Le journal indonésien Kompas rapporte les propositions inédites développées lors d’un webinaire organisé le 28 novembre par plusieurs organisations musulmanes de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences sexuelles autour des nouvelles interprétations de la zakât.
Il s’agit de l’aumône ou l’impôt dont doit s’acquitter tout musulman chaque année, généralement pendant le mois du ramadan : “Nous devons encourager les institutions habilitées à prononcer des fatwas, telles que la Muhammadiyah [la deuxième plus grande organisation musulmane d’Indonésie, qui compte plus de 50 millions de membres] et le MUI [le très conservateur Conseil des oulémas indonésien] à prescrire la zakât pour les victimes de violences”, a déclaré le président de l’Association des étudiants de la Muhammadiyah, Mizan Al-Araaf, en ouverture du webinaire.
Des violences sexuelles en augmentation
Ce débat intervient quelques semaines après la publication par le ministre indonésien de l’Éducation, de la Culture et de la Recherche d’un décret pour mettre fin aux violences sexuelles dans les universités.
Une enquête menée par la Direction générale de l’enseignement supérieur en 2020 montre en effet que 77 % des enseignants admettent qu’il y a des violences sexuelles sur le campus et que 63 % des victimes n’ont pas signalé leur cas à l’administration.
Quant à la Commission nationale contre les violences envers les femmes (Kompas Perempuan), elle a enregistré plus de 100 000 cas de violences sexuelles pour la seule année 2019, un chiffre en forte augmentation depuis le début de la pandémie.
Ouvrir la “zakât” à de nouveaux bénéficiaires
Yulianti Muthmainnah, autrice du livre Zakât pour les victimes de violences contre les femmes et les enfants et présidente du Centre “études islamiques, femmes et développement” de l’Institut de technologie des affaires Ahmad Dahlan de Jakarta plaide pour une interprétation plus large du droit islamique. En effet, ce dernier définit en théorie les catégories de la population susceptibles de recevoir la zakât. “[Elle] ne concerne pas seulement ces huit anciennes catégories. Elle doit fait l’objet de nouvelles interprétations qui l’ouvre à d’autres groupes.”
Selon Yulianti, note Kompas, les femmes défenseuses des droits humains appartiennent bien à la septième catégorie bénéficiaire de la zakât. Cette catégorie, dite “fi sabilillah”, c’est-à-dire “dans le sentier d’Allah”, est traditionnellement réservée aux combattants de la guerre sainte :
“Selon moi, elles entrent dans la catégorie du ‘sentier d’Allah’ parce qu’elles luttent, qu’elles se battent pour la vie.”
Kompas
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.