1. L’esclavage aux États-Unis et les formes de l’accumulation primitive
Les différentes parties de l’Amérique ont été conquises par les puissances européennes à partir des années 1500. La colonisation a entrainé différentes formes de mise en esclavage ou d’extermination des populations indigènes ; d’où le besoin d’importer de la main-d’œuvre, sous des formes variables selon les cas. Dans le cas de ce qui allait devenir les États-Unis, l’extermination des peuples indiens a été combinée avec divers essais d’importation de main-d’œuvre, d’abord européenne puis africaine. Ce qui s’est finalement généralisé dans les grandes exploitations agricoles du Sud et du Centre était un système expérimenté aux Caraïbes : le travail d’esclaves africains amenés de force par la traite négrière (commerce triangulaire). À l’époque de la première révolution américaine (1776-1790), les 13 premiers États de l’Union ne comptent encore que quatre millions d’habitants, dont déjà 700 000 esclaves et pas plus de 60 000 noirs « libres », mal tolérés.
Les jeunes bourgeoisies des 13 États négocient longuement entre elles des institutions communes, dont beaucoup subsistent aujourd’hui. Ces institutions reposent sur l’égalité des droits des citoyens et leur totale liberté d’entreprise, mais aussi sur l’égalité des droits entre les États qui conservent la maîtrise de leurs lois particulières : pour beaucoup de ces États, il s’agit d’abord du maintien de l’esclavage, cette forme de propriété privée restant parfaitement légale. La première des républiques modernes connaît donc, à partir de 1790 et pendant 75 ans, à la fois une vie politique démocratique, très originale mais purement blanche, et un esclavage noir de masse. Ce dernier est censé être basé sur la Volonté divine, le Créateur ayant désigné physiquement les Noirs, par leur couleur, pour être des objets de propriété privée, soumis à l’obligation d’un travail non rémunéré.
Depuis les origines de la traite des Noirs, et donc de façon répétée pendant dix à douze générations, les esclaves amenés par les négriers, puis les enfants nés de ce qui devient au XVIIIe siècle un véritable élevage humain, ont subi des violences sociales/raciales/sexuelles d’une ampleur inimaginable. Arrachés à leurs cultures et langues d’origine, ils et elles sont séparés et re-mélangés à chaque étape des ventes et reventes, pour la création de lots de cheptel humain conformes aux besoins des planteurs. Cette situation d’extrême déshumanisation est constamment renouvelée dans les plantations, elles-mêmes en constante expansion. Cette destruction répétée de tous les liens interpersonnels rend très difficile l’apparition d’une résistance des esclaves. Comme un peu partout sur le continent, pour atténuer les aspects les plus cruels de leur existence, ils n’ont guère d’autre issue que d’adopter la religion de leurs maîtres, dans le vain espoir d’être traités plus ou moins comme des « chrétiens », et non comme des bêtes.
Aux États-Unis, plusieurs types de rapports sociaux dominent donc, selon les régions. Au Nord-Est, s’est d’abord développée une économie de comptoirs, basée sur les fourrures, le bois et l’or. Mais le XIXe siècle voit arriver massivement les plus pauvres des Européens (Britanniques, Scandinaves, Allemands, Irlandais…) qui fuient la misère et les régimes oppressifs. Vague après vague, tous cherchent un travail quotidien mais la plupart rêvent de trouver de la terre pour devenir des exploitants indépendants, sur un territoire que l’extermination des Indiens permet d’agrandir sans cesse. Ces circonstances donnent naissance à un salariat encore dispersé, qui enrichit rapidement les premiers entrepreneurs, et à une paysannerie de settlers puis de farmers qui, cherchant à se libérer des landlords qui spéculent sur le foncier, colonisent en masse. Ce sont leurs besoins qui créent un marché intérieur, tirant à sa suite les rapports sociaux capitalistes, d’abord dispersés, puis concentrés.
Ces rapports propres au Nord-Est sont conditionnés par le recul incessant de la frontière qui s’éloigne des 13 États d’origine. Mais le monde des plantations esclavagistes du Sud et du Centre-Est est lui aussi en pleine expansion. Par la traite puis par l’élevage humain et malgré une mortalité terrible, la population noire asservie passe de 700.000 en 1790 à quatre millions d’âmes en 1860. Les cultures de rente (tabac, sucre de canne, café, térébenthine, coton…) dominent les exportations américaines vers l’Europe, dont la profitabilité a beaucoup augmenté depuis l’invention d’une machine à décortiquer le coton. L’économie esclavagiste du Sud est donc pleinement coloniale. Elle fait la fortune d’environ 3 000 familles de richissimes planteurs et de leurs dépendants. Il existe un demi-million de pauvres blancs qui ne bénéficient pas tous des retombées du système et sont souvent loin de posséder les quelques esclaves « domestiques » qui marqueraient leur supériorité raciale/sociale.
