Des peines de prison ferme, mais la relaxe pour l’accusation d’« association de malfaiteurs ». Mardi 21 septembre, le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse) a rendu son jugement dans l’affaire dite « de Bure », du nom de ce village de la Meuse à côté duquel l’État veut enfouir les déchets nucléaires les plus dangereux, dans le future site Cigéo.
Sortie des prévenu·e·s du tribunal de Bar-le-Duc, le 1er juin 2021. © J.L.
Sur les sept personnes mises en examen, deux sont condamnées à neuf et douze mois de prison ferme. Les quatre autres, à des peines de six à neuf mois avec sursis. Elles sont toutes reconnues coupables d’organisation d’une manifestation non déclarée le 15 août 2017 et de participation à une manifestation après les sommations de dispersion. Un accusé bénéficie d’une relaxe totale.
L’accusation d’« association de malfaiteurs » et de « bande organisée » n’est pas retenue par la justice, qui relaxe tou·te·s les prévenu·e·s sur ce volet. C’est une victoire, sur ce point, pour les militant·e·s antinucléaires, qui n’ont eu de cesse depuis quatre ans de dénoncer une accusation fallacieuse, lourde de conséquences. Le délit de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et des violences » a été créé en 2010 sous la présidence Sarkozy. Il a souvent été utilisé contre les « gilets jaunes » arrêté·e·s en lien avec des manifestations. L’ « association de malfaiteurs » condamne des faits préparant une infraction punie de plus de cinq ans de prison. C’est une infraction en soi qui repose sur une intention. C’est elle qui permet au juge d’ordonner les écoutes, autorisées uniquement si les faits poursuivis sont punis de plus de trois ans de prison.
Or les sept de Bure ont fait l’objet d’une hyper-surveillance, particulièrement intrusive dans leur vie privée, comme l’ont raconté Reporterre et Mediapart dans une enquête commune [1]. Pendant plusieurs années, ils ont été privés du droit de se réunir, de se parler et même, pour certain·e·s, ont subi des interdictions de séjour – sur la commune de Bure ou sur un plus vaste territoire.
Dans un communiqué commun, les personnes poursuivies et leurs avocats ont réagi au jugement : « Trois ans d’instruction ont permis au procureur de la République et au juge d’instruction du tribunal de Bar-le-Duc d’utiliser les moyens juridiques de l’association de malfaiteurs et de la bande organisée pour réprimer le mouvement anti-nucléaire d’opposition à Cigéo. » Ils considèrent que « certain·e·s prévenu·e·s sont in fine condamné·e·s essentiellement pour des délits politiques : l’organisation d’une manifestation non déclarée en préfecture le 15 août 2017 et la participation à un attroupement après des sommations de dispersion ».
Le tribunal de Bar-le-Duc n’a pas encore publié son jugement, qui devrait arriver d’ici quelques jours. Le procureur de la République, Sofian Saboulard, avait requis en juin dernier un an ferme contre un prévenu, et des peines s’échelonnant de dix-huit mois à dix mois de prison avec sursis pour les autres.
Les sept de Bure étaient poursuivi·e·s pour leur implication supposée dans une manifestation qui s’est tenue le 15 août 2017, à proximité du site où l’Agence nationale de gestion des déchets nucléaires (Andra) prépare le futur site d’enfouissement de déchets nucléaires. Des affrontements s’étaient produits avec les gendarmes. Un jeune manifestant avait été grièvement blessé.
Ce jugement est rendu alors que démarre l’enquête publique sur le projet d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo. Conduite par une commission indépendante composée de cinq membres nommés par le tribunal administratif de Nancy, cette enquête est une étape préalable à une éventuelle déclaration d’utilité publique de ce projet controversé piloté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Elle se déroulera jusqu’au 23 octobre.
Jade Lindgaard