Jeudi, les Birmans se sont réveillés privés d’accès à Facebook. Dans la nuit, le nouveau gouvernement mis en place par les militaires avec le coup d’État du 1er février avait demandé aux principaux fournisseurs d’accès de bloquer le réseau social. Une ligne de vie essentielle, devenue en trois jours l’espace de résistance à l’interruption brutale par l’armée de la transition démocratique et à son refus de reconnaître le résultat des élections qui avaient donné une large victoire à Aung San Suu Kyi en novembre dernier.
Depuis lundi, activistes et citoyens arboraient sur leur profil Facebook les couleurs noir et rouge en soutien à la Ligue nationale de la démocratie (LND) et à sa chef arrêtée.
L’enjeu de l’accès à Internet n’a cessé de grandir. Les campagnes d’appel à la désobéissance civile lancées au départ par le personnel soignant se sont diffusées comme une traînée de poudre, comme le signale Frontier Myanmar.
Médecins, employés des ministères, ingénieurs
“Les employés de cent hôpitaux ne se sont pas rendus sur leur lieu de travail mercredi.” Ils ont été imités dans la journée par les étudiants de l’université de médecine de Rangoon et ceux de Mandalay. Une page Facebook lancée pour soutenir leur campagne avait recueilli plus de 170 000 followers dans la journée.
“Pour assurer la continuité des soins, les soignants ont mis en place une ‘democracy clinic’ fournissant des consultations en ligne”, raconte Frontier.
Professeurs, étudiants et ingénieurs travaillant pour l’opérateur mobile Mytel, affilié à l’armée, ont également refusé de se rendre à leur travail mercredi. Jeudi, des images de fonctionnaires du ministère de l’Agriculture rejoignant le mouvement de désobéissance civile ont circulé sur Twitter.
Myanmar Government staffs from Ministry of Agriculture, Livestock and Irrigation join the #CivilDesobedienceMovement following a protest against military coup pic.twitter.com/HJ93KEUQ2d
— soe zeya tun (@soezeya) February 4, 2021
Fermer Facebook, c’est, pour les militaires, éviter l’affront de voir les vidéos et les images du rendez-vous que les Birmans se sont donné à 20 heures depuis mardi. Aux balcons, au seuil des maisons, familles et voisins se réunissent en faisant du bruit sur les casseroles et autres récipients. Un geste de ralliement pour dire non à ce retour en arrière vers la dictature. Et une reformulation malicieuse de la chasse menée traditionnellement ainsi contre les fantômes et les esprits mauvais.
Astuces pour contourner l’interdiction
Après la fermeture de Facebook, une migration a débuté vers Twitter. Plusieurs millions de comptes ont été créés par les Birmans. Au point que les habitants de Singapour ont vu apparaître dans leur fil de tendance les hashtags appelant à la désobéissance civile.
#FacebookShutDown in #Myanmar is serious. But Generation Z know how to solve it ! #WhatIsHappeningInMyanmar https://t.co/BzO02ON9q2
— Cape Diamond (@cape_diamond) February 4, 2021
En signe de défi, la génération Z tente de contourner par tous les moyens les interdictions, démontrant sa grande capacité d’adaptation et son agilité numérique. Les échanges d’informations techniques pour s’équiper de VPN se sont multipliés sur les sites.
L’ironie, comme le fait remarquer ce photographe de l’agence Reuters, c’est que le gouvernement militaire utilise toujours le réseau social pour faire circuler l’information.
Military bans Facebook in Myanmar but they still using FB platform for their announcements pic.twitter.com/mv6zI54YrI
— soe zeya tun (@soezeya) February 4, 2021
Le mécontentement commence également à sortir du champ virtuel avec des manifestations à Mandalay jeudi matin devant l’université de médecine, signale Myanmar Times, conduisant à l’arrestation de trois personnes.
Un chef d’inculpation ridicule
Par ailleurs, les 70 députés de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont ouvert la session parlementaire empêchée de se tenir par la prise du pouvoir par l’armée. Bien que l’armée leur ait demandé de quitter la zone de résidence réservée aux parlementaires, dans laquelle ils ont été retenus par la force durant deux jours, ils s’engagent pour le moment à y rester.
THREAD : 1/The remaining 70 NLD MPs have convened this noon and held the 1st parliament session by themselves at hostels in Naypyitaw.
— Mratt Kyaw Thu (@mrattkthu) February 4, 2021
Comme l’explique dans un autre article Myanmar Times, la police a accusé mercredi Aung San Suu Kyi de détenir de manière illégale des moyens de télécommunications, des talkies-walkies, utilisés par des membres de son personnel. Le président, Win Myint, est, lui, accusé d’avoir violé le règlement sanitaire durant la campagne électorale pour les élections législatives, qui ont donné une victoire sans appel à la LND.
Courrier International
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