Ce monde esclavagiste est encore en pleine expansion pendant la première moitié du XIXe siècle. Son commerce est financé par des banquiers du Nord (New York) qui soutiennent discrètement la traite clandestine (progressivement interdite sous pression de campagnes humanitaires) et empochent sur le commerce des produits coloniaux des bénéfices bien supérieurs à ceux qui se font sur les autres échanges entre le Nord et l’Europe. Les dirigeants des États sudistes se projettent dans l’avenir avec l’idée d’agrandir les États-Unis en multipliant les États esclavagistes et en annexant Cuba et la Caraïbe et/ou le Mexique et l’Amérique centrale pour y systématiser l’esclavage de plantation. Ces projets structurent les débats politiques qui vont aboutir à la guerre civile.
2. Des compromis successifs sur l’esclavage, toujours remis en cause
De 1790 à 1860, les États-Unis passent de 13 à 31 États, la population totale passant de 4 à plus de 31 millions, dont désormais 4 millions d’esclaves et déjà plus de 400 000 Noirs libres. La première révolution s’était terminée par le compromis sur l’esclavage, âprement débattu, qui est concrétisé par une règle constitutionnelle majeure, celle des trois cinquièmes. Dans les recensements qui déterminent les effectifs des représentants à élire à la Chambre basse (House of Representatives), les esclaves sont comptés : ils « valent » les trois cinquièmes des blancs. Les effectifs d’esclaves, sans aucun droit, contribuent donc à une meilleure « représentation » des États esclavagistes au Congrès. Parallèlement, chaque État élit deux sénateurs et une forte compétition existe donc autour de la création des nouveaux États, esclavagistes ou non. Ce débat se reproduit à de nombreuses reprises avec de nouveaux « compromis ». Les aristocrates esclavagistes du Sud, bien organisés au travers du Parti démocrate réussissent ainsi à étendre largement le domaine de l’esclavage. Ce Parti démocrate agit dans toute l’Union en défendant d’abord les droits des États à conserver leurs institutions particulières, dont bien sûr l’esclavage. Il obtient ainsi l’obligation faite aux États « libres » de restituer tout esclave fugitif (1850), puis le droit pour les esclavagistes d’emmener leurs esclaves dans les États où ils déménagent (1857).
Certains des pères fondateurs avaient eu l’espoir, en s’appuyant sur l’augmentation de la population globale, de « noyer » progressivement le Sud esclavagiste dans l’Union, en évitant toute épreuve de force autre que l’éviction des nations indiennes. Mais les offensives constantes du Parti démocrate étendent nettement l’esclavage. Les farmers indépendants comme les petits patrons et industriels de l’Est et du Nord-Ouest craignent la concurrence du travail gratuit, et leurs ouvriers encore plus. Ils deviennent logiquement abolitionnistes mais tout aussi facilement racistes.
Depuis les origines de l’indépendance américaine, il existe un réel militantisme abolitionniste, très minoritaire, qui se combine souvent avec les premiers mouvements féministes. La cruelle discipline du travail sur les plantations et les limitations rigoureuses imposées à l’instruction cantonnent l’influence de la propagande abolitionniste, qui doit être transmise oralement avec toutes sortes de ruses. Les plantations « rationalisées », c’est-à-dire les plus exterminatrices, ne laissent comme issue aux esclaves que la fuite. Il apparaît donc très tôt des réseaux clandestins d’aide. Le plus connu est l’underground railroad qui permet chaque année à quelques milliers de fugitifs, à pied, en péniche ou en carriole, de gagner par étapes les États les plus « libres », ou bien le Canada britannique non esclavagiste. De nos jours, lors de travaux, on découvre encore parfois des « gares » de ces réseaux, des caches d’esclaves fugitifs jadis aménagées clandestinement par des militant∙es. Ces évasions sont l’objet d’une répression féroce : des agents publics (US Marshall) et des bandes de chasseurs de têtes y gagnent facilement de l’argent, quitte à enlever au nord des Noirs libres pour les revendre au sud.
Avec la croissance démographique, l’esclavage et le travail libre se confrontent de plus en plus, en particulier dans les États du Centre, là où les deux systèmes se mélangent selon les conditions agricoles (climat, productivité du sol…). C’est aussi là que des esclaves qualifiés sont loués par leurs propriétaires à d’autres blancs, sans être payés personnellement. Les enjeux de cette confrontation apparaissent lors de la création des nouveaux territoires, préalables à la formation de nouveaux États. En 1854-1855 une véritable guerre civile ravage le Kansas, opposant colons « libres » et hommes de main recrutés par les esclavagistes.
Les échecs subis dans les années 1850 entraînent une radicalisation des abolitionnistes, marquée par la tentative désespérée de John Brown et ses compagnons, qui s’emparent d’un arsenal fédéral en 1859, à Harpers Ferry, dans l’idée que les esclaves vont se rallier en masse à la révolte et forcer le destin d’un seul coup. L’armée écrase la rébellion ; les survivants sont pendus malgré les protestations internationales (Victor Hugo). Ils ont cependant réussi à polariser l’attention des progressistes, et c’est là que nous retrouvons Marx. « Selon moi, les plus grands évènements du monde actuel sont, d’une part, le mouvement américain des esclaves qui a commencé avec la mort de [John] Brown et, d’autre part, le mouvement des [serfs] en Russie. Je viens de lire dans la Tribune qu’une nouvelle insurrection d’esclaves avait eu lieu dans le Missouri : elle a évidemment été réprimée. Mais le signal est donné. Si la situation s’aggrave, “by and by”, qu’adviendra-t-il de [l’approvisionnement des industries de] Manchester ? » (Lettre à Engels, 11 janvier 1860).
