраняя « пессимизм разума ».
Алан рассказывал нам, что его собственное становление как антисталинистского марксиста тоже началось в Москве, когда в 1957 он, тогда член французского комсомола, принял участие в Фестивале молодежи и студентов. Его острый взгляд тогда быстро уловил пропасть между радужной картиной советской действительности, которую пытались рисовать хозяева фестиваля, и реальностью – бедностью и отсутствием элементарных прав рабочего класса в Советском союзе. После возвращения из СССР он вскоре порвал с французской Компартией и присоединился к троцкистскому движению.
Эта честность перед собой, нежелание выбирать между « лагерями », поступаясь своими политическими принципами – полностью сохраняют свое значение сегодня. Смерть Алана пришлась на трагические дни преступного империалистического вторжения российских войск в Украину. Это время испытания для всех, кто готов принять знамя, которое Алан Кривин нес на протяжении более полувека.
Илья Будрайтскис, российский сторонник Четвертого интернационала
De Grèce : Anametrisi - Message pour Alain Krivine
Aux camarades du NPA et de la IVe Internationale
Athènes le 14/3/2022
C’est en pleine conférence de constitution de notre nouvelle organisation anticapitaliste que nous avons appris la nouvelle de la mort d’Alain Krivine, figure emblématique des combats internationalistes et de la fidélité aux idéaux révolutionnaires, en prise avec toutes les urgences de l’heure. Nous vous disons notre tristesse devant la perte d’un camarade qui a tellement apporté aux convictions et à l’espoir de centaines de milliers de militant-e-s à travers le monde, et nous avons tenu à rendre hommage à Alain Krivine par une minute de silence lors de notre congrès. Mais notre hommage le plus cher sera de célébrer comme le souhaitait Alain Krivine la mémoire des disparus, en perpétuant son combat, qui est le nôtre et celui de toutes et tous les exploités. Aux camarades du NPA et de la IVe Internationale, au nom de notre organisation créée ce week end, nous transmettons nos condoléances très émues et notre solidarité pour les combats communs, actuels et à venir.
Anametrisi [Confrontation] pour une nouvelle gauche communiste
Μήνυμα για την απώλεια του Alain Krivine
Από : Αναμέτρηση, οργάνωση για μια νέα κομμουνιστική αριστερά
Προς : Τους/τις συντρόφους/ισσες του NPA και της 4ης Διεθνούς,
Αθήνα, 14/3/202
Εν μέσω της συνδιάσκεψής μας για τη δημιουργία της νέας μας αντικαπιταλιστικής οργάνωσης μας ήρθε η είδηση της απώλειας του Αλέν Κριβίν, εμβληματικής προσωπικότητας των διεθνιστικών αγώνων και της αφοσίωσης στα επαναστατικά ιδεώδη, σε επαφή με όλες τις επείγουσες ανάγκες της στιγμής.
Εκφράζοντας τη θλίψη μας για την απώλεια ενός συντρόφου που συνέβαλε τόσο πολύ στις πεποιθήσεις και τις ελπίδες εκατοντάδων χιλιάδων αγωνιστών σε όλο τον κόσμο, αποτίσαμε φόρο τιμής στον Αλέν Κριβίν με ενός λεπτού σιγή στη συνδιάσκεψή μας. Αλλά ο πιο σημαντικός δικός μας φόρος τιμής, όπως ο ίδιος ζητούσε να τιμούμε τη μνήμη όσων χάνουμε, παίρνοντας τη σκυτάλη του αγώνα τους, του αγώνα όλων των εκμεταλλευόμενων. Στους συντρόφους του NPA και της 4ης Διεθνούς, στο όνομα της οργάνωσής μας που δημιουργήθηκε αυτό το Σαββατοκύριακο, μεταφέρουμε τα θερμά μας συλλυπητήρια και την αλληλεγγύη μας για τους κοινούς αγώνες, παρόντες και μελλοντικούς.
