M Macron semble avoir oublié un « détail » : depuis l’ouverture du marché de l’énergie, EDF n’est plus qu’un fournisseur parmi des dizaines d’autres. Certes, même si cette part se réduit continuellement, EDF conserve encore environ les deux tiers du marché français, mais il n’en reste pas moins vrai que, n’en déplaise à M. Macron, l’Etat français n’a aucunement le droit de financer EDF au détriment de ses concurrents.
Par ailleurs EDF est très gravement endettée et confrontée à un « mur » financier : coûts insensés des chantiers EPR de Flamanville et Hinckley Point, grand carénage (financement ruineux de la prolongation de vie des réacteurs actuels, etc), démantèlement de la douzaine de réacteurs déjà arrêtés, etc. L’entreprise EDF est donc dans l’incapacité de financer elle-même la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Il n’existe donc que deux options après les affirmations de M Macron à Belfort : soit il s’agit de déclarations politiciennes sans lendemain, comme c’est souvent le cas avec M. Macron. Soit ce dernier, s’il est réélu, tentera de réactiver le défunt plan « Hercule » dans le but de nationaliser le nucléaire et de le financer massivement par l’argent public… ce qui est interdit par les règles de l’Union européennes.
De fait, et jusqu’à preuve du contraire, la prétendue « relance du nucléaire » par M. Macron n’a aucune réalité… ce dont on peut bien entendu se féliciter car cela évitera de placer la France en faillite. Pour autant, l’avenir énergétique du pays reste parfaitement incertain : même avec des prolongations de durée de vie, les réacteurs nucléaires actuels vont finir par être arrêtés et aucune alternative sérieuse n’est mise en œuvre…
Observatoire du nucléaire
• Publié le 10 février 2022 :
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article388
Annonces de M. Macron : EDF est (bien heureusement) incapable de construire des réacteurs nucléaires
Ce mardi 9 novembre 2021, M. Macron a annoncé le projet de relancer la construction de réacteurs nucléaires en France. Or, incapable de construire un seul réacteur - le fameux EPR de Flamanville - EDF ne saurait en faire plusieurs !
Lancés respectivement en 2005 par Areva et en 2008 par EDF, les EPR de Finlande et de Flamanville devaient entrer en service en 2009 et 2012. Nous sommes bientôt en 2022 et ces réacteurs ne sont toujours pas terminés. Mieux (si l’on peut dire) : ils présentent l’un comme l’autre de graves malfaçons qui peuvent empêcher leur mise en service ou amener par la suite à un accident nucléaire.
Mais, soutenu par des irresponsables comme MM Macron, Zemmour ou Bertrand, le lobby de l’atome vit dans un déni total de cette réalité et croit pouvoir revivre un âge d’or (ou plutôt d’uranium) comme au siècle dernier, quand une soixantaine de réacteurs ont été construits en quelques années.
Or, à l’époque, l’argent coulait à flot, EDF était encore un service public puissant et avait (hélas) les compétences nécessaires pour un tel programme. Aujourd’hui, Areva a fait faillite et EDF est dans une situation financière catastrophique.
Les EPR devaient être construits en 4 ans et demi pour un coût unitaire de 2,8 milliards (et non 3,3 comme écrit ici où là) or, après 15 à 17 ans de chantier, il sont loin d’être terminé et coûtent pratiquement 20 milliards chacun selon la Cour des comptes.
Aussi, il est parfaitement dérisoire et ridicule de voir que de prétendus « responsables » préconisent la construction par EDF de plusieurs EPR (jusqu’à 10 pour le plaisantin Xavier Bertrand).
Non seulement EDF est bien incapable de construire et de financer des EPR mais elle n’est pas non plus en capacité de financer la rénovation des réacteurs actuels qui, inévitablement, vont devoir être fermés les uns après les autres dans les années à venir (en espérant que ce soit avant une catastrophe et non du fait d’une catastrophe comme au Japon en 2011).
Au final, sachant qu’il empêche délibérément le développement de toute alternative au nucléaire, lequel est néanmoins est amené à disparaître, le lobby de l’atome condamne la France à l’impasse énergétique et au désastre financier. Et ce sont bien sûr les habitants de France, à commencer par les plus modestes, qui vont être les principales victimes de cette folie…
Observatoire du nucléaire
• Publié le 9 novembre 2021 :
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article388
Tribune de l’Observatoire du nucléaire dans Le Monde
Avec un parc vieillissant et le désastre de l’EPR, industriels et politiques misent sur les petits réacteurs modulaires. Une illusion, selon Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire
Vous avez probablement vu les images saisissantes de poulets dont la tête a été coupée et qui continuent à courir pendant quelques instants de façon erratique. Eh bien cette image est une assez bonne illustration de l’état de l’industrie nucléaire et de ses plus fervents partisans comme Emmanuel Macron.
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Un jour, ils assurent que l’avenir est aux « mastodontes » comme le fameux EPR (en anglais european pressurized reactor) d’une puissance de 1 650 mégawatts (MW), et ce malgré les incroyables déconvenues des chantiers de Finlande et de Flamanville qui devaient respectivement entrer en service en 2009 et 2012, qui ne sont toujours pas terminés et dont les surcoûts insensés ont largement contribué à placer leurs opérateurs dans la panade : Areva a carrément fait faillite, et EDF est dans une situation financière critique.
