Lors du dernier BP [Bureau politique] , une partie importante de la discussion a porté sur l’analyse de la situation politique à la suite de l’élection présidentielle, de ses conséquences mais, aussi, de ce qu’elle révélait (ou non) sur les grandes tendances à l’œuvre. C’est une discussion non seulement légitime mais absolument indispensable, même si elle est (trop) peu présente dans la résolution pour cette DN [Direction nationale] (ce qui, en soi, n’est pas dramatique pour un premier document d’après présidentielle, mais ne pourra pas tenir très longtemps). Il ne s’agit pas de faire œuvre savante d’analyste politique. Ni (re)définir de manière bouleversante notre programme fondamental. Ni justifier une « posture morale de résistance ». Mais, plus simplement, d’essayer de comprendre dans quel contexte nous allons intervenir, quels sont les obstacles à la reconstruction d’un projet autonome, mais aussi, évidemment, quelles sont les possibilités. Nuancer notre vision globale des rapports de force depuis 1995 n’a pas pour but de désespérer Montreuil [où se trouve le siège de la LCR] ni les secteurs militants en recherche de perspectives. Ni d’ailleurs de leur regonfler - artificiellement et, donc, très temporairement - le moral grâce à des considérations générales sur les contradictions du capitalisme et la lutte des classes, aussi globalement valides qu’atemporelles !
De ce point de vue, expliquer que la victoire de Sarkozy n’est pas une catastrophe parce que la situation n’était, de toutes façons, pas très bonne avant et qu’elle n’aurait été guère meilleure si la candidate social-libérale l’avait emporté, ou que l’essentiel est « la crise » multiforme que connaît le pays, ou encore que la tâche fondamentale des révolutionnaires (construire un parti pour la révolution) demeure inchangée, tout cela présente peu d’intérêt. Au contraire, nous avons tout intérêt à prendre conscience de ce qui a changé, des ruptures qu’ont révélé et/ou provoqué cette campagne présidentielle et son résultat.
Le point de départ minimum devrait être de considérer que la victoire politique de N. Sarkozy et de l’option (très) particulière qu’il représente du point de vue de l’orientation des cercles dirigeants, dans les conditions où il l’a obtenue (forte participation et affirmation d’un programme « tranchant »), va se traduire par une extension importante des possibilités d’imposer l’agenda néo-libéral, la brutalisation des rapports sociaux et la délégitimation des alternatives. Cela ne signifie pas que cette politique, lorsqu’elle va être mise en pratique, ne comportera aucune contradiction ni qu’à un moment ou à un autre elle ne va pas se heurter à des résistances significatives et à des mobilisations sociales du monde du travail ou de la jeunesse. Cela signifie seulement que cette élection n’est pas un « non événement », limité au domaine des « superstructures politiques » et, finalement, sans conséquence notable sur le niveau et les objectifs des luttes. Franchement, la thèse parfois énoncée d’une « droitisation du champ politique » n’ayant aucun rapport avec les tendances fondamentales à l’œuvre n’est ni très dialectique... ni très matérialiste.
Nous ne pourrons pas longtemps éviter de nous poser la question inverse : et si cette victoire politique n’était pas seulement un nouveau levier pour détériorer le rapport de force social mais, déjà, la traduction sur le terrain politique et électoral d’une dégradation (antérieure) du rapport de force ? De thèses de congrès en résolutions de la DN, nous avons pris l’habitude - un peu paresseuse - d’énumérer les grands moments de la vie politique et sociale depuis l’hiver 1995 comme autant de « preuves » des capacités intactes de résistance de la société française à la normalisation libérale. Et de citer pêle-mêle : Novembre et Décembre 1995, le Printemps 2003 contre la « décentralisation » et la réforme des retraites, le succès du rassemblement du Larzac à l’été 2003, la sanction du gouvernement Raffarin lors des régionales et des Européennes de 2004, la victoire du Non au référendum de mai 2005, la révolte des banlieues de Novembre 2005, la lutte victorieuse contre le CPE au Printemps 2006. Sans oublier, pour faire bonne mesure, le poids croissant, y compris sur le terrain électoral, de la gauche révolutionnaire, attesté par l’élection de 5 députés révolutionnaires au Parlement Européen en juin 1999, les scores cumulés de l’extrême gauche dépassant les 10% lors de la présidentielle de 2002 ou, tout récemment, la capacité de résistance du vote Olivier Besancenot en avril 2007. Comme si tous ces événements, évidemment bien réels, se situaient exactement sur le même plan ! Comme si le mouvement de 2003 ne s’était finalement pas conclu par une défaite… Comme si cette défaite n’avait pas ouvert la voie à la défaite, sans combat cette fois, sur la nouvelle réforme de la Sécurité sociale… Comme si le mouvement des banlieues, authentique révolte populaire contre les dégâts du libéralisme, était en elle-même porteuse d’une alternative… Comme si le succès de l’extrême gauche en avril 2002 n’avait pas été suivi de résultats plus « modestes » (encore qu’appréciables) au Printemps 2004… Comme si la capacité de résistance électorale dont nous venons (seuls) de faire preuve en 2007 ne s’inscrivait pas dans un cadre plus général de recul (voire de déroute) des forces « à la gauche du PS », ce qui d’ailleurs ne la rend que plus impressionnante…
Franchement, dans la dernière période – comme, en réalité, dans toute notre histoire -, si nous avons péché, cela n’a jamais été par excès de « pessimisme » !
