L’Inde a ouvert ce samedi 1er mai sa campagne de vaccination contre le Covid-19 à tous les adultes de plus de 18 ans. Au moment où le pays vit une tragédie, la barre des 400 000 nouvelles contaminations officielles quotidiennes ayant été franchie vendredi et le nombre de morts continuant d’augmenter jour après jour, de nombreuses régions du sous-continent disent affronter une grave pénurie de vaccins.
“Les États de l’union indienne se succèdent pour annoncer qu’ils ne peuvent pas élargir la vaccination aux plus de 18 ans. Ils sont dans l’impossibilité de se procurer des stocks de vaccins, et il est par ailleurs impératif d’administrer la deuxième dose aux plus de 45 ans ayant déjà reçu la première”, explique l’Indian Express.
La pré-inscription de la population sur la plate-forme du gouvernement, Cowin, montre que la demande est extrêmement forte. Plusieurs dizaines de millions de gens sont candidats à l’injection. Mais hélas, les régions les plus frappées par l’épidémie, “Delhi, le Pendjab, le Maharashtra, le Gujarat, ne sont pas en mesure d’élargir la vaccination aux plus jeunes”.
D’après l’Hindustan Times, il n’y a aucun doute :
“L’Inde n’a manifestement pas assez de vaccins à l’heure actuelle”.
La situation “pourrait changer au cours des prochains mois”, avec le renforcement des capacités de production du Serum Institute of India, qui fabrique le vaccin d’AstraZeneca, et de Bharat Biotech, qui fabrique un vaccin 100 % indien, ainsi qu’avec les importations du vaccin russe Sputnik V. “Mais on manque encore d’informations sur le calendrier et les quantités concernées”, pointe le journal.
Il faudrait avoir vacciné 376 millions de personnes
Le géant d’Asie du sud compte 940 millions d’habitants âgés de plus de 18 ans et selon les experts, les vaccins “commenceront à avoir un impact sur les taux d’infection lorsque 40 % de la population éligible aura été vaccinée, ne serait-ce que partiellement”, sous réserve que les gestes barrière soient respectés et que les grands rassemblements politiques et religieux soient interdits.
En clair, il faudrait avoir vacciné 376 millions de personnes assez vite. Or “l’Inde a jusqu’à présent administré des vaccins à environ 125 millions de gens” : 98,6 millions ont reçu une dose et 26,7 millions les deux doses. Il reste donc “environ 250 millions de personnes supplémentaires”. Un programme pharaonique.
“La stratégie de Narendra Modi s’écroule comme un château de cartes”, estime Scroll. Le site d’information considère que le Premier ministre indien est comptable “d’une planification déficiente, de l’absence d’anticipation de la deuxième vague massive du virus et d’un changement soudain de tactique vaccinale, mi-avril”.
“Confusion et incertitude”
Alors que l’Etat centralisait jusqu’alors tous les vaccins produits dans le sous-continent, pour les redistribuer ensuite aux régions, il a décidé de ne garder la main que sur 50 % de l’approvisionnement et de laisser le reste se négocier sur le marché libre.
Résultat, le pays est plongé dans “la confusion et l’incertitude”, avec des prix de vaccins qui diffèrent d’une région à l’autre, ou d’un hôpital à l’autre.
En prenant commande de doses avec parcimonie auprès du Serum Institute of India et de Bharat Biotech, et en encourageant ces derniers à exporter des vaccins en grande quantité, le gouvernement Modi s’est retrouvé piégé.
Les deux entreprises produisaient “65 à 70 millions de doses par mois en début d’année”, et elles étaient supposées atteindre rapidement “le rythme de 160 millions de doses par mois”. Ce ne sera pas chose faite avant juillet.
Scroll rappelle les propos tenus par Narendra Modi le 22 janvier 2021 :
“Non seulement nous sommes complètement autonomes en vaccins en Inde, mais en plus, nous aidons de nombreux pays en leur en fournissant.”
Une phrase qui prend aujourd’hui un sens tragique.
Guillaume Delacroix
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