• Abdellatif Mekki : « Je n’avais plus le choix, surtout après toutes ces longues tentatives durant les derniers mois ».
• Samir Dilou, « Il est probable de lancer un nouveau parti politique, mais pas de sitôt ».
• Jamila Ksiksi : « Les années que nous avons passées à pousser vers un meilleur leadership n’ont pas abouti ».
D’ores et déjà le parti Ennahdha est au cœur de la tourmente. Ce qu’on appelle le groupe des Cent semait le chaos au sein du parti islamiste, dont la position sur l’échiquier politique est de plus en plus fragilisée. Autant dire que le parti vivait, ces derniers mois, au rythme des divergences, des démissions et des déclarations incendiaires.
Les évènements du 25 juillet dernier, marqués notamment par la prise de tous les pouvoirs par le Président de la République et la suspension du Parlement, ont davantage amplifié ces divergences au sein du temple bleu.
La dernière démission collective historique des membres du parti en témoigne parfaitement, Ennahdha risque même l’effondrement au vu des derniers rebondissements politiques de taille.
Il n’en demeure pas moins que Rached Ghannouchi, leader historique du parti, ne cesse de multiplier les faux pas politiques qui ont conduit le mouvement islamiste à une telle situation, comme le confirment les dirigeants démissionnaires.
Où va le parti ?
La solidarité partisane n’a-t-elle plus de place à Montplaisir ?
S’agit-il du point de non-retour ?
Comment sortir d’une telle crise historique qui secoue le parti ?
Après une première démission collective de 113 dirigeants et membres au sein du parti, la liste des démissionnaires ne cesse de s’allonger du côté de Montplaisir.
La cause ? Ce que les dissidents appellent une mainmise autoritaire exercée par Rached Ghannouchi sur la prise de décision au sein d’Ennahdha. C’est le dirigeant démissionnaire, Abdellatif Mekki, qui fait l’annonce sur son compte Facebook, « la liste des démissionnaires du mouvement s’est allongée, elle passe de 113 à 131 », a-t-il affirmé.
En effet, un nouveau rebondissement après une nouvelle tombée comme un couperet sur la scène politique, 113 membres d’Ennahdha, dont plusieurs dirigeants, comme Samir Dilou et Abdellatif Mekki, qui claquent la porte et dénoncent le manque de démocratie au sein du mouvement et la centralisation des décisions au sein du cercle proche de Rached Ghannouchi.
Explications et justifications
Si cette démission collective, du jamais vu sur la scène politique nationale, a fait couler beaucoup d’encre, c’est que le parti Ennahdha est, en effet, exposé à un haut risque mettant en péril même sa viabilité.
Abdellatif Mekki, qui avait à maintes reprises averti contre une telle situation, craint pour l’avenir d’Ennahdha. « Je n’avais plus le choix, surtout après toutes ces longues tentatives durant les derniers mois », a-t-il regretté.
Même son de cloche chez la députée Jamila Ksiksi qui s’est excusée auprès des « militants d’Ennahdha ». « Les années que nous avons passées à pousser vers un meilleur leadership du mouvement n’ont pas abouti malheureusement. Faire face au coup d’Etat est, désormais, le plus sacré des devoirs », a-t-elle expliqué.
Pour Samir Dilou, l’autre dirigeant démissionnaire, « on vise l’avenir ». Ce dernier a laissé la porte ouverte à l’éventualité de voir ces dissidents former un nouveau parti politique, probablement sur les ruines du parti Ennahdha. « Il est probable de lancer un nouveau parti politique, mais pas de sitôt, il faut actuellement se pencher sur l’analyse de cette expérience politique pour en tirer les leçons nécessaires », a-t-il laissé entendre.
Rafik Abdessalam, gendre de Ghannouchi et dirigeant au sein d’Ennahdha, veut, lui, minimiser les dégâts communicationnels. Pour lui, le principal enjeu étant de « contrer le coup d’Etat » en référence aux décisions annoncées par le Président de la République. « Être avec ou contre Ennahdha, en faire partie ou pas, n’a aucune importance. L’important est la position face à ce coup d’Etat », a-t-il poursuivi, car pour lui, la démission collective au sein du parti est une « chose secondaire ».
Mission sauvetage
Mais que reste-t-il d’Ennahdha ? Même la mission sauvetage lancée par Rached Ghannouchi a échoué.
Ce dernier avait lancé, il y a deux mois, un comité de gestion de la crise, une expérience vouée rapidement à l’échec. Le député et membre d’Ennahdha, Mohamed Goumani a annoncé, dans la soirée de samedi 25 septembre 2021, sa démission de son poste à la tête dudit comité lancé au lendemain du 25-Juillet.
Dans un statut publié sur sa page Facebook, il a indiqué que cette initiative n’avait plus lieu d’être, compte tenu du contexte actuel, mais aussi de la situation actuelle du parti.
Une situation politique marquée par un coup de passage en force opéré par le Chef de l’Etat Kaïs Saïed, et ayant fini par la suspension du Parlement, là d’où Rached Ghannouchi puise sa légitimité et son pouvoir.
En effet, Kaïs Saïed, dont Ennahdha est le principal adversaire politique, a confirmé la suspension sine die du Parlement, auquel il va se substituer en légiférant par décrets, mettant ainsi un terme au pouvoir très controversé de Rached Ghannouchi au Bardo.
D’ailleurs ce dernier, qui a reconnu que son parti était partiellement responsable de la crise ayant motivé le coup de force de Kaïs Saïed, s’est fortement opposé à cette manœuvre politique car il en paye le prix cher.
Reste à savoir maintenant quelle carte va jouer Rached Ghannouchi pour sortir de cette crise ?
Renoncera-t-il à la vie politique pour préserver son parti où s’accrochera-t-il au pouvoir au détriment de sa formation politique ?