Dans de nombreux pays, la pandémie de Covid-19 a eu pour effet, depuis un an, d’accroître le fléau des mariages d’enfants. C’est particulièrement vrai au Bangladesh, où même avant mars 2020 “51 % des femmes épousaient un homme avant leur dix-huitième anniversaire”, d’après les dernières estimations de l’Unicef, publiées en octobre 2020. ““Le Bangladesh a la plus forte proportion de mariages d’enfants d’Asie du Sud et il fait partie des dix pays de la planète ayant le taux le plus élevé”, rapporte le journal New Age. En valeur absolue, les chiffres sont impressionnants : 38 millions de femmes se sont mariées avant 18 ans, et parmi elles, 13 millions avant l’âge de 15 ans.
L’effet de cette réalité est désastreux en matière d’éducation : “Les filles mariées ont quatre fois plus de risque d’être déscolarisées que celles qui ne le sont pas.” L’État bangladais est dans l’incapacité de mener une quelconque étude sur le sujet depuis l’arrivée du coronavirus, mais les ONG le font à sa place. “Dans un rapport rendu public le 9 janvier, la Fondation Manusher Jonno évalue ainsi à 7 % la hausse du nombre de mariages d’enfants en 2020”, sachant que 6 000 unions ont pu être empêchées grâce à l’intervention des milieux associatifs.
Les conséquences dramatiques du Covid-19
Le central téléphonique national consacré aux violences faites aux femmes et aux enfants notait il y a un an que “0,15 % des appels à l’aide” étaient liés à des problèmes de mariage d’enfants. Aujourd’hui, la proportion est de 0,28 %, soit pratiquement le double. “Avec l’épidémie de Covid-19, l’autonomisation des femmes, en particulier dans les zones rurales, a connu un revers majeur sur les plans économique, social et politique”, observe la Fondation Manusher Jonno.
“L’incertitude financière est l’une des raisons principales de l’augmentation du nombre de mariages d’enfants. Pour les parents, le mariage précoce d’un enfant permet d’avoir une bouche de moins à nourrir”, explique sa directrice exécutive, Shaheen Anam. La pandémie a précipité “16,4 millions de personnes environ dans la pauvreté”, calcule le Bangladesh Institute of Development Studies.
Le 19 janvier, l’ONG Campaign for Popular Education a affirmé pour sa part, après avoir mené une étude de terrain, que “38 % des enseignants du primaire s’attendent à 20 % d’absentéisme dans les classes”, lorsque les écoles, toujours fermées à ce jour au Bangladesh, rouvriront. “Les dégâts causés à la société par les mariages précoces seront très durs à surmonter”, pense-t-elle.
Shahin Akhter
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