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Le lendemain, voilà subitement que la solution passerait par les SMR, c’est-à-dire en anglais small modular reactors et en français petits réacteurs modulaires (PMR) dont la puissance est comprise entre 10 et 300 MW. EDF aurait d’ailleurs déjà en projet son SMR de 170 MW, baptisé « Nuward ». La panique qui s’empare ainsi des tenants de l’atome s’explique par une donnée incontournable : les réacteurs actuels sont en fin de vie et la plupart vont être définitivement arrêtés dans les dix à vingt ans, c’est-à-dire, lorsque l’on parle d’énergie, demain matin.
Un parc pléthorique de réacteurs délabrés
Les prolongations de durée de fonctionnement, accordées de façon inconsidérée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et les travaux ruineux que doit faire EDF (programme dit du « grand carénage » et mesures post-Fukushima) vont seulement permettre de gagner un peu de temps – tout en augmentant encore le risque de catastrophe comparable à celle de Fukushima.
Il faut aussi prendre en compte une donnée cruciale : dans les années 1970 et 1980, la construction en peu de temps d’une bonne cinquantaine de réacteurs nous a été présentée comme un gigantesque exploit, ce qui est d’ailleurs effectivement le cas sur le strict plan industriel. Mais il s’agissait surtout d’une terrible erreur stratégique : tous ces réacteurs vont de fait arriver en fin de vie quasiment en même temps.
Si EDF a finalement accepté de fermer ses deux plus vieux réacteurs, ceux de Fessenheim, c’est parce que l’électricien se sait totalement incapable de continuer à entretenir un parc pléthorique de près de 60 réacteurs passablement délabrés. C’est aussi pour cela que la fermeture d’au moins quatorze autres réacteurs est actée.
Le désastre de Flamanville
Si EDF se dit publiquement opposée à ces fermetures, c’est pour ne pas perdre la face : il est plus facile de prétendre qu’il s’agit de « décisions idéologiques » prises « sous la pression des antinucléaires » – lesquels ignoraient qu’ils avaient tant d’influence ! – que de se reconnaître incapable de maintenir le parc nucléaire.
Mais, contrairement à ce que prétendent divers candidats à l’élection présidentielle, ce ne sont assurément pas de nouveaux réacteurs nucléaires qui pourront prendre le relais du parc actuel, même si la construction de six EPR est envisagée : comment croire qu’EDF, incapable de construire l’EPR de Flamanville, pourrait en fabriquer plusieurs autres ?
Il est certes prétendu que les enseignements tirés des précédents déboires permettront enfin de réussir les prochains chantiers, mais c’est déjà ce qu’avait assuré EDF à propos de l’EPR finlandais… ce qui n’a pas empêché le désastre de Flamanville.
Pas de filière industrielle pour les SMR
C’est alors que l’industrie nucléaire et son premier VRP, Emmanuel Macron, sortent du chapeau une « solution » miraculeuse : les SMR. Mais si la communication de la macronie peut enfumer l’opinion sur tel ou tel sujet, elle se révèle incapable de faire pousser des réacteurs nucléaires, fussent-ils petits et modulaires.
Il n’existe en effet pas à ce jour de filière industrielle permettant l’émergence des SMR, lesquels pourraient au mieux être disponibles vers 2040 : pas de quoi répondre à l’actuelle envolée des prix de l’énergie. Et ce d’autant que, s’ils voient le jour, les SMR produiront une électricité ruineuse : il est impossible d’assurer la rentabilité de petits réacteurs, lesquels ne produiront pas assez d’électricité pour cela.
D’autre part, le choix de l’emplacement d’un SMR est insoluble. Notons d’abord qu’il est impossible de nos jours de créer une centrale nucléaire dans un nouveau site, particulièrement proche d’une agglomération : les habitants se révolteraient, à commencer d’ailleurs par les pronucléaires !
Le risque d’une impasse énergétique pour la France
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les projets de nouveaux réacteurs sont tous dans des centrales déjà existantes, et c’est donc la seule option disponible. Mais quel intérêt de placer un SMR, par exemple, dans la centrale nucléaire du Blayais (Gironde), perdue dans les marais à 60 km de Bordeaux ? La puissance du SMR, 170 MW, serait dérisoire pour remplacer les actuels quatre réacteurs de 900 MW, soit 3 600 MW.
On entend alors dire que les SMR pourraient être construits par « grappes ». Mais la rentabilité de dix SMR serait catastrophique pour une production à peu près comparable à celle d’un seul EPR. Ce serait alors moins absurde de faire un EPR, mais l’on retombe sur l’incapacité d’EDF à construire ce modèle.
De toute façon, l’électricien national est en situation financière dramatique et est parfaitement incapable de financer un nouveau parc de réacteurs, qu’ils soient petits ou gros, modulables ou archaïques.
Mais comme les alternatives au nucléaire, en particulier les énergies renouvelables, ne sont développées qu’à la marge, le plus probable est que la France se retrouve dans une totale impasse énergétique d’ici quelques années. Il ne restera alors qu’à pleurer en se remémorant les ridicules harangues pronucléaires de la plupart des candidats à l’élection présidentielle 2022…
Stéphane Lhomme
• Publié le 9 novembre 2021 :
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article388