Récemment, nous nous sommes rendus en délégation (30 militants et délégués syndicaux), à Fribourg, à la rencontre du développement durable.
Fribourg est une ville allemande de 200 000 habitants, située dans la vallée du Rhin, au pied de la forêt noire, à environ 500 km de la Wallonie. Appelée la ville solaire, elle est une référence en matière de développement durable. En 1992, elle s’est fixé comme objectif de réduire pour 2010, ses émissions de CO2 de 25 pc.
Elle préfigure ce que pourrait être, en 2020, nos villes engagées sur cette voie. L’endroit idéal donc pour voir les réalisations concrètes et glaner quelques idées.
Cet objectif de développement durable, auquel les citoyens participent, est le fruit d’une politique volontariste des pouvoirs publics. Une démarche qui intègre différents aspects complémentaires : les économies d’énergie obtenues, notamment par la construction de maisons « basse consommation d’énergie », l’utilisation d’énergies renouvelables, un urbanisme pensé dans cet esprit, un plan de mobilité qui donne une place prioritaire aux transports en commun et au vélo, etc.
Si on utilise le vocabulaire du Contrat d’avenir pour la Wallonie, on dira que Fribourg est devenue, grâce à ce positionnement, un pôle de compétitivité solaire et environnemental qui mobilise tous les acteurs de la société :
– les pouvoirs publics
– l’école qui sensibilise les enfants
– la formation professionnelle aux métiers du solaire
– deux centres de recherches réputés dans les énergies renouvelables
– les entreprises dont la Solar Fabrik qui construit des panneaux solaires et emploie 200 travailleurs
– un centre d’accueil spécialisé pour les touristes solaires, etc.
On estime que 10 000 emplois, liés à la problématique du développement durable, ont été créés. Un exemple dont la Région wallonne pourrait s’inspirer... Nous en sommes convaincus.
Convaincus mais presque chagrinés de devoir être critiques.
Pourquoi ?
Rappelons que le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins. L’enjeu du développement durable est donc de combiner harmonieusement la dimension économique, environnementale et sociale. Or, à plusieurs reprises, lors de ce voyage d’études, l’aspect social était en retrait, oublié, voire nié.
Deux exemples.
D’abord, le quartier Vauban. Un quartier qui répond à des conditions urbanistiques strictes. Résultat ? Si une maison classique consomme par an, 200 à 300 kwh par m2, dans ce quartier, les maisons sont basses énergies et atteignent les 65 kwh par m2. Les dernières constructions, dites maisons passives, arrivent même à une consommation énergétique annuelle de 15 kwh par m2.
Selon un habitant, qui habite une maison passive et qui nous a servi de guide, sa dépense en énergie est de 114 € par an. Vous avez bien lu par an pour le chauffage, l’eau chaude et le gaz pour cuisiner. Le rêve !
Mais ces maisons coûtent plus cher à la construction (7 pc d’investissement supplémentaire). Seule la classe moyenne, acquise à la cause environnementale y habite.
Comment mettre ces maisons basse consommation d’énergie à la portée de ceux qui en auraient le plus besoin, à savoir les moins favorisés de notre société, notamment dans le logement social ? Voilà le souci que nous avons exprimé en tant que syndicalistes.
Ensuite, la Solar Fabrik. Une entreprise qui fabrique des panneaux solaires et qui emploie 200 travailleurs, remarquable également car c’est une entreprise « zéro émission polluante ». Un défi essentiel pour les entreprises. Personne ne le conteste. Mais voilà, là aussi un bémol de taille, disons même une fausse note. Le responsable syndical de la DGB que nous avons rencontré a été clair : les patrons de la Solar Fabrik ont tout fait pour empêcher les syndicats de rentrer dans l’entreprise.
En partant de l’exemple de Fribourg, on peut dire que les profits sont là, manifestement l’environnement est gagnant mais le social est en retrait.
Alors nous posons trois questions :
Peut-on faire du développement durable en ignorant, voire en niant l’expression collective des travailleurs dans les entreprises ?
Peut-on se soucier de l’environnement sans prendre en compte les difficultés des moins favorisés de notre société, la précarisation grandissante du monde du travail (en particulier des jeunes) et sans mener le combat contre les inégalités créées par un système économique qui tourne de plus en plus au profit des actionnaires ?
Et aujourd’hui, est-il possible, pour un syndicaliste, de ne pas prendre en charge le défi climatique ?
Non, trois fois non.
Mais ne soyons pas dupes ou naïfs, dans le triptyque économie, social et environnement, c’est l’économie qui domine, en imposant en permanence ses règles. Le profit maximum, à court terme, étant la principale.
Pour que la dimension économique ne soit pas ainsi le cheval de Troie du développement durable, il faut une alliance forte entre les défenseurs de la cause environnementale et de la cause sociale, seule voie pour amener le système économique vers plus de solidarité et de souci environnemental.
Cette mise au point étant faite, nous le réaffirmons, avec détermination, le combat pour le développement durable, dans toutes ses dimensions, est notre combat.
*....Jean-Luc Dossin (FGTB), Nicolas Errante (FGTB), Guy Fays (FGTB), Jean-Pierre God (FGTB), Henri Goffin (FGTB), Jean-Jacques Layeux (FGTB), Gérard Ledieu (FGTB), Giovanni Lentini (FGTB), Pierre Leveque (FGTB), Constantina Papamarinou (FGTB), Claude Poitoux (FGTB), Michel Praillet (FGTB), Jean-Luc Revelard (CSC), Claudio Sonda (FGTB).