Les révolutionnaires, vaincus en Europe dans les années 1848-1852, sont relativement nombreux parmi les immigrants récents, mais sont souvent confinés dans des populations germanophones du nord et du centre-ouest. Leur solidarité avec les esclaves est souvent toute théorique. Même les rares membres de la Première Internationale ont du mal à s’orienter entre la défense d’un salariat encore peu organisé et ses dérives racistes : la crainte de la concurrence du travail servile, non rémunéré, rend difficile toute convergence pratique d’un prolétariat en rapide expansion mais profondément divisé. Cette difficulté majeure amène les internationalistes à s’intéresser au tout nouveau Parti républicain, fondé en 1854.
Ce parti, encore très fragile, se fonde sur le besoin de mettre un terme à l’extension incessante de l’esclavage, et non sur son abolition. Il s’appuie sur les farmers, qui réclament un accès à un sol « libre/gratuit », comme sur les patrons industriels qui visent la généralisation du travail « libre » (mais pas gratuit) et rencontrent ce faisant les revendications élémentaires de leurs ouvriers, qui défendent leurs salaires. Cette alliance est provisoire mais se renforce parce qu’elle correspond à la croissance rapide du pays et de son marché intérieur. L’élimination des nations indiennes fournit par étapes l’espace nécessaire. Les immigrants sont disponibles, assoiffés d’indépendance personnelle, prêts à tout pour la défendre et pour assurer leur survie dans un environnement difficile. L’horizon du maréchal-ferrant évolue vers celui de l’aciériste, celui du menuisier vers les entreprises minières, celui du traitant en fourrures vers la banque… Le projet d’expansion continentale des planteurs esclavagistes menace donc tous les autres rapports sociaux. Pour preuve de la généralité de ce conflit on voit même le Parti démocrate, fondamentalement esclavagiste, se diviser sur cette question. Cette division entre démocrates du Nord et du Sud va contribuer, lors de la présidentielle de novembre 1860, à l’élection surprise d’un nouveau venu, le républicain Abraham Lincoln.
3. Guerre civile annoncée, retardée, finalement assumée
Né en 1809 dans la paysannerie laborieuse, habitué aux travaux physiques les plus durs mais aussi juriste autodidacte, Lincoln devient avocat et politicien au début des années 1840. Il se fait connaître en 1858 par son refus de principe de soumettre l’existence de l’esclavage à un vote populaire dans chaque État : pour lui, si une telle décision était prise, elle serait non conforme aux Droits de l’homme et comme telle nulle et non avenue. Il n’est pas pour autant un « ami des Noirs ». Il ne défend pas publiquement une abolition générale ni son imposition aux États. Il est intéressé par la logique (raciste) de la colonisation c’est-à-dire le fait de… renvoyer les Noirs en Afrique pour y créer des États du genre de l’actuel Liberia. Il est donc très loin au départ d’envisager que les gens de couleur puissent accéder aux droits politiques, même s’ils sont « libres ». Mais il veut clairement en finir avec l’expansion esclavagiste. Ce choix, si modéré qu’il nous paraisse, fait l’effet d’un chiffon rouge pour les partisans les plus résolus de l’expansion indéfinie du servage.
Comme le Parti démocrate se divise à ce sujet, on en vient en novembre 1860 à une élection présidentielle quadrangulaire. Lincoln la gagne de justesse, avec moins de 40 % du vote populaire mais 59 % des Grands électeurs. Défenseur de l’Union et réformiste modéré, ce président paraît alors très faible, enfermé dans les moyens limités d’un État fédéral encore étroitement dépendant des États fédérés. Entre son élection de novembre 1860 et son installation en mars 1861, et dans les mois qui suivent, Lincoln cherche d’abord à renforcer son autorité d’arbitre : il multiplie les appels à l’union et propose des processus de sortie de crise fondés soit sur une nouvelle majorité au Congrès soit sur la réunion d’une nouvelle Convention, plus démocratique que les votes du Congrès. Pendant ce temps, les dirigeants du Sud construisent méthodiquement une Confédération de sept puis huit puis onze États esclavagistes, et préparent activement l’affrontement militaire.
En réalité, Lincoln se comporte comme un joueur qui laisse la mise augmenter : il laisse les dirigeants esclavagistes les plus radicaux forcer la main aux plus modérés et prendre l’initiative de rompre avec l’Union, jusqu’à ce qu’ils l’attaquent militairement. C’est chose faite en avril 1861, avec la prise par les Confédérés d’une fortification fédérale isolée, Fort Sumter. La guerre commence. Lincoln a pris le risque de laisser l’appareil militaire et administratif de l’Union se décomposer afin de sauvegarder sa précieuse légitimité démocratique. Il continue d’ailleurs à temporiser ensuite afin d’approfondir les divisions entre le Parti démocrate du Nord et celui du Sud et de rassurer ceux des États esclavagistes du Centre qui n’ont pas encore choisi leur camp.