Revenons donc à l’élection présidentielle.
– Pour la première fois depuis un quart de siècle, une élection générale (présidentielle ou législative) ne s’est pas traduite pas la sanction du camp politique au pouvoir, phénomène que nous avions coutume d’analyser comme illustrant la force du rejet populaire des politiques libérales menées alternativement par la droite et la gauche. Que, cette fois-ci, cela ne soit pas le cas devrait en toute logique interpeller notre lecture de la situation politique…
– A la différence de 1995 et de 2002 où J. Chirac avait été élu soit sur une arnaque (la « fracture sociale »), soit sur une ambiguïté (le « référendum anti-Le Pen »), N. Sarkozy l’a été après une campagne qui, sans fard, annonçait la couleur (libérale, autoritaire, sécuritaire, réactionnaire). On rétorquera qu’il a également réussi à passer pour le candidat de la rupture et pour celui du pouvoir d’achat. Certes, mais cela ne constitue au mieux qu’un début d’explication : encore faudrait-il expliquer pourquoi, justement, le candidat du MEDEF et des puissances d’argent a réussi cet exploit !
– Le 22 avril 2007, remords du 21 avril 2002 et vote utile aidant, S. Royal a recueilli un score plutôt élevé pour le PS. Mais dans un cadre où, avec 37% des voix, dans un contexte de forte participation, les résultats cumulés de tous les candidats se référant à la gauche - de la plus libérale à la plus radicale - sont « historiquement très bas », comme on dit. Bien sûr, on peut toujours suggérer que certains électeurs de gauche, victimes d’une autre version du vote utile (anti-Sarkozy), ont voté pour F. Bayrou et, au second tour, sont revenus « à gauche ». Certes, mais que ces électeurs venus de la gauche aient voté pour le centre droit libéral peut quand même difficilement passer pour une preuve évidente de radicalisation à gauche ! De même, les anciens électeurs 2002 des Verts, du PCF, d’Arlette ou d’Olivier qui ont voté Royal dès le premier tour : on peut l’expliquer ; on peut même se convaincre que certains l’ont fait (avec leur tête) sans pour autant adhérer au programme de S. Royal et en conservant (au fond du cœur) leurs convictions radicales. N’empêche qu’ils l’ont fait ! Et aucune dialectique, aussi sophistiquée soit elle, ne peut interpréter cela comme une évolution « à gauche » ou une élévation époustouflante de la conscience de classe…
Par contre, il faut noter - sans forfanterie mais comme un élément particulièrement important et prometteur – que la LCR et Olivier Besancenot ont seuls été capables, dans cette situation difficile où tous les autres s’effondraient, de gagner de nouveaux électeurs, compensant (et même au-delà) le nombre - par ailleurs considérable - d’anciens électeurs 2002 perdus au profit de S. Royal.
