Andrée M. considère la sociologie comme une arme, une arme au service de tous et de toutes. Au service de ces minorités, ces catégories, ignorées, méprisées, exploitées, sous-représentées si nombreuses : parmi elles, les travailleurs manuels, les peuples colonisés, les femmes. Pour ces dernières, elle ajouterait volontiers « mâl-représentées ». Andrée Michel a été de tous les combats (et d’abord contre la guerre d’Algérie). Le combat antimilitariste est aussi et surtout un combat de femmes car, explique la sociologue, docteure d’Etat de l’université de Paris, l’armée est une composante du système patriarcal.
Avec l’aventure nucléaire française que la IVe République a échafaudée et mise en selle, Andrée y détecte ce délire de grandeur des hommes qui prétendent concurrencer Dieu. (mythe prométhéen). A l’image de son amie Solange Fernex, elle saura lier combat féministe et combat pacifiste. En 1990, elle crée le réseau « Citoyennes pour la paix » et découvre alors, non sans amertume, que les féministes les plus en pointe se sont ralliées à la cause de François Mitterrand. Le compromis politicard est vécu comme une trahison. Qu’importe, la déception ne mérite pas l’inaction. Nous sommes à la veille de la première guerre d’Irak. Mitterrand dépêche un porte-avions en Mer Rouge. Alors, Andrée se lance dans la course aux pétitions, aux signatures. A la suite d’une lettre ouverte au Président Mitterrand, Andrée reçoit le soutien de féministes arabes ; ce sont elles qui montent l’opération ‘Un bateau pour la paix’.
Ce bateau veut apporter un soutien alimentaire aux enfants victimes de l’embargo qui frappe l’Irak. L’embarcation de fortune – dont l’épopée fera la « une » de journaux internationaux – quitte Alger à destination de Bassorah. Andrée décide de rejoindre l’équipage pacifiste et embarque à Tunis. La seule française à bord ! Plus tard, elle rencontrera l’écrivaine irakienne Nassra Al Satoum ; et pour que le récit soit connu ici, elle lui trouvera un éditeur.
Le combat contre le complexe militaro-industriel a valu à Andrée une réputation qui dépasse les frontières. Le livre Surarmement, Pouvoirs, Démocratie (L’Harmattan 1995) est un pavé. Ces 400 pages n’ont pas perdu de leur pertinence, même si les chiffres devraient être révisés à la hausse. Le seul problème, c’est qu’il n’est pas d’un accès facile. C’« est d’ailleurs pourquoi Andrée va décider de publier une version simplifiée et illustrée par une dessinatrice de talent, Floh : il s’agit de Citoyennes Militairementincorrectes (Harmattan 1999)
Le nombre d’ouvrages publiés ? A défaut d’en faire l’inventaire, Andrée ajoute avec un zeste de modestie « Oh, une vingtaine environ ». Le listing exact ne compte pas. Après avoir pondu deux tomes sur la condition de la femme aujourd’hui, les Presses Universitaires de France lui proposent de rédiger un Que sais-je ? sur le féminisme. Elle accepte. Il se vendra bien puisqu’il en est à sa 8e édition.
Andrée Michel méritait bien cette reconnaissance puisqu’elle est la première à avoir créé au sein du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), une unité de recherche sur le rôle des sexes, de la famille et du développement humain.
Si vous lui demandez sa nationalité, Andrée M. répond volontiers : je suis citoyenne de la planète, pas de la France.
Ben Cramer
-------------------