Les membres européens de l’Internationale, et d’abord Marx et Engels, suivent la question américaine attentivement depuis le signal donné en 1859 par John Brown. Pour eux, abolir l’esclavage est essentiel pour que puisse enfin s’organiser la classe ouvrière étatsunienne. Ils la conçoivent, dans un des seuls pays démocratiques alors existants, comme une avant-garde d’une importance mondiale. Marx et Engels sont d’abord gênés par la prudence que manifeste Lincoln mais ils polémiquent durement, dès le départ, avec les « observateurs critiques » du processus, qui n’accepteraient de soutenir qu’une politique directement abolitionniste. Pour Marx et Engels, soutenir tactiquement l’Union paraît indispensable dans une perspective stratégique. Pour eux, toute l’activité, y compris la perspective abolitionniste, doit être subordonnée à l’orientation tactique immédiate : mettre en échec l’expansion internationale de l’esclavage pour créer, à terme, les conditions de l’unification du salariat.
En effet, Marx et Engels suivent de près l’activité des industriels anglais du coton, comme celle des grandes puissances, et rejoignent le président élu dans son analyse de cette nouvelle guerre, inscrite dans les relations politiques internationales. Les puissances européennes sont en effet actives dès le début de la guerre civile. La Grande-Bretagne n’a jamais vraiment renoncé à une revanche sur la guerre d’indépendance américaine des années 1776-1790. Ça a été l’enjeu d’une vraie guerre en 1812-1815, avec la prise et l’incendie de Washington, et les tensions sont restées constantes ensuite sur tout le continent. Surtout, l’industrie anglaise, en particulier cotonnière, reste le débouché « naturel » des produits des États sudistes qui dépendent en fait d’elle. La position officiellement « anti-esclavagiste » de l’Angleterre ne l’empêche donc nullement d’appuyer à fond une sécession coloniale qui l’arrange beaucoup. Marx et Engels dénoncent inlassablement cette hypocrisie des industriels, qui alimente trop facilement les critiques « de gauche » de Lincoln. De son côté, Napoléon III qui gouverne alors la France, a choisi un projet colonial encore plus caricatural : il échange son soutien aux esclavagistes contre leur discrétion sur une expédition impérialiste qu’il entreprend alors au Mexique, où il finira par tenter d’installer un fantoche à lui, avec la claire intension de se construire un domaine d’influence coloniale.
En face de ces projets, Marx propose donc de soutenir fermement, non pas tant le programme public très modéré que porte alors Lincoln, mais le sens objectif que prend sa résistance à toute extension du travail servile. Il écrit : « Il ne s’agit certes pas directement de savoir si les esclaves dans les États esclavagistes doivent être émancipés ou non, il s’agit bien plutôt de savoir si les vingt millions d’Américains libres du Nord doivent se soumettre plus longtemps à une oligarchie de trois cent mille propriétaires d’esclaves ; il s’agit de savoir si les immenses territoires de la République serviront de pépinière au développement d’États libres ou d’États esclavagistes ; et enfin de savoir si la politique étrangère de l’Union aura pour devise la propagande armée en faveur de l’esclavage au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud » (Die Presse, Vienne, 25 octobre 1861).
4. D’une « guerre limitée » à une seconde révolution bourgeoise aux États-Unis, 1861-1865
La guerre civile a entraîné une fracture immédiate de l’appareil d’État, une décomposition des cadres de l’armée au profit des Confédérés. Lincoln, comme chef de l’exécutif, ne mobilise d’abord que des volontaires, et pour quelques mois, ce qui suppose une guerre courte. Sur ce plan militaire, dès le début et pendant pratiquement trois ans, la victoire des Confédérés paraît probable. Leurs avantages sont nombreux ; beaucoup plus d’officiers, et souvent les meilleurs ; meilleur usage des forces ; choix résolu d’offensives répétées directement vers les grands centres urbains du Nord pour assurer ensuite le projet stratégique continental ; capacité d’innovation technique (navires cuirassés, sous-marins) ; disponibilité et dynamisme d’une jeunesse blanche oisive et aventurière et soutien majoritaire chez les pauvres blancs, sommés de défendre leur statut social/racial…
Une fois passé son triomphalisme initial et malgré sa supériorité démographique, le camp fédéral apparaît techniquement beaucoup plus faible : cadres militaires timorés et/ou incompétents ; conceptions défensives basées sur un blocus difficile à appliquer ; essais de gagner du temps, mais toujours avec la perspective de trouver un compromis. Lincoln met longtemps à imposer des mesures radicales de mobilisation populaire. Un cap décisif est franchi avec l’adoption en 1862 de lois facilitant la distribution de terres fédérales aux pionniers. C’est un préalable nécessaire à une réelle conscription de masse. Plus de deux millions d’hommes serviront dans l’armée de l’Union, soit plus du double de celle des sudistes, mais la formation militaire ne s’improvise pas. Il faut remplacer les généraux incapables tout en incorporant l’expérience militaire d’Européens immigrés, des vaincus des révolutions de 1848-1850, et recruter.
