Le mouvement de désobéissance civile contre le coup d’État militaire du 1er février en Birmanie touche de plus en plus de secteurs d’activité. Jeudi, des groupes de minorités ethniques ont également rejoint la contestation, un pas important compte tenu de la grande diversité de la population du pays.
“Du personnel de la Myanma Economic Bank, la plus importante des quatre banques publiques, a pris part aux manifestations dans les rues de Rangoon pour la première fois”, constate Frontier. Thet Linn Aung, employé de 40 ans, explique au journal :
“Nous marchons contre le coup d’État, car nous n’aimons pas la dictature militaire et nous ne voulons pas travailler sous une administration militaire.”
Si les 50 fonctionnaires des sept agences de la capitale économique, Rangoon, ne représentent pour le moment que 10 % des plus de 600 employés, Thet Linn Aung estime que ce nombre pourrait augmenter :
C’est le premier jour aujourd’hui que des employés participent, nous pensons que d’autres membres du personnel vont nous rejoindre.
ရဲတပ်ဖွဲ့ဝင်များအုံနဲ့ကျင်းနဲ့ ပူးပေါင်းလာတဲ့ ကယားပြည်နယ်က ဆန္ဒပြပွဲကြီး pic.twitter.com/81mdturoP8
— Mizzima News (@MizzimaNews) February 10, 2021
Banquiers, fonctionnaires du ministère de l’Information
De nombreuses banques privées ont déjà dû fermer leurs agences cette semaine alors que plusieurs membres de leurs équipes avaient quitté leur poste pour rejoindre le mouvement. Les transactions électroniques sont toujours assurées.
Le personnel des médias officiels prend également part au mouvement. Ainsi, Ye Khaung Nyunt, responsable de l’agence officielle Myanmar News Agency, annonce que, depuis le 8 février, le bureau de Rangoon a fermé.
“Nous nous battrons contre le coup d’État jusqu’au retour de la démocratie.”
Le ministère de l’Information publie trois journaux. La chaîne de télévision publique Myawady News, sur laquelle a été diffusé le discours du général Min Aung Hlaing le 8 février, est basée dans la capitale, Naypyidaw, où plus d’une trentaine de fonctionnaires ont également quitté leur emploi.
Ralliement des groupes ethniques
Des membres de groupes ethniques rejoignent également les défilés. Ce ralliement est significatif. Un tiers des 54 millions de Birmans appartiennent à l’un des 135 groupes ethniques officiellement reconnus.
Signe supplémentaire, selon Frontier, de “combien ce mouvement rassemble des sections de la société birmane dont les intérêts ne convergent pas habituellement, dans une revendication commune contre l’armée et pour demander le retour de la démocratie dans un pays qui depuis cinquante ans peine à se défaire d’une dictature militaire”.
#HappeningNow Ethnic Nationalities Protesting Against Military Coup in Yangon #WhatIsHappeningInMyanmar pic.twitter.com/8UgD35wamK
— Kyaw Hsan Hlaing (@kyawhsanhlaing1) February 11, 2021
Tir fatal et policiers désobéissants
Par ailleurs, une quarantaine de policiers ont rejoint les camps des manifestants, mercredi 10 février, dans l’État de Kayah (dans l’est du pays), selon The Myanmar Times, qui cite des sources officielles qui affirment qu’il s’agissait de réservistes.
ရဲတပ်ဖွဲ့ဝင်များအုံနဲ့ကျင်းနဲ့ ပူးပေါင်းလာတဲ့ ကယားပြည်နယ်က ဆန္ဒပြပွဲကြီး pic.twitter.com/81mdturoP8
— Mizzima News (@MizzimaNews) February 10, 2021
Une jeune femme de 20 ans est dans un état critique suite à des blessures infligées par un tir des forces de l’ordre alors qu’elle prenait part à une manifestation dans la capitale administrative, Naypyidaw. Selon Amnesty International,, qui a enquêté sur une vidéo montrant l’instant où la jeune femme a été blessée, les affirmations des autorités, selon lesquelles les policiers présents face aux manifestants ne portent pas d’armes létales, sont mensongères.
Vers un contrôle strict d’Internet ?
Selon le Financial Times, la junte militaire birmane étudie une loi draconienne en matière de sécurité, qui inquiète les activistes des droits humains ainsi que les entreprises. Ce texte vise à donner des pouvoirs étendus aux autorités pour contrôler Internet.
Ainsi, il obligerait les fournisseurs d’accès à Internet à conserver les données des utilisateurs durant trois ans dans un lieu déterminé par le gouvernement.
Organisations des droits digitaux et entreprises auraient, selon le quotidien britannique, réagi de façon “négative” à ce texte.
“Ce projet comporte des clauses qui violent les droits de l’homme, en particulier la liberté d’expression, la protection des données et de la vie privée et d’autres principes sur la préservation des libertés en ligne”, selon un groupe d’organisations de la société civile.
La prise de pouvoir par les militaires a été condamnée, et le président Joe Biden a annoncé des sanctions contre les dirigeants de la junte ainsi que le gel des avoirs du gouvernement birman domiciliés aux États-Unis, qui s’élèvent à près de 1 milliard de dollars.
Courrier International
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