• https://synantisi.org/message-pour-alain-krivine-minyma-gia-tin-apoleia-toy-alain-krivine/
Communiqué de l’Équipe d’animation nationale du mouvement ENSEMBLE !
Alain Krivine nous a quittés.
Nous le savions gravement malade, et la nouvelle de sa disparition nous est douloureuse.
Alain Krivine n’était pas seulement depuis 1968 une figure essentielle du mouvement révolutionnaire en France et un dirigeant reconnu de la IVe Internationale, il était un camarade au sens plein du terme.
Venu à l’action politique par la lutte contre le colonialisme français en Algérie, il fut, avec la Jeunesse communiste révolutionnaire, au cœur de mai 68. Puis ce fut la Ligue communiste, devenue Ligue communiste révolutionnaire. Alain Krivine en fut l’infatigable animateur, tentant d’ouvrir la tradition trotskiste aux nouvelles radicalités issues des mobilisations de la jeunesse des années 1960-1970.
Une fois achevé son mandat de député européen, peu enclin à envisager une nouvelle candidature à l’élection présidentielle il sut assurer avec Olivier Besancenot le relais générationnel.
Militant exemplaire, Alain Krivine des décennies durant fut un acteur de tous les combats, aux plans national et international, contre un système capitaliste générant exploitation et oppressions. Homme de conviction, il savait avec courage, détermination, et aussi humour, se porter sur la brèche, mettre sur pied les appels, organiser les initiatives et mobilisations que la situation du moment rendait nécessaires. Son « flair » politique et son sens des rapports humains ont fait de lui l’animateur de « la Ligue », qui sans lui n’aurait sans doute pas été en mesure d’assumer ses tâches politiques comme elle le fit.
Adieu camarade !
Le combat continue, mais ton absence va le rendre plus difficile…
L’Équipe d’animation nationale du mouvement ENSEMBLE !
Une invitation à la réflexion
Pierre Rousset
Alain est salué, à juste titre, pour sa fidélité envers ses engagements. Une fidélité qu’il a pu « incarner », car il était l’une des figures les plus connues de la génération militante des années 1960. Figure reconnue bien au-delà des frontières de l’Hexagone, car nous manifestions alors de Bruxelles à Berlin et que des liens de communauté de lutte se tissaient dans le monde. Il en va évidemment de même pour Daniel Bensaïd et d’autres « figures » de l’époque, comme Jacques Sauvageot, plus rapidement passé sous les radars médiatiques.
A s’en tenir aux personnalités radicales les plus « visibles » des années 60, on pourrait craindre que les défections aient été plus nombreuses que les fidélités. Elles et ils sont pourtant très nombreu.ses à avoir, anonymement, poursuivi sous une forme ou une autre (locale, associative et syndicale, politique) leurs engagements. En témoigne la multiplication de ce que nous avons appelé les « nouveaux mouvements sociaux » dans les années 90, bien souvent impulsés avec la participation de militant.es formé.es dans les années 60-70. Nous étions des millions de jeunes révoltés et il est normal qu’une grande partie d’entre nous retourne au quotidien, sans pour autant démériter en quoi que ce soit. La « génération 68 » ne s’est pas décomposée, elle a ensemencé – puis s’est heurtée à la longue durée et à la puissance de la contre-révolution néolibérale, du refoulement généralisé des droits, aux guerres en permanences, au risque de s’épuiser.
Alain était un permanent (salarié) de nos organisations successives. C’était aussi mon cas (j’ai dû être « recruté » un peu avant lui). De fil en aiguille (ce n’était pas prévu ainsi) nous sommes tous deux devenus des permanents de très longue durée. En principe, il n’est pas bon de devenir « permanent à vie », et je le déconseille. L’être pour une période de cinq ans est plus raisonnable – avec une commission d’embauche prête à aider au retour à un emploi « normal ». Je dois néanmoins avouer que je ne regrette rien : ma vie de permanent a été très riche et variée, en particulier sur le plan international, elle m’a permis de tisser de précieux liens et solidarités, d’apprendre sans fin à apprendre. Point de regrets non plus, je pense, pour Alain.