Pour vaincre, les dirigeants de l’Union augmentent les impôts, recourent à de nouvelles protections douanières et à des émissions de monnaie pour financer la mobilisation industrielle. Celle-ci, inédite et forcément lente, permet la mise au point de nouvelles armes individuelles à répétition, de canons lourds et même des premières mitrailleuses. L’utilisation intensive des chemins de fer, des navires à vapeur blindés et du télégraphe aboutit à une nouvelle forme de guerre, mais les questions politiques fondamentales se cristallisent autour de l’intégration des Noirs dans l’armée.
Les volontaires noirs sont nombreux dès 1861 mais Lincoln refuse d’abord de les accepter. Il commence par renvoyer à leurs propriétaires ceux qui viennent des États esclavagistes de l’Union, même si certains généraux commencent d’utiliser tous les fugitifs comme des travailleurs auxiliaires, au titre du « matériel de contrebande saisi sur l’ennemi ». Cette hypocrisie raciste et ces refus répétés sont suivis attentivement par Marx et Engels. Les hésitations du gouvernement de l’Union découlent en fait de sa peur que la guerre n’entraîne finalement des révoltes d’esclaves, sources à leur tour d’une véritable guerre raciale qui submergerait les espoirs de trouver un compromis avec les Confédérés.
L’agressivité des esclavagistes rend impossible un tel compromis. Ils sont à deux doigts de prendre Washington pendant les campagnes de l’été 1862 et encore 1863. Si unifier le commandement et mobiliser toutes les ressources est la seule voie pour vaincre, l’organisation d’unités noires combattantes s’impose, autant comme renfort militaire que comme clarification politique. Les volontaires affluent à la fin de 1862 et surtout à dater de 1863, et les quelque 200.000 hommes des quelque 154 régiments ne comportant que des Noirs (avec essentiellement des officiers blancs), sans compter les guides et les irréguliers, seront largement utilisées au combat. Les nombreux conflits sur les modalités de cette intégration des Noirs dans l’armée font alors office de pont entre l’abolitionnisme et l’exercice des droits de citoyen.
Globalement, pendant la guerre civile, les pertes en hommes sont très lourdes : au total 600 000 à 700 000 morts, surtout dans les hôpitaux, et peut-être 400 000 invalides et blessés graves, mais la situation évolue en sens inverse dans les deux camps. Dans le Nord, où la conscription commence à mieux fonctionner et où les immigrants continuent d’arriver, le nationalisme et l’abolitionnisme commencent à se combiner. L’armée de masse créée de toutes pièces par le Nord, et que Marx et Engels comparent aux premières armées de la Révolution française, se renforce. Dans le Sud, une partie des blancs, ceux initialement opposés à la sécession, doivent être surveillés de près, pendant que les rumeurs sur l’abolition prochaine se répandent chez les esclaves, provoquant un sentiment de panique chez les maîtres. L’armée du Sud, plus professionnelle au départ, se fracture en un ensemble de milices des États confédérés, avec de lourdes tâches de police intérieure face aux esclaves.
En Grande-Bretagne, le mouvement ouvrier comprend progressivement le sens des événements et organise les explications en direction des travailleurs du coton que le blocus met au chômage. Il rend ainsi plus difficile l’intervention de son propre gouvernement dans la guerre civile américaine. La correspondance et les articles de Marx et Engels témoignent de ces débats ; ils suivent attentivement la poussée des abolitionnistes dans les institutions de l’Union mais sont proprement « épatés » par la façon dont Lincoln sait attendre : « Le président Lincoln ne se hasarde jamais à faire un pas en avant tant que le cours des évènements et l’état général de l’opinion publique ne lui permettent plus d’attendre. Mais une fois qu’“Old Abe” s’est convaincu lui-même qu’un tel tournant s’est produit, il surprend aussi bien ses amis que ses ennemis par la soudaineté d’une opération menée avec le moins de bruit possible… » (Die Presse, Vienne, 3 mars 1862). L’admiration que manifeste ainsi Marx envers Lincoln ne l’empêche pas de reprendre in extenso certains discours des abolitionnistes radicaux (Wendell Phillips) quitte justement à sous-estimer la détermination de Lincoln, sa connaissance intime des mécanismes politiques étatsuniens et des obstacles qui surgissent.
En effet, une résistance de masse à la conscription, doublée d’un racisme très fort, se manifeste par des pogroms contre les Noirs menés dans la population irlandaise de New York. De même apparaissent dans certains États « libres » du Nord des résistances aux conséquences à venir de l’émancipation, avec des lois qui excluent par avance les gens de couleur de tout accès aux droits politiques. Ces lois racistes auront une longue postérité. Lincoln sait faire face fermement à ce grave péril : il a lancé, en septembre 1862, la proclamation de Gettysburg, par laquelle il ordonne par avance l’abolition de l’esclavage à dater du 1er janvier 1863 dans les États qui n’auront pas réintégré l’Union.
