Une semaine après la découverte d’une quinzaine de cadavres, morts sous la torture aux mains de troupes loyales à la junte birmane, une équipe de chercheurs de Dignity (l’Institut danois contre la torture), pousse un cri d’alarme dans The Diplomat. Leur analyse, fondée sur des enquêtes de terrain, leur permet d’affirmer que les violences physiques et psychologiques sont “au cœur des efforts de la junte militaire pour réprimer la désobéissance civile”.
Depuis le coup d’État du 1er février contre le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi, la junte militaire dirigée par le général Min Aung Hlaing a fait plus de 6 000 prisonniers politiques, raconte le magazine tokyoïte spécialiste des affaires internationales en Asie-Pacifique. La résurgence de la torture met un terme à des “améliorations embryonnaires mais importantes” menées contre cette méthode au cours de la précédente décennie. Elle plonge “une fois de plus la Birmanie dans l’ombre de la terreur d’État”.
Bambou rempli de ciment, démembrement
L’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) documente les meurtres et enlèvements illégaux survenus en Birmanie. Dans un rapport du 26 juin, elle dénonce la mort d’au moins 24 prisonniers victimes de la torture depuis le coup d’État.
Quatre jours plus tôt, l’ONG Human Rights Watch publiait le récit d’un garçon de 17 ans “enterré jusqu’au cou dans un simulacre d’exécution”, et battu à coups crosse de fusil ou de “bambou rempli de ciment”. Un exemple parmi “les centaines, si ce n’est milliers” de témoignages qui mentionnent aussi des cas de “démembrement”, ajoute The Diplomat :
“Nous sommes confrontés à des témoignages de manifestants contraints de s’agenouiller pour être battus avec des tuyaux et des chaînes. Des cas de viols et d’agressions sexuelles qui laissent certaines détenues meurtries et sanguinolentes, incapables de marcher ni de parler. Certains ne survivent pas.”
Documenter pour juger, un jour, les responsables
Cette répression extrêmement violente remplit une fonction précise, estiment les chercheurs de Dignity :
“Elle détruit les individus et sape la détermination publique […] Elle œuvre simultanément à habiter l’esprit des individus, en rongeant leur rationalité et leur confiance mutuelle.”
Elle entretient également une culture “de soumission, de silence et de dépendance” au sein de l’armée elle-même. Fondée sur “l’isolement stratégique de la junte par rapport à la base de la société”, la doctrine du gouvernement militaire consiste à déshumaniser la dissidence tout en fragilisant les soldats, note The Diplomat :
“La torture produit des auteurs profondément blessés et des victimes profondément traumatisées. Elle souille le tissu social et paralyse les institutions publiques et privées – depuis les tribunaux jusqu’aux familles – qui pourraient défier et résister à la terreur d’État.”
Conscientes que l’action du régime birman n’est pas “susceptible d’être arrêtée par l’indignation internationale”, de nombreuses ONG documentent les atrocités de la répression et collectent les récits de survivants dans l’espoir de jugements à venir. Leur travail poursuit un objectif à long terme : “veiller à ce que ces horreurs soient enregistrées avec un tel niveau de détail qu’elles suscitent des réactions viscérales pour les générations futures”.
Courrier International
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