Le permanentariat – ses richesses et ses dangers – est une facette de l’histoire d’Alain qui mérite d’être abordée à l’heure où un décès – attendu et redouté – invite à un regard rétrospectif
Métier ? « Révolutionnaire professionnel ». Cela fait drôle sur un CV et un peu mytho, mais jusqu’à la fin des années 70, on ressentait l’actualité internationale de la révolution. Une fois les années 1980 passées, nous nous sommes rendu compte que nous risquions d’être longtemps des révolutionnaires sans révolution, une épaisse brume brouillant l’horizon, ressentant intimement la tension entre le nécessaire et le possible. Comme en témoignent tant de souvenirs dans ces pages, Alain s’est dépensé sans compter dans cette période claire obscure pour soutenir – une réunion, une lutte, un combat, la fondation d’une organisation outre Hexagone… avec un engagement particulièrement profond vis-à-vis de la Russie, là où il avait vécu sa première expérience fondatrice.
Investi à partir du milieu des années 70 dans des activités internationales, je n’ai recommencé à côtoyer Alain que 20 plus tard, de retour à Paris (sans pour autant rompre mes liens et solidarités tissés en Asie), puis me retrouvant dans l’équipe au Parlement européen, après les élections de 1999 – lui comme député (tout arrive !) avec Roseli
ne Vachetta, moi rattaché au groupe de la GUE/NGL. Nous nous considérions toujours comme des permanents, simplement avec de nouvelles fonctions. Qu’est-ce que cela voulait concrètement dire ? Notamment que de son indemnité et de mes émoluments (très conséquents), nous ne gardions que le montant du salaire que nous recevions antérieurement, utilisant le reste pour des activités politiques diverses. Une tradition que bien peu de PC respectaient encore – avec pour notable précision que nous étions tous sur la même grille de salaires, quelles que soient les tâches assumées. Autre précision qui a son importance, j’ai effectivement travaillé pour le groupe de la GUE/NGL (en particulier ses activités internationales) avec son président de l’époque, Francis Wurtz.
Etre révolutionnaire sans révolution pendant des décennies n’est pas sans conséquences sur les organisations, les collectifs de direction, et les individus concernés. Toutes les failles de fonctionnement – il y en a toujours – peuvent se payer plus cher. Nous n’en sommes pas sortis indemnes et si l’on veut apprendre de l’expérience de notre génération, il faut éclairer ses parts d’ombre, et ne pas seulement voir ses lumières. Mais ce travail autocritique, c’est plutôt à nous de (continuer à) le faire.
Puisque j’évoque l’appartenance à une génération militante, est-ce à dire qu’Alain et moi appartenions à la même ? Vu d’aujourd’hui, la réponse semble évidemment positive. Pourtant, c’est à la fois vrai et faux. Si l’on remonte à nos origines, ce n’est en effet pas entièrement le cas. Dans les années 60, quelques années pouvaient faire la différence. Nous avons certes vécu une expérience fondatrice, commune, majeure, et nous avons été lancés pour longtemps sur orbite sous l’impulsion de Mai 68. Une chance rare. Cependant, Alain avait 5 ans de plus que moi et un engagement encore plus précoce, notamment dans la solidarité clandestine avec le combat d’indépendance en Algérie. Ce ne fut pas mon cas – quand nous avons fondé la JCR, j’étais un jeune militant et lui un cadre.
Quand nous avions à peine plus de 20 ans... Sortie de prison : à l’avant scène (évidemment) Alain décravaté, cigarette au bec. Moi : au centre, troisième rang, grosses lunettes.
Pierre Rousset
Je n’attendais pas la disparition d’Alain. Je la redoutais
D’une génération bizarre, de 10 ans plus jeune que celle de la JCR, celle des combats dans la jeunesse de la fin des années 70 et du temps des révolutions possibles et espérées, jusqu’à l’ère mitterandienne, j’ai côtoyé Alain dans la direction de la Ligue, alors que j’étais dirigeant étudiant et des JCR.