– D’autres éléments qui devraient faire réfléchir sur la situation et les rapports de force : le discours de S. Royal depuis le début de la campagne ; sa tentative (qui ne s’est heurtée qu’à peu de résistance) d’imposer au PS entre les deux tours « l’ouverture au centre » ; les débats qui traversent aujourd’hui le PS sur sa « rénovation », la liquidation de ses « archaïsmes ». En un mot : sa mise au diapason des autres partis sociaux-libéraux européens. La rupture avec la stratégie d’Epinay d’alliance avec le PCF et la recherche de la constitution d’un bloc centre gauche / centre droit constituent quand même autre chose qu’une péripétie sans signification ! Soyons précis : pour l’essentiel, cela ne donne pas d’indications bouleversantes sur la « nature » de l’appareil social-démocrate et de sa politique. Cela fait très longtemps (presque un siècle !) qu’il est passé « de l’autre côté ». Et cela fait assez longtemps (une vingtaine d’années) que les références de plus en plus vagues au mouvement ouvrier y ont cédé la place aux proclamations social-libérales. Pour le dire autrement : pour nous, il n’a jamais été question, par exemple, de prendre pour argent comptant les déclarations enflammées, dans les années soixante-dix, de F. Mitterrand sur la « rupture avec le capitalisme ». Ce n’était évidemment pas affaire de conviction mais posture destinée à se rallier les voix et le soutien des couches populaires. Mais, justement, il était obligé de faire cela ! Compte tenu des espérances encore vivaces de mai 68, du niveau d’activité sociale et de conscience. En un mot : compte tenu de la situation politique et des rapports de forces existant à cette époque. Cela ne rend que plus significatifs la posture et les discours actuels, côté PS : ordre juste, appel aux entreprises à faire des profits, donnant-donnant, encadrement militaire de la jeunesse, Marseillaise et drapeau tricolore, appels du pied à Bayrou, etc… Encore une fois cela ne renvoie pas une rupture dans ce que pensent et veulent les dirigeants PS. Mais à ce qu’ils sont obligés de dire (ou non).
En résumé
– Il ne faut évidemment pas prendre les votes au pied de la lettre et confondre choix (parfois par défaut) d’un candidat et adhésion à son programme. Mais il faudrait mieux éviter de systématiquement sur-interpréter, toujours dans le même sens, les résultats électoraux pour leur faire dire ce qui nous arrange ou, au moins, ce qui nous contrarie le moins ;
– Traditionnellement, nous considérons les élections comme un reflet déformé des réalités politiques et sociales du moment. Les deux termes sont importants : le reflet est déformé par le cadre institutionnel, propice à l’hégémonie de l’idéologie dominante. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un reflet qui renvoie à la réalité. Sinon, pourquoi passer autant de temps à débattre de la situation politique à la lumière du résultat des élections ?
La question sous-jacente est celle de l’état du salariat et du mouvement ouvrier, de sa réalité sociale, de son mode d’organisation, de ses projets. Naturellement, dans les appréciations que l’on peut porter sur ce sujet, il y a une large part subjective. Mais pas seulement. L’aspect qui nous intéresse le plus – le niveau de la conscience de classe – n’est pas seulement idéologique.
Il repose, de manière non automatique et non mécaniste, sur des éléments concrets, matériels, vérifiables et quantifiables :
– L’état du rapport salarial (réalités sociologiques, contexte législatif et conventionnel, mode d’organisation des entreprises, etc.),
– La puissance (ou la faiblesse...) des organisations « ouvrières » (partis, syndicats, associations),
– Leur capacité d’attraction et d’hégémonie,
– Le taux d’activité de la classe ouvrière (notamment à travers les conflits du travail, etc.).
Le premier élément, très important, est en général peu discuté dans nos rangs. Pourtant, lorsque nous évoquons le fait que le partage des richesses produites entre salariés et capitalistes est passé en un quart de siècle de 70/30 à 60/40, que décrivons-nous sinon une détérioration considérable des rapports de force structurels, ceux qui sont inscrits au cœur du conflit de classe ? Alors, bien sûr, comme le soulignent à l’envi certains camarades désireux de « combattre la démoralisation », il n’y a pas de « raz-de-marée libéral » débouchant sur une adhésion populaire massive au libéralisme. Mais il y a eu une série de défaites (avec ou sans combat), un processus cumulatif de reculs objectifs significatifs. Sans prétention d’exhaustivité :
* L’explosion du chômage de masse (aujourd’hui encore non résorbé), sous le premier septennat de F. Mitterrand.
* La désindexation des salaires sur les prix, au cours de la même période.
* L’éclatement des statuts et le développement de la précarité (en particulier aux deux bouts de la pyramide des âges).