Lincoln, élu de justesse en 1860, avait multiplié les gestes prudents pour neutraliser les États indécis en ne touchant pas à leur esclavage. Il était donc entré en conflit ouvert avec les abolitionnistes radicaux comme avec les partisans d’un compromis… La radicalisation de la guerre simplifie désormais l’équation : la Proclamation de Gettysburg contribue à mobiliser politiquement l’opinion et les soldats. Marx et Engels débattent longuement de la situation qui en résulte mais, en novembre 1864, « le vieux » montre sa force en remportant sa seconde élection présidentielle. Finalement, son seul rival est George McClellan, le plus gradé des généraux incapables qu’il a dû virer. Quatre millions de citoyens votent. Lincoln remporte cette fois 55 % du vote populaire mais 78 % de celui des quelque deux millions de soldats et, au total, 91 % des grands électeurs, soit presque tous les États de l’Union. Il a conquis une légitimité nouvelle : il est en position de vaincre, mais aussi de refuser tout compromis.
D’où l’adoption par l’Internationale d’une Adresse publique de félicitation au président élu. Le rédacteur en est Marx qui informe Engels, le 2 décembre 1864, qu’il a dû « à nouveau s’y coller (ce qui est beaucoup plus difficile qu’un travail de fond), afin que la phraséologie à laquelle se réduisent ces sortes de scribouillages se distingue au moins de la vulgaire phraséologie démocratique ». Son Adresse essaie donc de combiner les besoins du jour avec le vocabulaire démocratique et biblique américain. Il conclut :
« Tant que les travailleurs, la véritable puissance politique du Nord, permettaient à l’esclavage de souiller leur propre République, tant que – face au Nègre acheté et vendu contre son gré – ils s’enorgueillissaient du privilège majeur réservé au travailleur à la peau blanche d’être libre de se vendre lui-même et de choisir son propre maître, ils furent incapables d’œuvrer à l’authentique émancipation du travail et de soutenir leurs camarades européens dans leur lutte pour cette émancipation. Mais cet obstacle au progrès a été balayé par la Mer rouge de la guerre civile.
« Les travailleurs d’Europe sont convaincus que, si la guerre d’indépendance américaine a inauguré une nouvelle époque d’essor de la classe bourgeoise, la guerre américaine contre l’esclavage fera de même pour les classes travailleuses. Ils considèrent comme un signe des temps à venir que ce soit Abraham Lincoln, fils résolu de la classe travailleuse, qui ait été choisi pour conduire son pays dans une lutte sans égale pour la libération d’une race enchaînée et pour la reconstruction d’un monde social » (29 novembre 1864).
C’est effectivement d’une reconstruction radicale qu’il est question dans le menaçant second discours d’investiture de Lincoln : « Si c’est la volonté de Dieu que la guerre continue jusqu’à ce que soit détruite toute la richesse accumulée par les esclaves au cours de deux siècles et demi d’un dur travail non rémunéré, et s’il faut que le sang versé sous le fouet soit payé par le sang versé par le glaive – comme le veut cette sentence trois fois millénaire – alors il ne reste qu’à dire “le jugement du Seigneur est juste et vrai” » (4 mars 1865). C’est également à ce moment que Lincoln arrache le vote par la Chambre des représentants du 13e amendement, proposant à la ratification des États une réelle abolition de l’esclavage au plan fédéral. C’est un pas décisif, même si l’égalité des droits politiques est explicitement refusée (voir le Lincoln de Spielberg).
Les offensives en profondeur menées pendant les étés 1863 et surtout 1864 (Sherman, Grant) ont découpé les territoires de la Confédération, qui est confrontée à un début de fuite en masse des esclaves, très proche d’une grève générale. Des milliers puis des centaines de milliers d’hommes et de femmes s’échappent des plantations, se cachent et rejoignent les colonnes en marche, ou bien directement les unités noires. Avec ces combats toujours plus âpres, les forces confédérées commencent d’être durement touchées par les désertions. La menace d’une guerre raciale fonctionne alors à plein : l’Union obtient la reddition sans condition des généraux sudistes sans avoir à reconnaître leur Confédération, mais juste l’existence d’une armée rebelle. Les États sortis de l’Union pourront y reprendre leur place, mais à condition de donner des preuves de leur respect de ses lois. La victoire militaire est donc complète, mais la liquidation pratique des conséquences de l’esclavage reste encore à régler.
Moins de deux mois après son discours d’investiture du 4 mars 1865, Lincoln est assassiné le 14 avril. L’émotion est immense et, de surcroît, le vice-président qui le remplace, Andrew Johnson, est un modéré. Mais, sur la base de l’expérience des années de guerre, c’est désormais la majorité du Congrès qui veut appliquer au Sud un programme radical d’éradication de la puissance des planteurs. Or, en plus des millions de nouveaux affranchis, la démobilisation libère quelque trois millions de soldats expérimentés. La paix proclamée ouvre donc une mêlée générale, une nouvelle crise révolutionnaire. Dans le Sud rural comme dans le Nord industriel, les dernières décennies du XIXe siècle vont connaître des conflits sociaux et politiques d’une ampleur qui sera décisive mais qui diffèrent profondément par leurs résultats.