Je l’ai connu, porte parole venant dans nos meetings et je l’ai connu dirigeant. J’étais impressionné par les deux. Par l’immense empathie qu’il dégageait dans les meetings avec les militants qu’il rencontrait. Cela nous donnait confiance, cela nous rendait important, cela nous confortait. Son prestige était immense, et grace à lui, nous en recevions une part. Ce prestige m’impressionnait dans les réunions de direction, d’autant plus qu’il gardait une écoute attentive et sans arrogance à notre égard. Certes, il n’oubliait pas de nous brocarder lorsque l’on discutait dans son bureau. Mais dans le débat, il nous respectait. J’étais impressionné par son respect.
Ce fut une profonde déchirure de le quitter, bien plus tard, au moment de la rupture de la GA. Une faute, peut être , une culpabilité en quelque sorte… Mon combat politique , mes combats quelqu’ils soient, en fait ma vie, étaient liés à cette personne, à d’autres aussi,… Olivier et Samy ont les mots justes.
Je suis d’une génération pour qui le mot stalinien, et donc anti-stalinien était une signature profonde. Il incarnait ce courant particulier du trotskisme, ce fil rouge de l’histoire qui a permis à deux générations de militants dont la mienne, de se sentir fier et à leur place dans l’Histoire du XXe siècle. Il disparaît au moment où minuit pourrait bien sonné dans ce siècle ci. Je suis aujourd’hui un peu plus vieux et un peu plus orphelin.
Christophe Armen
Quatre moments personnels
Bonjour,
Peu de choses à rajouter aux messages précédents. Seulement quatre moments personnels qui « éclairent » sa qualité humaine.
31 décembre 1968 : « réveillon » dans l’appartement d’Alain et Michèle des militants, on était 5, qui effectuaient, à ce moment-là (loin des futurs comités de soldats !), leur service militaire, discussion politique bien sûr, mais beaucoup d’attention à la situation personnelle de chacun.
novembre décembre 1973 : permanent à Paris, j’organise une « cafeteria » impasse Guéménée (parmi la cinquantaine de permanents parisiens beaucoup ne disposent que de revenus limités). La règle est bien évidemment de débarrasser les tables, de les nettoyer etc... repas fini. Ça n’étonnera personne mais ce petit travail (urgence des tâches de chacun.e...parait-il) était le plus souvent effectué par Alain et moi même !
• Courant 1980 : fatigué par les débats « locaux » qui, dans la petite organisation lilloise prennent parfois une tournure personnelle, je démissionne de la LCR (la démission ne dura que quelques mois) : Alain fait le voyage à Lille pour tenter de me faire revenir sur ma décision.
• Début des années 2010 : plusieurs rencontres avec Alain dans son bureau de Montreuil, afin de parler des problèmes des archives de l’organisation (dont je traite une partie considérable mais très largement incomplète à la BDIC de l’époque). Beaucoup d’écoute et de disponibilité de sa part (alors que l’histoire de sa propre organisation ne constituait pas, de son propre aveu, pour lui, une préoccupation significative !).
Chagrin, regrets et fierté.
Dominique Gérardin
bonjour,
Je rebondis sur le message d’André. Je n’ai pas d’aussi belles photos que d’autres qui circulent beaucoup en ce moment, car l’époque n’était pas au numérique et on prenait moins de photos.
J’ai néanmoins retrouvé une photo, et gardé quelques coupures de journaux de ses venues au Havre. Sait-on jamais si quelqu’un écrivait un jour une biographie de lui. Il faut rappeler qu’il était aussi très disponible pour venir sur le terrain des luttes, partout où ça bougeait. C’est encore un des meilleurs souvenirs de mes années d’industrie, lorsque, à la demande des syndicalistes CGT et grévistes des deux usines sœurs de la Société Normande de l’Azote et de la COFAZ, il est venu devant la porte de l’usine faire un petit discours et discuter avec les grévistes.
