L’information est d’une importance stratégique cruciale : la Chine aurait le projet d’ouvrir une base militaire en Guinée équatoriale, révèle le Wall Street Journal. Le quotidien new-yorkais s’appuie sur des rapports classifiés des services de renseignements américains, lesquels indiquent que la Chine a l’intention d’établir sa première base permanente dans ce petit pays d’Afrique centrale, qui offre l’avantage de disposer d’un front littoral ouvert sur l’océan Atlantique.
La crainte des services américains est que la Chine disposerait alors d’une base située de l’autre côté de la côte atlantique américaine et pouvant accueillir des “navires de guerre chinois”. Une menace qui, selon le Wall Street Journal, “sonne l’alarme à la Maison-Blanche et au Pentagone”.
Escales et ravitaillements en armes
C’est la ville portuaire de Bata, capitale économique du pays donnant sur le golfe de Guinée qui, selon les services américains, susciterait l’intérêt chinois. En effet, cette ville offre l’avantage de disposer d’un port commercial en eau profonde déjà construit par la Chine, ainsi que d’excellentes autoroutes qui relient la ville au Gabon voisin et aux autres pays d’Afrique centrale, détaille le quotidien financier.
Lors d’une audition devant le Sénat américain, le général Stephen Townsend, commandant de l’US Africa Command qui coordonne les activités de défense américaines sur le continent africain, a émis la possibilité que les infrastructures à vocation commerciale existantes servent à la création d’“une installation navale utile sur le plan militaire sur la côte atlantique de l’Afrique”. En d’autres termes, les États-Unis craignent que des navires militaires puissent y faire escale et se ravitailler en armes, munitions et essence.
Avertissements américains
Cette “alarme” a été jugée suffisamment importante pour que les États-Unis dépêchent le principal adjoint du conseiller à la sécurité nationale, Jon Finer, en mission expresse en Guinée équatoriale en octobre dernier. Ce dernier devait, rapporte le quotidien, “persuader le président, Teodoro Obiang Nguema, et son fils et héritier présomptif, le vice-président Teodoro ‘Teodorin’ Nguema Obiang Mangue, de rejeter les tentatives d’approche de la Chine”.
L’envoyé américain semble avoir bien prévenu le pays africain du sérieux de l’affaire. “Dans le cadre de notre diplomatie pour résoudre les problèmes de sécurité maritime, nous avons clairement indiqué à la Guinée équatoriale que certaines mesures potentielles impliquant une activité [chinoise] là-bas soulèveraient des problèmes de sécurité nationale”, a déclaré un haut responsable de l’administration Biden, cité par le Wall Street Journal.
Autrement dit, résume le quotidien, la Maison-Blanche a délivré un “message plus clair” au dirigeant guinéen, selon lequel “la Guinée équatoriale ferait preuve de courte vue en s’insérant dans les lignes de front de la concurrence mondiale entre les États-Unis et la Chine”.
Choc de titans
Dans le même temps, les États-Unis ont pris des mesures pour réchauffer les relations avec le petit pays. En mars dernier, les troupes équato-guinéennes ont participé à des exercices navals dirigés par les États-Unis dans le golfe de Guinée. En août, un navire de la marine américaine a jeté l’ancre au large du port de Bata, et le capitaine a invité des responsables locaux et du personnel naval à bord pour observer l’entraînement des pompiers.
Mais la Chine n’est pas en reste, puisqu’elle aide tout autant à former et à armer la police équato-guinéenne.
Le Wall Street Journal rappelle que Pékin a installé sa première base militaire à l’étranger en 2017, à Djibouti, à seulement 10 kilomètres de la plus grande base américaine d’Afrique, le camp Lemonnier, qui accueille 4 500 soldats américains.
Selon les données du gouvernement chinois, les entreprises publiques chinoises ont construit 100 ports commerciaux en Afrique au cours des deux dernières décennies. Des infrastructures qui constituent une solide architecture, et que les États-Unis craignent de voir transformer en bases militaires.
Une inquiétude si présente que Washington a réussi, ces dernières années, à “conseiller” à la Mauritanie “de repousser tout effort de Pékin d’utiliser un port construit par la Chine à des fins militaires”.
Michael M. Phillips
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