Economiste à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), adhérent à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) de 1979 à 2006, proche de l’altermondialisme et membre de l’association Attac, Michel Husson, né en 1949 à Lyon, est décédé le 18 juillet. Jusqu’au bout, il n’a cessé d’alimenter son site personnel, bible numérique pour qui veut se nourrir de lectures critiques des débats économiques du moment, Hussonet. Jusqu’à cet été, on pouvait lire régulièrement ses chroniques sur les sites d’À l’encontre et d’Alternatives économiques.
« Michel Husson fut entre autres l’un les plus ardents défenseurs de la réduction du temps de travail et ses travaux récents montraient encore l’enjeu qu’elle représentait même au temps de la crise sanitaire », écrit Jean-Marie Harribey dans un texte hommage publié sur le site de ce mensuel.
Si son inspiration était résolument marxiste, l’économiste s’informait et dialoguait avec toutes les branches de l’hétérodoxie, notamment les postkeynésiens et les régulationnistes. Mais on lui reconnaissait également de bien connaître les thèses de ses adversaires, à savoir les partisans des théories standards de l’économie, dites néoclassiques.
Un des apports remarquables de Michel Husson a concerné la périodisation du capitalisme, pour mieux en comprendre les phases, les crises et les moments de bifurcation. Pour cela, il a notamment popularisé et prolongé les réflexions de l’économiste belge Ernest Mandel. Ce dernier, qui fut aussi un dirigeant trotskiste, raisonnait en termes d’ondes longues, couvrant généralement de deux à trois décennies.
Selon cette approche, lorsque les contre-tendances à la chute du taux de profit l’emportent, l’onde longue capitaliste est dite expansive. Elle se prête à des compromis de classe positifs, comme ce fut le cas pendant la période fordiste, restée comme « l’âge d’or » de la social-démocratie. Mais lorsque les contradictions du système resurgissent, l’onde longue est dite dépressive. La répartition du surplus social tend alors à redevenir un jeu à somme nulle, et les classes subalternes en font les frais.
Michel Husson avait beaucoup réfléchi à la période néolibérale et à ce qui se joue depuis la crise de 2008. Contre certains collègues marxistes, il persistait à penser que les économies capitalistes, du moins dans les sociétés occidentales, n’étaient pas sorties d’une onde longue dépressive depuis la fin des années 1970.
Dans un de ses derniers textes, rédigés après l’éclatement de la pandémie, il s’expliquait ainsi : « Pour qu’émerge une onde expansive, il ne suffit pas que le taux de profit se rétablisse ou qu’apparaissent des innovations technologiques. Il faut que se mette en place un ordre productif qui assure les conditions de reproduction du système. Or, ces conditions ne sont pas réunies, pour une raison essentielle à nos yeux, à savoir l’épuisement des gains de productivité. Faute de retrouver ce qui est sa force propulsive et la source d’une relative légitimité, le capitalisme est condamné à une reproduction instable et fondamentalement antisociale. C’était vrai avant le virus, ça l’est encore plus après. »
Dans les archives de Mediapart, on retrouve le fil de la pensée de cet économiste hétérodoxe à plusieurs endroits, notamment :
• En 2008, en pleine crise financière internationale : https://www.mediapart.fr/journal/economie/111108/michel-husson-je-ne-crois-pas-a-l-effondrement-du-capitalisme
Disponible sur ESSF (article 12055), « Je ne crois pas à l’effondrement du capitalisme » :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article12055
• En 2009, nouvel entretien, à l’occasion de la publication d’un essai qui dynamite les idées reçues sur le travailLa France du travail.
https://www.mediapart.fr/journal/economie/231109/le-livre-qui-dynamite-les-idees-recues-sur-le-travail?onglet=full
Disponible sur ESSF (article 58971), Le livre qui dynamite les idées reçues sur le travail :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article58971
• En 2018, au détour d’une analyse fouillée sur les « mille marxismes » : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/290718/la-decouverte-des-mille-marxismes?onglet=ful
• En 2020, à l’occasion de la publication d’un livre critique des travaux de Thomas Piketty Thomas Piketty – Une critique illusoire du capital : https://www.mediapart.fr/journal/economie/160920/deux-economistes-s-attaquent-aux-theses-de-thomas-piketty
La rédaction de Mediapart