* L’étatisation de la Sécurité sociale et la mise en cause de la protection sociale solidaire avec la partie (Sécurité sociale) du plan Juppé qui s’est effectivement appliquée, malgré Novembre et Décembre 1995.
* La mise en cause des retraites dans le secteur privé à partir de la réforme Balladur de l’été 2003.
* La vague ininterrompue de privatisations de 2003 à nos jours, avec un record sous Jospin, qui a remodelé en profondeur l’économie et la société française.
* La déréglementation puis la mise en concurrence et la privatisation des services publics, ainsi que le désengagement de l’Etat à travers la réforme Fillon (phase 2 de la décentralisation avec transfert de personnels aux régions à partir de 2003).
* La mise en cause des retraites des fonctionnaires (réforme Fillon 2003)
* A quoi il faudrait ajouter les modifications considérables du Code du Travail, notamment à la faveur du recto « flexibilité » des lois Aubry...
– De cela, les « appareils » du mouvement ouvrier (ou issus de celui-ci) sont, évidemment, largement responsables. Et nous n’avons aucune raison de ne pas le dénoncer sans restriction. Mais, encore une fois, la seule « traîtrise des directions » ne peut servir d’explication unique. Parce qu’il faut expliquer non pas seulement qu’elles ont trahi (il faut, bien entendu, le faire) ni pourquoi elles ont trahi (il faut, bien entendu, le faire), mais pourquoi elles ont pu le faire sans provoquer de révoltes de leurs « mandants » ni d’émergences d’alternatives politiques ou sociales significatives !
– L’état des organisations du mouvement social (partis, syndicats, associations) mériterait de plus longs développements. On se contentera de constater sobrement que, en termes de nombre de militants, de nombres d’adhérents, de secteurs de la société effectivement organisés pour la lutte quotidienne, de dynamisme, d’ouverture à la jeunesse et de renouvellement... il n’est pas au mieux de sa forme ! Au-delà même du taux moyen très bas de syndicalisation surtout dans le privé (qui est une donnée historique spécifique au syndicalisme français), il faut se souvenir qu’en France, environ un salarié sur deux n’a aucun contact physique ne serait-ce qu’avec un seul membre d’un syndicat, quel qu’il soit. Et, fatalement, ceci n’est pas sans conséquence ni sur la capacité d’initiative du monde du travail ni sur son niveau de conscience.
– Le troisième élément - capacité d’attraction et d’hégémonie – renvoie directement à la crise du mouvement ouvrier après la faillite de la social-démocratie (gagnée très majoritairement au social-libéralisme), l’explosion en vol du stalinisme et l’absence de toute alternative (même réformiste) issue du mouvement syndical. Et, naturellement, à la « crise du projet socialiste ». En bref, les camarades qui continuent à évoquer la « décomposition / recomposition » du mouvement ouvrier devraient reconnaître que, pour l’instant, c’est surtout la décomposition qui est patente ! Et en conclure, peut-être, que les tâches de la période à venir doivent maintenant plutôt être pensées en termes de reconstruction du mouvement ouvrier (tant social que politique) plutôt qu’en termes de recomposition (à partir de quelles leçons tirées collectivement des dernières expériences politiques et sociales ? avec quels courants porteurs de ces leçons ?).
– Reste le quatrième élément : le taux d’activité de la classe ouvrière, domaine qui met en jeu à la fois la combativité et la conscience. Et cette question-là comporte effectivement des aspects contradictoires et des potentialités. Globalement, en France, le niveau moyen de conflictualité du monde du travail est particulièrement bas et cela depuis des années. Bien sûr, nous nous sommes réjouis de la persistance de luttes sociales significatives y compris pendant la campagne présidentielle (à l’opposé de la « trêve électorale » qui est traditionnellement de mise). Mais il est significatif que nous ayons depuis longtemps renoncé à étudier les statistiques du Ministère du Travail sur le nombre de journées perdues pour fait de grève... tellement nous savons bien qu’elles sont exceptionnellement basses. Et pourtant ! Pour le coup, ces instruments de mesure ne donnent à voir qu’un aspect très partiel de la situation car ils diluent la caractéristique principale des mobilisations françaises : des explosions de grèves et de manifestations, impressionnantes, massives, posant potentiellement la question de la grève générale. Mais de durée (relativement) brève et suivies de longues périodes de (relatif) calme social, voire d’atonie. Les explosions montrent effectivement la permanence d’importantes capacités de résistance, malgré les défaites. Mais la brièveté de ces explosions ajoutée au faible niveau d’organisation des salariés constitue un obstacle à l’accumulation consciente d’expériences par au moins une partie significative du monde du travail. C’est la base à partir de laquelle nous devons (re)construire.
