La candidate Valérie Pécresse a pu compter sur le soutien d’électeurs étrangers pour remporter le scrutin interne organisé lors du congrès des Républicains (LR), du 1er au 4 décembre, selon des informations de Mediapart. Ces électeurs, rameutés par un élu francilien de la communauté franco-asiatique, ont pu adhérer au parti dans la dernière ligne droite de la campagne interne, les statuts de LR n’interdisant pas aux étrangers de participer au vote.
Leur proportion reste à ce jour inconnue, le parti de droite ne nous ayant pas communiqué le nombre de nouveaux adhérents de nationalité étrangère, mais leur impact sur le résultat d’un scrutin serré est forcément non négligeable. Au premier tour, Valérie Pécresse, arrivée deuxième derrière le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, avait devancé son concurrent Michel Barnier de 1 209 voix seulement, avant de triompher au second tour.
Au sein de LR, l’énergie déployée par l’équipe de Valérie Pécresse dans la « bataille des cartes » n’avait échappé à personne. « Tout le monde a essayé de faire adhérer ses réseaux, mais elle a été la meilleure à ce jeu-là », confiait-on récemment dans l’entourage d’un de ses concurrents. Les fédérations d’Île-de-France ont ainsi vu leurs effectifs doubler, jusqu’à représenter 26 % du corps électoral national.
En revanche, l’afflux de ressortissants étrangers parmi les votants surprend les élus ou cadres LR que nous avons interrogés, certains découvrant même, à l’occasion de notre questionnement, cette simple possibilité. En 2016, la primaire de droite était réservée aux Français inscrits sur les listes électorales. Cette année, le passage d’une primaire à un congrès – et la limitation du corps électoral aux adhérents LR – a ouvert, comme une brèche que le parti n’avait pas anticipée, la possibilité de faire voter des étrangers.
Après une campagne d’adhésion, les communautés françaises d’origine asiatique ont apporté plus de 600 adhérents à LR pour voter Valérie Pécresse
Ton-Tona Khul, soutien de la présidente de région
Une cocasserie politique, au sein d’une formation qui a toujours milité pour réserver le droit de vote aux citoyens français à toutes les élections (locales comme nationales). En 2012, Valérie Pécresse elle-même s’était fermement positionnée contre l’ouverture du droit de vote aux étrangers, alors réclamée par des élus socialistes. À l’époque députée d’opposition, elle avait dénoncé les « arrière-pensées » électorales de ceux qui voulaient élargir le droit de vote. « Dans le contexte actuel, ça ne fera que diviser la communauté », pointait-elle, revendiquant « la citoyenneté à part entière » autour de « la fierté d’être français ».
Depuis 2015, la présidente de la région Île-de-France n’a de cesse de dénoncer le « clientélisme » auquel elle a mis fin en reprenant le conseil régional à la gauche. Une thématique qui lui est chère : le 8 novembre dernier, lors d’un débat entre candidats LR sur LCI, elle reprochait à Emmanuel Macron d’avoir créé le « clientélisme présidentiel ».
Sollicitée sur les conditions d’adhésion de sympathisants franciliens, son équipe de campagne a tenu à rappeler que « chaque nouvelle adhésion aux LR a été validée par le siège des Républicains dans le cadre d’un congrès dont la sincérité du scrutin était contrôlée par une instance présidée par le sénateur Philippe Bas ». « Toute personne qui se prévaut d’avoir suscité un certain nombre d’adhésions aux Républicains n’engage qu’elle-même », a aussi indiqué le service presse de la candidate.
Également questionnés, Les Républicains confirment que, depuis leur création, « l’adhésion au mouvement n’est liée à aucune condition de nationalité », sans fournir de précision sur le nombre de ressortissants étrangers ayant rejoint leur rang juste avant le congrès.
Les nouveaux adhérents ont notamment été amenés par Ton-Tona Khul, adjoint à la mairie de Villepinte (Seine-Saint-Denis), engagé aux côtés de Valérie Pécresse depuis plusieurs années. Le 13 novembre, cet élu local, investi aux prochaines législatives, s’était félicité de l’opération dans un message posté sur les réseaux sociaux. « Après une campagne d’adhésion, les communautés françaises d’origine asiatique ont apporté plus de 600 adhérents à LR pour voter Valérie Pécresse », annonçait-il alors. Le message était accompagné d’une photographie avec Valérie Pécresse et Patrick Karam, incontournable vice-président de la région Île-de-France, chargé de la vie associative et du sport.
Sollicité par Mediapart, l’élu de Villepinte confirme avoir participé à la campagne d’adhésion en activant ses réseaux associatifs. « Je m’occupe depuis très longtemps de la communauté des Français d’origine asiatique, je fais le travail en tant que militant auprès de la communauté », explique ce chef d’entreprise d’origine cambodgienne. « Je suis aussi responsable de l’opposition cambodgienne [en exil]. J’ai appelé à adhérer et à voter Valérie par idéologie commune, parce qu’elle défend la démocratie, etc. Côté cambodgien, c’est une facilité pour moi, les gens me font confiance, et on partage les conceptions et idéaux de Valérie », ajoute-t-il.
Pour trouver de nouveaux adhérents, Ton-Tona Khul a aussi pu compter sur un « apport qui est fait par la communauté chinoise, laotienne, vietnamienne, etc. », selon ses explications. Avec un groupe de personnes qui n’ont pas la nationalité française. « La proportion de non-Français vient plutôt des Chinois, ils ne sont pas très très nombreux parmi les 600 », relativise l’élu.
Comment Ton-Tona Khul pouvait-il être certain, dès la publication de son message le 13 novembre, que ces 600 personnes voteraient bien pour Valérie Pécresse et pas un de ses quatre concurrents ? « On donne des consignes de vote, on explique, etc. Vous savez, les autres candidats font la même chose, chacun essaye de faire adhérer au maximum ses sympathisants », répond l’élu de Villepinte, tout en rappelant que « chacun vote individuellement ».
Ce n’est pas la première fois que l’adjoint de Villepinte active ses réseaux en faveur de Valérie Pécresse. Comme Mediapart l’avait raconté, l’élu d’origine cambodgienne, qui participe à l’organisation du nouvel an lunaire à la région Île-de-France, était au cœur de l’organisation du meeting Potemkine de l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, à Brive, en août 2019 [1]. S’y étaient retrouvés des contingents entiers de faux militants rameutés depuis Paris et issus d’associations communautaires, pour certaines subventionnées par la région.
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Plusieurs participants avaient raconté qu’ils s’étaient rendus à Brive pour passer une journée à la campagne, sans lien avec un quelconque soutien à Valérie Pécresse. « De ce que j’ai vu, c’était plus une sortie de groupe, histoire de s’aérer. Il y en a peut-être qui étaient partis pour Mme Pécresse, mais sinon, honnêtement, je pense que la majorité y allait plus pour s’évader », avait par exemple témoigné une membre d’une association cambodgienne.
Antton Rouget