5. Crise révolutionnaire dans le Sud esclavagiste ; abolition et réforme agraire, essai de révolution démocratique, son échec et les origines du sharecropping
La libération officielle des esclaves crée une brèche majeure dans la dictature sociale des planteurs et entraîne le besoin d’une réforme agraire de grande ampleur qui exige à son tour, pour être applicable, une réforme démocratique fondamentale. Cette Reconstruction est l’objet d’un nouvel ensemble de conflits. Le Congrès a créé un Bureau chargé des réfugiés, des affranchis et des biens vacants. Les immenses domaines des dirigeants de la Confédération vont-ils être confisqués après l’émancipation de leurs esclaves ? Mais la question concerne en fait toute l’agriculture coloniale de rente. Des millions de Noirs sont concernés par l’avenir des plantations, au Sud comme au Nord.
Va-t-on vers une transition directe de l’esclavage au salariat avec maintien de grands domaines ? Les maîtres pourront-ils ainsi garder le contrôle de leurs affranchis ? Sur les salaires comme sur l’imposition de la discipline du travail, les conflits sont immédiats. L’émancipation fait apparaître l’aspiration des Afro-Américains à vivre en famille, alors qu’ils étaient souvent séparés de force, et à partager les grands domaines en petites exploitations familiales, avec polyculture et autoconsommation. Ce programme, « 40 ares (16 hectares) et une mule », est très populaire chez les nouveaux affranchis qui le complètent souvent de formules coopératives, pour assurer au moins les besoins en capital, outils, semences et crédit. En face des salariés comme des aspirants à la petite exploitation, les anciens maîtres organisent leur résistance : les « clubs de tir » facilitent la formation de structures terroristes à peine clandestines ; le premier Ku Klux Klan organise une partie des anciens militaires.
L’émancipation officielle est donc suivie immédiatement par des luttes économiques et sociales complexes. Avec le droit de vote, on voit apparaître de nouvelles majorités dans les États libérés, plus démocratiques, réunissant tous ceux qui ont souffert de l’oppression des planteurs, depuis les affranchis jusqu’à certains des blancs pauvres. Allant en ce sens, la majorité radicale du Congrès adopte les 14e et 15e amendements, qui étendent le droit de vote aux Afro-Américains, puis répriment les mesures prises localement pour limiter ce droit. Dans les années 1870, quelque 600 noirs sont ainsi élus, dans le Sud, depuis les niveaux locaux jusqu’à Washington, et des institutions nouvelles naissent : enseignement gratuit (primaire, secondaire et supérieur), systèmes de santé, établissements pour enfants abandonnés, caisses de crédit ouvertes aux Noirs… Le grand historien W.E.B. Du Bois parlera ensuite d’essais de dictature démocratique des nouvelles majorités dans les États du Sud.
Mais la protection de l’État et de l’armée fédérale reste la condition nécessaire de ces nouveautés. Or l’armée se retire progressivement, pendant que les décisions budgétaires privent la Reconstruction des crédits nécessaires. Le passage de l’esclavage à un salariat agricole féroce n’est pas une solution viable dans les grands domaines, où les expériences d’appropriation collective tournent mal. Fondamentalement, c’est tout le système agricole colonial du Sud qui rentre dans une crise profonde. Comme l’avait annoncé Marx, les industriels européens ont déplacé leurs achats vers d’autres colonies, en Asie ou en Afrique… Les esclaves émancipés, pour subsister, doivent accepter des contrats de sharecropping (métayage) où ils versent une forte partie de la récolte aux propriétaires : la faible productivité de leurs moyens de travail les asservit d’une nouvelle façon. Ce système de métayage s’étend aussi aux plus pauvres des blancs, et tous se retrouvent en compétition pour la terre et le crédit, devenant des dépendants uniquement séparés par leur couleur de peau. Le pouvoir des maîtres se reconstitue, mettant en œuvre des lois locales racistes d’exclusion du vote et la violence, toujours présente jusqu’à nos jours. La Reconstruction a échoué ; les Noirs du Sud entrent dans un nouveau siècle d’oppression ; ils vont commencer à migrer vers les bassins d’emploi du Nord, où ils ne seront pas plus les bienvenus…
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La libération des esclaves et celle de l’ensemble des salariés étaient intimement liées mais les effets de la fin de la guerre civile n’ont pas été les mêmes des deux côtés. Au Nord, la concentration industrielle qu’a facilitée la guerre a donné une formidable impulsion au capitalisme : la classe ouvrière connaît une croissance fulgurante et tente de construire ses propres organisations face à la surexploitation. Elle affronte le patronat dans des conflits souvent sanglants et, au départ, souvent victorieux, en particulier sur le temps de travail (action coordonnée pour la journée de 8 heures). Dans le même temps, le droit de vote théoriquement obtenu par les hommes noirs n’est pas étendu aux femmes, ni blanches ni noires, ce qui divise profondément les milieux militants, et le mode d’organisation, séparée ou non, des travailleurs noirs est l’objet de débats sans fin. Il n’est évidemment pas possible de résumer cette histoire ici, mais tout le mouvement ouvrier international est alors influencé par les avancées du prolétariat américain, avec par exemple l’adoption de la journée internationale de grève du 1er Mai.
