Dans l’empire chérifien, le mariage des mineures est théoriquement interdit depuis 2004. Mais l’article 20 du Code de la famille précise qu’il reste possible par “un système de dérogations”, raconte l’hebdomadaire marocain TelQuel.
Il s’agit d’un “système d’exception qui est pourtant devenu une règle”, s’inquiète le titre francophone. Une récente étude du ministère public rapporte ainsi que “19 926 demandes de dérogation ont été déposées en 2020, dont 13 335 acceptées, soit un taux qui avoisine les 70 %”.
“Entre 2015 et 2019, [la majorité] des autorisations ont été fournies en vingt-quatre heures.”
C’est la rapidité de ces réponses du juge qui interroge, dans la mesure où celui qui fournit les autorisations est censé procéder à une expertise médicale et enquêter sur l’environnement social de la mineure.
“Nous savons que beaucoup d’autorisations de mariage sont accordées sans tenir compte de l’avis de la jeune fille, qui souvent est arrachée à ses études”, précise à TelQuel Meriem Othmani, présidente de l’Institut national de solidarité avec les femmes en détresse.
Fin novembre, plusieurs politiques se sont prononcés en faveur d’une régulation plus poussée de ces dérogations, et d’une sensibilisation auprès des familles qui procèdent aux demandes. Les associations de protection de l’enfance ont ainsi l’espoir de faire évoluer les choses, poursuit TelQuel, qui s’interroge : “Un phénomène en passe d’être éradiqué ?”
Un enjeu social, juridique et sanitaire
La dernière prise de parole de El Hassan Daki, chef du parquet, le 29 novembre à Marrakech, irait en tout cas en ce sens, puisqu’il “[soulevait] que la déperdition scolaire constituait une source de mariage précoce”.
La ministre de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, Aawatif Hayar, aurait quant à elle décidé de “se lancer dans un travail d’aide, d’écoute et de sensibilisation”.
“Le facteur social joue un rôle essentiel dans la pérennité de cette pratique.”
Les milieux ruraux font partie des terrains à investir pour lutter contre les mariages forcés. Pour les “familles démunies” qui y habitent, respectueuses des coutumes, “la solution est de marier leurs filles au plus vite pour se soulager d’une charge”.
L’avocate et militante pour les droits de l’enfant Khadija El Amrani pointe ainsi la dimension sanitaire de l’enjeu : “On impose des grossesses dangereuses à des jeunes filles, des enfants. Et quand elles s’en sortent, comme il n’y a souvent pas de moyen de contraception, elles vont elles aussi avoir de nombreux enfants et reproduire le schéma social qui les a menées à se marier aussi jeunes.” Par ailleurs, les relations sexuelles hors mariage sont interdites au Maroc et passibles d’un an de prison.
“Pour les associations de protection de l’enfance, il s’agit là d’une première étape dans l’encadrement de l’article 20 du Code de la famille qu’elles souhaitaient, à terme, voir supprimé”, explique TelQuel.
TelQuel
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