Face aux sondages de ces derniers jours, donnant le PS et le PSD en quasi-égalité, et face au PSD flirtant avec Chega (extrême droite populiste et raciste) et l’Initiative libérale (droite libérale radicale), proclamant la fin du salaire minimum national et autres barbaries, le peuple de gauche s’est mobilisé pour voter PS. Il a découvert dimanche, effaré, que l’écart était en réalité de 13 points et qu’il était devenu la sage-femme permettant la naissance d’une majorité absolue pour le PS, un résultat que ce dernier n’avait obtenu qu’avec José Sócrates, en 2005. Le résultat a été marqué par des changements électoraux de dernière minute et la polarisation de l’électorat au centre derrière Costa.
Bien que nous vivions encore les derniers jours de la pandémie, avec 10% de la population en situation d’isolement, la participation électorale a augmenté (58% des votes au total national, une participation encore plus élevée dans certains cas, comme 62% à Lisbonne). Le PS a progressé de 350 000 voix, la gauche est passée d’environ 900 000 à un peu moins de 500 000. Face à la bipolarisation, le vote utile lui a été fatal : le Bloco a perdu la moitié de sa base électorale et est passé de 19 à 5 députés ; le PCP a obtenu le pire résultat de son histoire en termes de voix et de mandats (il a perdu la moitié de ses députés, dont certains étaient des références importantes). Les écologistes PEV (satellite de la coalition communiste) et le CDS (droite conservatrice traditionnelle) ont disparu du Parlement. Le PAN (parti écologiste animalier et libéral) a été réduit à un député (il en avait quatre) et le Livre (Verts fédéralistes) a conservé un mandat.
Le Parlement compte moins de partis de gauche et moins de partis en général. Pour le Bloco, le nouveau cycle législatif sera celui d’une opposition de gauche à la majorité absolue, mobilisant les luttes sociales qui répondent à la fracturation du pays dans la santé, le travail précaire, l’égalité et la transition climatique. La lutte pour le rôle de leader d’une opposition parlementaire solide est plus fondamentale que jamais, mais la confrontation sociale prend de nouveaux contours, puisqu’au cours de ces quatre années, elle devra mobiliser davantage sa base sociale et militante. Ce sera le moyen d’affronter la majorité absolue.
Il y aura ceux qui s’empresseront de voir dans ces résultats un échec rétroactif du « modèle portugais » (qui, étant portugais, n’a jamais voulu être un modèle), celui du soutien parlementaire autonome, sans participation au gouvernement. Pour que le débat soit rigoureux, il faut préciser que cet accord parlementaire a été signé en 2015 et a pris fin en 2019. Lors des élections de cette année-là, le Bloco a conservé ses 19 députés. Mais le lendemain, le Parti socialiste a refusé un accord avec la gauche, ce qui a mis fin à la « geringonça ». C’est dans ce cadre, après deux ans d’opposition, au cours desquels le Bloco a voté contre deux budgets de l’État (le PCP n’a voté que contre le dernier), que s’inscrit cette défaite électorale.
Cette élection intervient après un mandat au cours duquel le PS a refusé les accords parlementaires au nom d’avancées en matière de santé, de droit du travail ou de réponse à la crise, cherchant à assujettir la gauche. Son intransigeance a conduit au vote [clivant] sur le budget de l’État, et à la crise politique artificielle qu’elle a provoquée, a été une stratégie réussie de bipolarisation et de « vote utile » contre la droite.
A droite, la carte a changé. Il est confortable pour Chega et IL d’utiliser cet élan dans l’opposition, sans que leurs politiques ne soient testées : le mélange de propagande et d’agressivité a donc le champ libre. Le changement d’orientation et de direction du PSD sera influencé par cette nouvelle situation, qui rend plus probable un rapprochement avec ces extrêmes droites, les anciennes et les nouvelles. La droite continue à évoluer à droite, c’est la loi de Trump.
Le cycle de la majorité absolue pour les quatre prochaines années représente un danger, surtout en deux domaines : dans les services publics, compte tenu de l’antagonisme entre le PS et l’école publique ou de son engagement à protéger le système de santé privé ; et dans l’économie, compte tenu du fait que le PS protège les affaires des grandes entreprises et utilise le système fiscal pour transférer des ressources au capital, comme il pourrait le faire à nouveau, par exemple, pour compenser l’augmentation du salaire minimum. L’inflation, même si elle est encore faible, érode déjà les revenus du travail, dans de nombreux cas également sanctionnés par l’augmentation du coût du logement. C’est donc une fois de plus dans la vie sociale que se jouera la suprématie ou l’érosion de cette majorité absolue. Arrivé au sommet de sa puissance, Costa fait maintenant face à toutes les difficultés qu’il a créées, ignorées ou aggravées. Pour notre part, la gauche bâtira sa force sur la clarté et l’énergie de sa mobilisation contre la majorité absolue.
Francisco Louçã