La LCR avait alors une influence non négligeable dans des gros syndicats de la ville (Renault, Hôpital, PTT...). Le soir, on en avait profité pour faire un meeting à l’occasion des élections cantonales de 1982. Il était venu l’année d’avant, en mars 1981 faire un meeting en plein air devant les portes de Renault Sandouville. La photo n’est pas excellente, mais on voit Alain avec sa tignasse frisée à l’extrême-droite (de la photo !) et ma pomme, qui a pris quelques années et perdu beaucoup de cheveux, un peu plus à gauche en train de tenir un « Rouge ».
On ne l’oubliera pas. Il est inoubliable.
Gilles Houdouin
Merci d’avoir tenu dans l’adversité
A tous/tes ceux/lles de sa génération et de celles qui sont avant moi : merci d’avoir tenu dans l’adversité. Vous êtes des passeurs/ses, pour ça merci !
* * *
Des mois que j’attends avec inquiétude le jour où j’apprendrai ta mort. Ça y est, tu as décidé de quitter notre grande navette spatiale. Je te savais affaibli, mais je te sentais souvent là. Il y a des rencontres qui nous rendent plus grands, plus forts, plus justes. Ma rencontre avec toi est de celles-là. Pour ton anniversaire, tu me fis la surprise de répondre à mon message en espagnol. Souvenirs de nos aventures vénézuéliennes. Comment ne pas me nourrir de ces quatre jours ensemble à Caracas, arpentant les barrios et les ministères, nous régalant d’une Arepa Reina Pepiada et d’une bière gelée, apprenant à reconnaître le son d’une arme longue et d’une arme courte. Nos rencontres au petit matin avec des guérilleros colombiens, avec Evo qui n’est encore que le chef du MAS, les militants du fond des quartiers populaires, ... Je t’entends me dire, dans le hall du Hilton de Caracas, le sourire narquois aux lèvres, au détour d’une rencontre expresse avec des anciens révolutionnaires passés à la social-démocratie : « je suis leur mauvaise conscience ». Moi qui en viens, tu m’a gagné, avec des dizaines de personnes merveilleuses que tu as contribué à former, aux idées de la révolution. Je suis heureux d’avoir croisé ta route. Je suis plein de gratitude. Je me souviendrai, comme beaucoup, de ta simplicité et de la sincérité de tes engagements, de tes calembours et de ton humour. De la lumière dans ton regard aussi. Nos chemins politiques se sont séparés et pourtant, je n’ai jamais cessé de t’aimer. Merci Alain. Merci.
Sébastien V., plutôt Ensemble, mais surtout quartiste
La Croix du Grand Moulin, Férel, le 12 mars 2022
D’Italie
La mort de notre camarade Alain Krivine nous attriste profondément. Pour les camarades en Italie, Alain a toujours n’a pas été seulement l’un des dirigeants de Mai 68 et du plus important parti de la IV Internationale, la LCR française. Il nous connaissait aussi bien et a été engagé personnellement dans plusieurs moments importants de la lutte de classe et de la construction de nos organisations. Il nous manquera énormément. Mais nous continuerons son combat.
Roberto Firenze, Nadia De Mond, Gigi Malabarba, Salvatore Cannavò, Gianni De Giglio
Alain, un camarade exemplaire et chaleureux
Après le congrès mondial de 1979, la LCR a mis en œuvre le « tournant vers l’industrie » (congrès SFQI de 1980). C’est dans ce contexte que j’ai émigré et milité dans le pays de Montbéliard, embauché dans une grande usine à Belfort. Alain, alors membre du BP chargé du suivi de l’intervention Peugeot, a concrètement mis en pratique cette orientation. Ce secteur était classé « prioritaire » par la direction de la LCR, du fait du poids de l’industrie (plus de 50% des emplois dans l’aire urbaine Belfort-Montbéliard), notamment la branche automobile. Mais aussi du fait de la féroce répression patronale, méthodiquement organisée par la famille Peugeot, fer de lance de l’UIMM (le patronat de la métallurgie). Cet harcèlement permanent des militants via la maîtrise avec l’aide de « syndicats » ouvertement fascistes (CFT puis SIAP-CSL) et de syndicats jaunes (FO, CFTC, CGC …) avait conduit en 1979 à la mort tragique de notre camarade Philippe Marchaux, OS à l’usine de Sochaux.
