Les Philippines sont classées parmi les pays les plus exposés au changement climatique. L’archipel est notamment balayé chaque année par une vingtaine de violentes tempêtes tropicales, d’intensités variables, qui donnent parfois naissance à des typhons proprement dits. Elles détruisent régulièrement récoltes, habitations et infrastructures dans des régions déjà pauvres. Elles constituent l’une des principales causes de catastrophes humanitaires, avec les les séismes et tsunamis ou la présente crise sanitaire, ainsi que les déplacements de population dus aux opérations militaires à Mindanao.
Il importe de comprendre ce que sont les typhons et ce que nous dit de particulier le super-typhon Rai (nommé Odette aux Philippines) sur le dérèglement climatique et l’aggravation des phénomènes, cycloniques ou autres, dits extrêmes.
Un typhon (cyclone ou ouragan [1]) produit des vents forts et des pluies torrentielles, une combinaison redoutable quand il prend de l’ampleur. A l’origine, il n’est généralement qu’une tempête tropicale, plus ou moins violente, mais peut se transformer rapidement en typhon proprement dit. C’est ce qui s’est passé durant la nuit du 15 au 16 décembre 2021, quand Rai, fort d’un rayon d’action d’environ 400 kilomètres, s’est approché de l’archipel philippin et qu’il a brusquement gagné en intensité, atteignant la catégorie 5/5 de l’échelle Saffir-Simpson [2], produisant des vents de 185 à 230 km/h. Il était cette année le second atteignant la catégorie 5.
Traversant l’archipel d’est en ouest, il a « atterri » neuf fois sur une province des Philippines, diminuant continuellement en intensité (jusqu’à la catégorie 2), mais occasionnant néanmoins des dégâts extrêmes avant de rejoindre le large en mer de Chine, où il a connu une nouvelle phase d’intensification rapide pour atteindre de nouveau la catégorie 5, balayant des îles vietnamiennes, tout en restant assez loin du continent. Il s’est épuisé en remontant vers le nord-est, face aux vents secs de la mousson d’hiver asiatique. Le typhon Rai était le 22e phénomène cyclonique et 9e typhon de l’année 2021 dans le Pacifique nord-ouest.
Que nous dit le super-typhon Rai ?
Rai témoigne des dérèglements climatiques en cours. Laissons, à ce sujet, un peu longuement la parole à Météo France [3] qui a relevé les particularités ou anomalies suivantes le concernant :
« • C’est un typhon de catégorie 5 très tardif : c’est le premier typhon de catégorie 5 en décembre depuis le super typhon Nock-ten en 2016, passé aux Philippines à Noël.
• Une catégorie 5 en mer de Chine : il est très rare d’atteindre ce stade en mer de Chine méridionale (mer située entre Philippines, Vietnam, Chine et Indonésie). Il s’agit du troisième phénomène de l’ère moderne à atteindre ce stade dans le sous-bassin, après Pamela en 1954 et Rammasun en 2014.
• Rai a eu un (faux !) jumeau dans l’hémisphère sud... En effet, le cyclone Ruby, qui a circulé aux abords de la Nouvelle-Calédonie la semaine [précédente], est né en même temps que Rai. Les deux phénomènes sont nés et se sont renforcés de part et d’autre de l’équateur en même temps, à l’occasion d’une phase active de l’oscillation de Madden-Julian (MJO) : il s’agit d’une anomalie de forte convection (et donc de fortes précipitations) le long de l’équateur se propageant depuis l’ouest de l’océan Indien vers le Pacifique. En arrivant à l’est de la Nouvelle-Guinée, elle a permis la formation de zones de convection propices à la formation de cyclones. Le tourbillon cyclonique de chaque côté de l’équateur a aussi été boosté par le passage au même moment d’une onde de Rossby équatoriale, qui circule d’est en ouest dans le sens opposé à la MJO. (…). »
Aux Philippines, la saison des cyclones était en principe terminée depuis longtemps : elle est, dans l’archipel, typiquement centrée sur une période de temps allant de la mi-août à la mi-septembre, la saison des pluies s’étalant de juin à octobre. L’ONG étatsunienne Center for Disaster Philanthropy a ainsi noté qu’avec son « arrivée, à la mi-décembre (…) on peut constater que la saison 2021 aura duré toute l’année sur les zones bordant le Pacifique » [4].
Avant de s’éloigner par la mer de Sulu, Rai/Odette a balayé les Visayas et le nord/nord-est de Mindanao : Bohol, la province de Cebu ou de Negros Occidental, Palawan, la municipalité de Cagayan de Oro, Agusan del Sur, Surigao. La plupart des victimes habitaient dans la province de Bohol, située dans les Visayas centrales, où les habitant.es considèrent qu’il s’agit de l’un des cyclones les plus destructeurs de l’histoire récente. Les dévastations évoquent celles provoquées en 2013 par le super-super Typhon Hayan (appelé Yolanda aux Philippines) qui serait de catégorie 6, si cette dernière existait, sans en avoir l’ampleur exceptionnelle. Cependant, là où il est resté un temps stationnaire, il a provoqué des dégâts particulièrement intenses et profonds.