De nouvelles mobilisations, voire des explosions de grande ampleur peuvent effectivement être à l’ordre du jour des mois ou des années qui viennent, au fur et à mesure de la mise en œuvre de l’agenda de N. Sarkozy. C’est évidemment tout à fait décisif. Mais cela, à soi seul, ne résoudra pas tout à fait la question de la construction d’une alternative politique et sociale... Un thème sur lequel la discussion dans nos rangs ne manquera pas de rebondir dans les semaines qui viennent. Car c’est effectivement la plus importante, celle où nous pouvons agir.
En effet, la discussion sur l’appréciation de la situation politique et la discussion sur l’orientation et les initiatives à prendre sont en partie autonomes. Il n’est pas vrai que l’orientation découle automatiquement et mécaniquement de l’analyse. Ni, en conséquence, que partager une même analyse soit la condition préalable pour se retrouver d’accord sur une orientation. La seule vertu de l’analyse de la situation politique est de déterminer le champ des possibles. Et, surtout, d’indiquer ce qui n’est pas possible ! Pour prendre un exemple « dans notre jardin » : en 2004, une analyse plus sobre et plus réaliste de la situation politique ne nous aurait peut-être pas conduit à ne pas faire de campagnes régionales et européennes avec LO. Mais elle nous aurait sans doute conduit à être plus précis (plus exigeants) sur le contenu de l’accord. Elle nous aurait surtout évité de nous fixer implicitement (et, parfois, explicitement) des objectifs objectivement inatteignables, conduisant ensuite à considérer des résultats modestes - mais pas désastreux au regard de notre propre histoire
électorale - comme un échec politique.
Une fois ceci acté, cela permet d’être un peu plus sévère par rapport aux fantasmagories qui, dans les collectifs mais aussi dans la Ligue (et même encore aujourd’hui), ont servi de cadre au feuilleton des candidatures unitaires antilibérales : une occasion historique manquée, la possibilité de « faire bouger les lignes » (ça, pour bouger, les lignes, elles ont bougé ! Mais pas précisément dans le sens suggéré...), la possibilité d’un « score à deux chiffres »... voire de passer devant le PS. Ben voyons ! J’exagère ? Vendredi 11 mai, Libération publie une tribune d’Yves Salesse, intitulée « La France n’est pas à droite » où l’on peut lire : « La faillite de la gauche ne s’arrête évidemment pas à celle du social-libéralisme. Parce qu’il n’apporte pas de réponse à la hauteur, la division de ceux qui portent une autre orientation à gauche fait des ravages. La surprise de cette élection n’aurait pas dû être Bayrou, mais la percée de cette gauche alternative. Les directions de la LCR et du PCF en ont décidé autrement. » Tout est dit !
Passons sur la logique « conspirationniste » qui vise à « expliquer l’histoire » par le seul comportement des appareils, surtout quand il s’agit d’un appareil en déroute et d’un appareil aux dimensions pour le moins réduites. Laissons aux amateurs le soin de démêler ce qui relève d’une illusion gigantesque, d’une phénoménale erreur de perspective et ce qui relève de la justification d’une orientation politique qui n’a pas pu (ou pas voulu) clarifier les questions politiques. Ne troublons pas le confort intellectuel de ceux qui veulent se rassurer à bon compte en refaisant le match. Mais le plus spectaculaire est quand même que ces lignes soient écrites non avant l’élection – tout le monde peut se tromper et prédire (surtout l’avenir !) est un sport à hauts risques – mais après.
Le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté : oui, je sais, la formule (de Gramsci) a beaucoup servi, pas toujours à bon escient. Mais, je ne peux pas résister. Car, en cette occasion, tant de camarades (dont nombre de dirigeants de la Ligue) ont procédé exactement à l’inverse : un optimisme forcené nourri d’illusions totalement déraisonnables et un manque évident de volonté de faire ce qu’il était possible (à la Ligue) de faire, à savoir se donner les moyens de résister par une orientation et un message clarifiés.