A partir de novembre 1980, Alain venait tous les mois de Paris pour animer le « Groupe Taupe Rouge Peugeot », qui organisait les militants et sympathisants LCR des usines Peugeot et les camarades extérieurs en soutien. On se réunissait tou(te)s dans une ferme proche de Montbéliard, le samedi, seule possibilité de rassembler les camarades travaillant en normal, de nuit et en équipes du matin ou d’après-midi. Systématiquement, à l’entrée du chemin de terre menant à la ferme, un RG en planque dans une voiture banalisée nous surveillait à distance. Alain apportait toujours avec lui 5000 exemplaires de la feuille mensuelle « Taupe Rouge Peugeot », un 4 pages imprimé à Roto. La réunion démarrait d’abord par une séance collective de pliage autour d’une grande table, à laquelle Alain participait avec sa bonne humeur. C’était pour lui l’occasion de donner des infos sur la vie du parti, raconter des anecdotes et, par tous ces échanges informels, contribuer à notre formation politique.
Alain a joué un rôle décisif pour recruter des militants ouvriers et stabiliser localement une intervention politique de la LCR sur plusieurs sites Peugeot (Vesoul, Valentigney, Mulhouse et Sochaux) : 60 000 salarié(e)s, dont les 2/3 sur la seule usine de Sochaux qui, selon un camarade ouvrier (qui a adhéré à la fin d’un meeting d’Alain à Montbéliard) consommait autant d’électricité que la ville de Paris … Avec abnégation, tous les mois, Alain a effectué ces allers et retours, parfois accompagné de camarades de Renault pour partager les expériences d’interventions de la branche auto. Au bout de 2 ans (de mémoire), cette opiniâtreté a porté ses fruits ; le noyau militant a été suffisamment fort pour voler de ses propres ailes en milieu hostile et Alain a pu se « libérer ». Le 4 pages mensuel tiré à l’offset à Roto est passé en tract recto-verso quinzomadaire tiré sur place à la ronéo. Rassemblé par le secteur auto du NPA, ce matériel militant a été en 2016 archivé par l’association RADAR.
En 1992, après 5 ans de lutte qui s’est conclue par 3 semaines d’occupation, l’usine de Belfort où je travaillais a fermé. Faisant partie de l’ultime charrette de 1000 licenciements, j’ai été contraint comme bien d’autres de quitter la Franche-Comté pour retrouver du boulot. De l’eau a coulé sous les ponts, mais j’ai souvent recroisé Alain, en région parisienne ou à l’université d’été du NPA, toujours disponible pour discuter politique. Son antibureaucratisme viscéral, son optimisme à toute épreuve et sa chaleur humaine m’ont toujours impressionné. Avec du recul, j’ai surtout retenu d’un militant de sa trempe, jusqu’au bout fidèle à notre combat, une leçon exemplaire, qui rend définitivement dérisoires les querelles fractionnelles : l’abnégation, la patience et l’humilité sont les principales qualités d’un(e) révolutionnaire.
Gilbert Guihem
Il est revenu dans l’Aisne
Salut,
Le militant révolutionnaire infatigable que fut Alain Krivine, né en 1941, a commencé sa vie dans l’Aisne, à Danizy près de Tergnier, où il fut caché par ses parents pour échapper à la déportation nazie.
Il est revenu dans l’Aisne il y a quelques années, quand une cellule entière du PCF était passée à la LCR, pour un meeting à Mont d’Origny, une commune ouvrière de 800 habitants, proche de Saint-Quentin.
Peut
Dominique Natanson (Comité de Soissons du NPA)
Alain Krivine interviewé lors du 50e anniversaire de Mai 68
Sur la page du NPA :
Publié le Samedi 12 mars 2022 à 18h06.