Dans 11 régions, quelque 7.7 millions de personnes auraient été affectées par le super-typhon qui aurait fait plus de 400 morts, ainsi que plus de mille blessés et 78 disparus, un demi-million de personnes étant déplacées. Selon le Conseil philippin de contrôle et de réduction des risques liés aux désastres nationaux (NDRRMC), une dizaine de milliers de villages se situaient sur la route du typhon, dans plus de 2 200 barangays, l’unité administrative la plus petite aux Philippines – l’équivalent d’un canton ; 1,2 million de maisons auraient été détruites.
Une catastrophe naturelle de cette ampleur signifie que des zones entières se retrouvent isolées, les voies de communication étant impraticables. Que des habitant.es sont privés d’eau potable, de nourriture, d’abris, d’accès aux soins…, que les bébés sont privés de lait autre que maternel. Que l’on peut mourir de diarrhée par déshydratation. Que les infrastructures, les habitations et bâtiments, écoles et centre de santés, peuvent être rasés. Dans ces conditions, quand elle ne bénéficie pas du soutien de familles riches établies en d’autres lieux, la population locale sombre dans un degré de pauvreté et de dénuement plus profond que cela n’était le cas auparavant et risque de ne jamais s’en relever.
Trois semaines après que le typhon Rai a frappé les îles du sud et du centre des Philippines, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a mis en garde contre une « crise sanitaire croissante » dans les zones touchées par le typhon, alors qu’elle intensifie sa réponse aux catastrophes [5].
Circonstance aggravante par temps de pandémie, il est impossible de respecter dans les camps de réfugiés, où règne une promiscuité forcée, les mesures de protection élémentaires (distanciation physique, lavage des mains, etc.), alors que le variant Omicron a commencé à se propager dans l’archipel. Les opérations de vaccination ont été suspendues par les autorités dans les zones sinistrées par le cyclone. Or, les Philippines sont l’un des pays les plus gravement touchés par la pandémie de Covid-19 en Asie du Sud-Est.
La mobilisation du réseau MiHands
Le réseau MiHands [6], basé à Mindanao, comprend une cinquantaine d’associations, chacune spécialisée un domaine d’intervention (agriculture, petites productions assurant des revenus stables, santé, processus de paix, pédiatrie, accompagnement psychologique…) ou opérant dans une région donnée. Ce réseau se mobilise en cas d’urgence humanitaire (catastrophe climatique, conflits armés…) pour agir de concert, combinant leurs savoir-faire. Il est particulièrement engagé actuellement dans des campagnes de vaccination (contre le Covid, mais pas seulement).
Immédiatement après le passage du typhon Rai, le réseau s’est mobilisé pour faire le point de la situation dans les zones affectées. Pendant quatre jours, l’électricité et les communications cellulaires ont été coupées. Le 20 décembre, une petite équipe a pu se rendre à Surigao, dans le nord de Mindanao, et dans la région de Caraga, au nord-est. Elle venait initialement faire le point de la situation, mais au vu de l’ampleur des dévastations, elle a cherché à préparer sans plus attendre des lots de nourriture et d’eau potable pour secourir les survivant.es du désastre.
L’action d’urgence s’est poursuivie avec, en sus de l’aide alimentaire, des vêtements chauds, des couvertures, des masques faciaux, et autres biens d’usage quotidien (kits d’hygiène..). Elle s’organise maintenant dans la durée, pour engager la réhabilitation socio-économique, face à la perte des récoltes, la destruction des habitations…, comme dans la région de Caraga. Des volontaires venus d’Iligan, qui ont eux-mêmes été victimes du typhon Sendong en 2011, participent aux secours.
Le réseau Mihands, de concert avec d’autres mouvements, a lancé un appel à la solidarité aux Philippines. L’association ESSF relaie cet appel sur le plan international et trois mille euros ont été envoyés en urgence début janvier.
Les réseaux de solidarité doivent malheureusement agir dans une situation d’insécurité liée aux multiples conflits propres à Mindanao, avivés par la crise économique et la campagne électorale en vue des élections de mai 2022, mais aussi à une politique répressive aveugle du régime Duterte. Vingt-et-un journalistes au moins ont été tués à Mindanao en 2021. Des agents de sécurité intimident des syndicalistes ou opposants politiques. L’armée et la police ont mené des raids contre les locaux de syndicats aussi modérés que le TUCP ou SENTRO. L’objectif est de créer un climat général de peur alors que les auteurs de crimes d’Etat sont assurés de bénéficier de l’impunité promise par la présidence.
Pierre Rousset
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