La guerre civile de 1861-1865 avait créé certaines conditions d’une combinaison continentale des luttes sociales et politiques d’émancipation. Malgré les efforts des militants, membres ou non de l’Internationale, les essais réussis de coordonner le mouvement ouvrier entre nord et sud se désynchronisent dans les années 1870-1890. Le savoir-faire qu’acquièrent les patrons dans ce domaine va servir durablement de colonne vertébrale à leur politique intérieure : après des affrontements d’une puissance inédite, il n’y aura pas aux États-Unis de parti ouvrier indépendant, même réformiste. Libérés de la polarisation sociale liée à la guerre civile, ce sont les deux partis bourgeois, républicain et démocrate, qui alterneront au pouvoir, même dans les phases de crise aigüe.
Engels écrivait en 1864 : « Dès que sera brisé l’esclavage, cette principale entrave au développement politique et social des États-Unis, le pays prendra un essor qui lui assurera à brève échéance une tout autre place dans l’histoire universelle, et l’armée et la flotte nées de la guerre trouveront bientôt leur emploi. »
Pour en finir avec la barbarie absolue de l’esclavage, la convergence entre Marx et Lincoln a porté ses fruits mais n’a pas suffi pour que la seconde révolution américaine, celle qui dure de 1860 aux années 1890, aille au bout d’un projet démocratique émancipateur. Comme en Haïti soixante ans plus tôt, mais dans des conditions très différentes, l’esclavage colonial a été éradiqué, mais sans que soit menée la nécessaire réforme agraire. Les Afro-Américains entrent dans un long cauchemar pendant qu’en Europe, les expériences croisées de la social-démocratie allemande et de la Commune de Paris de 1871 poussent les socialistes vers de tout autres sujets : le besoin de combiner les tâches démocratiques, l’émancipation du salariat, la réforme agraire et la libération coloniale, ne réapparaîtra que bien plus tard.
Serge Aberdam
Pour en savoir plus : en français, et de loin le plus accessible :
• Une révolution inachevée, chez Syllepse, 2012 ; recueil de textes de Lincoln, Marx et Engels, avec une présentation détaillée de Robin Blackburn et une solide bibliographie, essentiellement en anglais.
• Sur la guerre civile aux États-Unis, chez 10/18, 1970 (donc difficile à trouver) est un recueil de textes de Marx et Engels, avec de précieuses notes de Roger Dangeville, en ligne sur marxists.org https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/gcus/gcus.htm.
• Atlas historique des États-Unis, de Frédéric Salmon, A. Colin, 2008, est bien plus qu’un atlas, au sens où il met en cartes presque tout ce qui est disponible comme chiffres depuis 1783, et même si son point de vue sur la guerre civile est en gros celui des confédérés !
En anglais : une foule de livres et d’articles que rassemble la bibliographie donnée par Robin Blackburn, en particulier les travaux d’Eric Foner, publiés de 1970 à 2010, et qui font autorité. On y ajoutera : Civil War and Reconstruction in the US – Primitive Accumulation and the Bourgeois Revolution, de Charles Post, cahiers de l’école de la IVe Internationale à Amsterdam, 1989 (copies disponibles à la librairie la Brèche), et Black reconstruction in the USA, travail majeur de W.E.B. Du Bois (1935), un des premiers universitaires afro-américains reconnus, et qui n’a jamais été traduit en français.
Pour se faire une idée… ou animer une séance de formation :
Lincoln, de Steven Spielberg (2012), sur les contraintes politiques.
12 Years a Slave, de Steve Mac Queen (2013), sur l’esclavage conquérant.
The Good Lord Bird, série de Richard et Hawkee (2020) sur la tentative de John Brown.
Harriet, de Kasi Lemmons (2019), sur l’itinéraire d’une militante noire.
Glory, d’Ed Zwick (1989), sur les troupes noires.
Roots… (série, en deux versions : 1977 et 2016), sur les origines…
The Second Civil War, de Joe Dante (1997) : farce méchante par l’auteur des Gremlins, est surtout une présentation de l’actualité des mécanismes politiques de sécession. Intéressant.
Quelques noms de militant∙es pour chercher sur le net : Dred Scott (1795-1857) ; Frederick Douglass (1818-1898) ; John Brown (1800-1859) ; William Birney (1819-1907) ; Lucy Parsons (1853-1942) et Albert (1848-1887) ; Mathida Annecke (1817-1884) et Friedrich (1818-1872) ; Harriet Tubman (182 ?-1913) ; Mary Harris Jones (1837-1930)…