Cette campagne a été une façon créative de surmonter les difficultés imposées par la pandémie (le pays est en confinement depuis la fin 2020) afin de répondre à une pétition exigeant l’expulsion de Mamadou, qui a obtenu 15 000 signatures (dont beaucoup étaient fausses). Jour après jour arrivent encore des contributions multiples, soit de personnes inconnues, soit d’artistes, de journalistes, d’hommes et femmes politiques et de militant.es bien connu.es voir ici :
https://emcarneeosso.com/
Mamadou Ba est un camarade de la Quatrième Internationale au Portugal. Il milite pour la cause des Noirs depuis des dizaines d’années. Il est né au Sénégal et agit tout particulièrement au sein de cette communauté, mais il a la nationalité portugaise. Du fait de son rôle de porte-voix de l’organisation antiraciste SOS Racisme, Mamadou a fréquemment été la cible de campagnes et de menaces venant de l’extrême-droite, avec le soutien d’entreprises qui fabriquent des bots et des faux profils, des manipulations de videos et des fausses nouvelles visant les militants antiracistes, et aussi les premières femmes noires élues députées au Parlement. Plus récemment, une pétition exigeant son expulsion du pays a atteint 15 000 signatures (dont beaucoup étaient fausses).
Ce qui distingue des autres cette pétition-ci est l’écho qu’elle a obtenu dans les infos des media, qui une fois de plus ont répandu de manière acritique les récits de l’extrême-droite, à un moment où le candidat du parti d’extrême-droite Chega a montré son potentiel de croissance en obtenant plus de 11% des voix aux élections présidentielles du 24 janvier (contre 1,9% lors des précédentes élections législatives, où il avait fait entrer un seul député au parlement).
Cette attaque particulière contre Mamadou Ba a pris place dans le contexte de la mort de Marcelino da Mata, le militaire le plus décoré de l’armée portugaise, qui a servi dans plus de 2 000 opérations de guerre coloniale en Guinée, dont certaines ont été qualifiées comme crimes de guerre pour lesquels le Portugal a été condamné par les Nations Unies. C’était un guinéen qui combattait du côté du pouvoir colonial. Da Mata, qui se vantait de ses actes de torture et était un militant d’extrême-droite, est mort le 18 février des suites de la Covid, à l’âge de 80 ans. Un autre parti de l’opposition de droite, le CDS-PP, qui lutte pour sa survie face à la montée de Chega, a proposé au Parlement portugais de voter un jour de deuil et d’expulser Mamadou Ba du groupe de travail gouvernemental sur le racisme. [1]
Ba est l’une des personnalités qui ont combattu cet hommage à un criminel de guerre qui a collaboré avec le régime fasciste de Salazar. Mais en tant que militant noir, c’est contre lui qu’est dirigée la plus importante campagne de haine.
Bien que la pétition demandant son expulsion du pays n’obtienne guère de succès, cela ne retire rien à notre devoir de manifester notre solidarité avec lui en particulier et de condamner les instigateurs de la haine raciste. Pour le moment la campagne n’a accepté que des contributions en portugais.
Avec Mamadou Ba et beaucoup d’autres, nous sommes d’accord : Marcelino da Mata est un criminel de guerre qui ne mérite aucun respect.
Solidarité avec Mamadou #MamadouFica, Mamadou reste.
25 février 2021
Sérgio Vitorino
Ci-dessous, une déclaration de SOS Racismo
Les positions du militant antiraciste Mamadou Ba, fondées sur le plein exercice d’une démocratie pluraliste, ont fréquemment été la cible d’attaques qui outrepassent la contradiction légitime et se placent sur le terrain de l’insulte, de l’attaque diffamatoire, quand ce n’est pas la menace personnelle.
Récemment, cette escalade de haine et d’intolérance a franchi un nouveau pas, suite aux déclarations de Mamadou Ba sur la visibilité et l’hommage d’État à Marcelino da Mata.
Suite à une opinion qui n’est absolument pas isolée (nombre de personnes et d’organisations ont condamné les louanges à Marcelino da Mata), Mamadou Ba s’est trouvé au centre de plusieurs pétitions demandant son expulsion de notre pays, l’une d’elle atteignant près de 15 000 signatures.
Même si la validité légale desdites pétitions est nulle, leur répercussion dans l’espace public et leur projection dans les réseaux sociaux et medias nous paraît très préoccupante. Elles révèlent :
— la perméabilité de l’espace public, non seulement à la calomnie et à l’injure grossière mais, surtout, la message qui considère que l’expulsion est une sanction adéquate pour une sorte de délit d’opinion ;
— l’attrait exercé sur certaines organisations et partis, des plus récents jusqu’à certains qui se disent cofondateurs de la Démocratei portugaise, par le discours de haine, par la rage nationaliste ;
— la façon dont ce type de pétition est très facilement acceptée parmi ces mêmes gens qui se révoltent contre l’accusation de racisme.
C’est pourquoi SOS Racismo dénonce le contenu desdites pétitions, et appelle d’autres personnes et organisations à manifester leur solidarité, avec la vigilance nécessaire à une société démocratique, plurielle et critique.
18 février 2021