“Notre province est en feu, le coronavirus enflamme toute la région.” Le responsable de la province de Johannesburg, David Makhura, a sonné l’alarme en annonçant le déploiement des médecins de l’armée dans les hôpitaux, mercredi 23 juin. Le même jour, l’Afrique du Sud enregistrait plus de 17 000 nouvelles infections au Covid-19. Confronté à une nouvelle vague, le pays flirte déjà avec les niveaux de contaminations de janvier 2021, alors que le pic de cette troisième secousse n’est pas attendu avant deux semaines.
“Ce n’est pas une vague, c’est un tsunami”, témoigne un médecin de la province de Johannesburg sous couvert d’anonymat auprès du site News24. Épicentre de cette nouvelle vague, la province de Johannesburg enregistre un taux de tests positifs de 30 %. Les hôpitaux sont débordés par l’afflux de patients, et, pour la première fois en Afrique du Sud, le personnel médical, qui n’a pas l’autorisation de s’exprimer librement dans la presse, confie devoir “choisir qui sauver”.
“À peine libéré, le lit est de nouveau occupé”
“Tous les lits en soins intensifs sont occupés. Les gens doivent le savoir. Si vous êtes malades et que vous avez besoin d’un lit maintenant, vous ne l’aurez pas, il n’y a pas de lits disponibles”, insiste une infirmière. “Les patients voient mourir leur voisin de chambrée, ils sont terrifiés. Les pompes funèbres retirent la dépouille. À peine libéré, le lit est de nouveau occupé”, poursuit la soignante interrogée par News24. À l’extérieur, les ambulanciers doivent attendent quatre à cinq heures avant qu’une place ne se libère.
Comme la précédente, cette nouvelle vague est emmenée par le variant Beta, identifié dans le pays en décembre 2020. Si quelques cas du variant Delta, qui a enflammé l’Inde, ont été détectés en Afrique du Sud, il ne semble pas se propager au sein de la population pour le moment, explique à la revue Nature le bio-informaticien Tulio de Oliveira, directeur du laboratoire à l’origine de la découverte du variant Beta.
Face à l’augmentation du nombre de cas de Covid-19, le président, Cyril Ramaphosa, a annoncé le retour du couvre-feu à 22 heures et des restrictions sur la vente d’alcool, interdite le week-end. Depuis ces annonces, le 15 juin, le nombre de nouvelles contaminations a doublé et le retour d’un confinement plus sévère est envisagé. “La situation est hors de contrôle”, reconnaît le responsable de la province de Johannesburg, David Makhura.
“La troisième vague est probablement déjà trop avancée”
Plusieurs instances scientifiques appellent au renforcement des restrictions, mais le retour d’un confinement strict comme celui qui a marqué le début de la pandémie en Afrique du Sud a été écarté par le responsable : “Nous ne pouvons pas nous permettre de renvoyer les gens à la maison […], parce que nous n’avons pas les moyens de les aider quand ils restent chez eux”, a déclaré David Makhura. L’économie sud-africaine n’a plus les ressources pour absorber le choc d’un confinement, alors que la pandémie a fait plus de 59 000 morts officiellement en Afrique du Sud – le bilan réel pourrait être trois fois plus élevé.
Amer, Business Day se désole du manque de préparation des autorités. “Cette vague de contaminations n’est une surprise pour personne. Il ne fallait pas être scientifique pour prédire qu’avec l’hiver, quand les gens se rassemblent à l’intérieur, la situation allait s’aggraver”, regrette le quotidien économique, qui déplore que le poumon de l’économie sud-africaine se soit laissé “prendre par surprise”. “La réalité est que la troisième vague est probablement déjà trop avancée pour que les restrictions soient efficaces”, avance journal, pour qui paralyser l’économie serait “irresponsable”.
Au cœur des critiques toujours, la lenteur du programme de vaccination alors que l’Afrique du Sud a essuyé de nombreux revers dans la course aux injections. Quatre mois après le début de la campagne de vaccination, à peine plus de deux millions de personnes, soit moins de 4 % de la population, ont reçu une injection. “Même en maintenant le rythme de 18 503 doses par jour atteint ces dernières semaines, il faudrait augmenter la cadence de 40 % pour atteindre l’immunité collective dans la première moitié de 2022”, a calculé Business Insider.
La situation sud-africaine reflète celle du continent. Au moins une vingtaine de pays africains sont actuellement confrontés à une troisième vague d’une “sévérité à laquelle ils n’étaient pas préparés”, s’est inquiété le 24 juin, selon Business Day, le directeur du Centre de contrôle et de prévention (CDC) africain, le docteur John Nkengasong. La Zambie, la République démocratique du Congo ou encore l’Ouganda sont débordés, a ajouté le responsable, qui plaide en faveur d’un acheminement rapide de nouveaux vaccins contre le Covid-19. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur les 2,7 milliards de doses injectées à travers le monde, moins de 1,5 % a été administré en Afrique.
Mathilde Boussion
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