Un établissement scolaire occupé et transformé en terrain d’affrontements à Thessalonique, des manifestants attaqués à Athènes, et le spectre de l’extrême droite refait surface en Grèce. La flambée de violences allumée ces derniers jours s’inscrit dans “les traces d’Aube dorée”, du nom du parti néonazi condamné il y a tout juste un an, s’inquiète I Kathimerini. Le quotidien déroule le fil des événements.
“Quand, le 22 septembre au matin, des étudiants sont allés distribuer des tracts devant l’établissement de Stavroupoli [banlieue de Thessalonique] pour protester contre [une réforme de l’université], ils se sont fait attaquer par un groupe d’élèves d’extrême droite”, retrace I Kathimerini.
Le 28 septembre, “des groupes étudiants ont organisé une manifestation antifasciste de condamnation devant l’établissement, avec le déroulement suivant : des élèves avec des casques et des bâtons ont surpris la police, absente des lieux à ce moment-là, et ont attaqué les manifestants, blessant plusieurs d’entre eux”, poursuit le journal de droite.
Les images des violences, filmées avec des téléphones portables et diffusées sur les réseaux sociaux, montrent un groupe de jeunes cagoulés sortant de l’établissement scolaire, effectuant des saluts nazis et attaquant la manifestation étudiante à coups de bâton et de casques de moto.
Les mobilisations antivax comme catalyseur
Des groupes d’extrême droite “dont l’influence s’est étendue grâce aux mobilisations contre la vaccination”, note I Kathimerini.
Analyse identique du côté de To Vima : “Certains de leurs parents ou de leurs proches participaient à ces rassemblements antivaccin. Plusieurs d’entre eux ont déjà été arrêtés dans le cadre d’attaques perpétrées par des hooligans.” “Sept groupes d’extrême droite sont dans le viseur de la police” à Thessalonique, informe le journal dominical de centre droit, qui précise :
Ils agissent avec la participation ou le soutien d’environ 5 000 personnes. Une grande partie de cette ‘armée fasciste’ a un lien direct ou indirect avec la flambée de violence mobilise la police et le monde politique.
“La peur principale est le retour des groupes armés d’Aube dorée, un an tout juste après sa condamnation en tant qu’organisation criminelle”, rappelle To Vima. Car cette multiplication des attaques à caractère fasciste coïncide avec le premier anniversaire de la condamnation par la justice grecque du parti néonazi. Le groupuscule avait surfé sur la crise économique, sociale et politique pour devenir la troisième force politique du pays et siéger au Parlement entre 2012 et 2019.
Une influence qui perdure
Le meurtre d’un militant antifasciste par un membre d’Aube dorée, Pavlos Fyssas, en septembre 2013, avait contraint la société et les autorités grecques à ouvrir les yeux et à mener une enquête sur les pratiques criminelles de l’organisation.
Le procès-fleuve, dont le verdict a été rendu le 7 octobre 2020, a démontré le caractère organisé et pyramidal du mouvement, responsable d’attaques répétées contre les immigrés, les organisations syndicales et les militants de gauche, ayant fait deux morts. Tous les dirigeants du parti ont été condamnés à de la prison ferme pour direction d’une organisation criminelle.
Mais leur influence et leurs thèses inspirées par l’idéologie nazie, où la xénophobie, le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie s’expriment ouvertement, perdurent au sein de la société grecque.
À Neo Irakleio, dans la banlieue d’Athènes, des membres de l’association Unis contre le racisme et la menace fasciste, réunis dimanche 3 octobre pour distribuer des tracts, ont à leur tour été attaqués par des militants d’extrême droite. “Un groupe de fascistes d’environ quinze personnes, avec la police comme spectatrice, a attaqué le rassemblement et blessé quatre personnes, qui se sont retrouvées à l’hôpital”, s’indigne le journal Efsyn, condamnant le “silence qui a permis au serpent nazi de ressortir de son trou”.
Un homme a été arrêté à la suite des attaques, informe le quotidien de gauche. “Il s’agit d’un membre du groupe fasciste ProPatria, déjà arrêté le 28 juillet pour des violences lors d’un rassemblement antivaccin sur la place Syntagma”, précise Efsyn.
“Un an après le procès, le tambour de l’extrême droite résonne à nouveau”, alerte News247.
“Certains ont cru naïvement qu’on en avait fini, que la plaie était refermée”, écrit, amère, la plateforme de gauche. “Mais ce n’est pas la fin”, constate le média, expliquant la résurgence des groupuscules violents par une tolérance et une rhétorique favorables à l’expression de l’extrême droite jusqu’au plus haut sommet de l’État.
Alexandros Kottis
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