“Des femmes et des filles nous ont expliqué qu’elles évitaient désormais d’utiliser les toilettes publiques. Elles s’inquiètent des caméras cachées, même lorsqu’elles sont chez elles. Un nombre alarmant de survivantes de crimes sexuels numériques ont déclaré avoir envisagé le suicide.”
Ces mots, prononcés par Heather Barr, et repris dans les colonnes de The Guardian, rendent compte de l’ampleur du phénomène. En Corée du Sud, explique la co-directrice de la division des droits des femmes de l’ONG Human Rights Watch, “les crimes sexuels ‘digitaux’ sont devenus si fréquents et si redoutés qu’ils ont un impact sur la qualité de vie de toutes les femmes et les filles du pays”.
Ses conclusions, qui s’appuient sur une étude qu’elle a elle-même dirigée, mettent en lumière une statistique : entre 2008 et 2017, les poursuites pour crimes sexuels impliquant des tournages de vidéos illégales ont été multipliées par onze en Corée du Sud.
Ce qui fait monter les chiffres de manière inquiétante, explique le quotidien britannique, c’est la diffusion d’images prises illégalement au moyen d’un smartphone ou d’une caméra, un crime qui dispose aujourd’hui d’une expression consacrée : le “Molka”. Le plus souvent, il consiste à cacher des caméras pour filmer des femmes, et ensuite, éventuellement, à diffuser ces images sur internet sans leur consentement. “En 2008, moins de 4 % des crimes sexuels impliquaient la prise illégale de vidéo, détaille l’étude, mais en 2017, ce pourcentage était déjà monté à 20 %.” Cette année-là, presque 7 000 cas de Molka avaient été dénoncés.
L’angoisse des femmes coréennes est exacerbée par la possibilité de voir ces vidéos circuler sur la toile. Leur suppression définitive devient très compliquée.
“Introduire des sanctions plus sévères”
Sur le front judiciaire, les indicateurs ne sont guère encourageants, regrette The Guardian. En 2019, les procureurs coréens ont classé sans suite 43,5 % des plaintes pour crimes sexuels numériques. Et quand bien même certaines d’entre elles aboutissent à des condamnations, celles-ci ne sont pas à la hauteur du dommage provoqué, relève le journal londonien :
“En 2020, 79 % des auteurs condamnés ont seulement écopé d’une amende ou d’une peine avec sursis, ou les deux.”
La conséquence d’un système judiciaire et policier majoritairement composé d’hommes, selon Human Right Watch, qui formule quelques pistes pour améliorer la situation dans le pays. The Guardian résume ainsi :
“Le gouvernement doit introduire des sanctions plus sévères pour ces crimes, accroître le nombre de femmes policières, procureurs et juges et remédier au piètre bilan de la Corée du Sud en matière d’égalité entre les sexes.”
The Guardian
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