Dix ans après le déclenchement de la révolution, le processus de transition vers la démocratie est en panne. L’action des gouvernements qui se sont succédé au cours de cette décennie tend à accréditer l’idée qu’ils sont indifférents aux attentes et aspirations légitimes de l’écrasante majorité du peuple tunisien et en particulier ses couches populaires. Les espoirs de voir se réaliser plus de justice sociale, d’accéder à la dignité pour tous et toutes, de voir le respect des droits humains et l’État de droit triompher, la corruption et le népotisme combattus et éradiqués…sont chaque jour, davantage déçus.
Six ans après l’adoption de la nouvelle constitution, l’action publique semble tourner le dos à la consécration des principes de l’égalité de toutes et tous devant la loi, à la mise en place de mécanismes garantissant les droits économiques, sociaux et écologiques de tous et en particulier des plus démunis. Le spectacle désolant qu’offrent les institutions mises en place (parlement, gouvernement, présidence) engluées dans des querelles de chapelle ne peut susciter que la colère et l’indignation de la majorité des tunisiennes et des tunisiens contraints à faire face à une crise économique profonde et accentuée par une situation sanitaire mondiale sans précédent.
C’est dans ce contexte et sur ce fond qu’il faut placer les derniers évènements qui ne sont rien d’autre que l’expression de la colère des laissés pour compte et des oubliés et qui ne peuvent être isolés des milliers de manifestations et mouvements revendicatifs qui se sont exprimés ces dernières années.
Les groupes sociaux (en particulier des jeunes issus des quartiers populaires) s’élèvent aujourd’hui (parfois avec une violence répréhensible et qui peut être évitée) contre la stigmatisation dont ils font l’objet, contre l’absence de perspectives (plus de 100.000 jeunes quittent le système scolaire sans aucun avenir, chaque année), contre l’absence de toute réponse politique ou économique crédible, contre un système qui dévoile, chaque jour davantage, ses défaillances
Les tunisiennes et tunisiens épris de justice et de progrès vivant à l’étranger partie intégrante du peuple tunisien et qui ont été présents dans toutes les luttes menées depuis l’indépendance expriment avec force leur refus de toute forme de criminalisation et de stigmatisation des mouvements sociaux et du droit à manifester garanti par la constitution.
Ils dénoncent avec la plus grande vigueur les déclarations de dirigeants du mouvement Ennahdha au pouvoir, de vouloir « mobiliser leurs jeunes et des groupes sur le terrain pour protéger les biens publics et privés » et ainsi engager le pays sur la voie de la mise sur pied de milices en contradiction flagrante avec la constitution et les lois du pays qui réservent le rôle de la protection des citoyens et la sécurité du pays aux seules organes de l’Etat.
Ils reprennent à leur compte les positions et demandes formulées par de nombreuses associations et institutions de la société civile tunisienne dont en particulier :
– leur soutien aux forces vives représentées par les jeunes et citoyens et citoyennes engagés pour la démocratie et la justice sociale, dans la poursuite de leurs luttes afin qu’elles demeurent une force de pression continue sur le système de gouvernance, le poussant à revoir ses politiques de développement, à faire face à la corruption et à respecter les droits et les libertés individuelles ;
– Leur condamnation et leur mise en garde contre les conséquences des violentes pratiques sécuritaires à l’égard des manifestations récentes, les arrestations arbitraires ainsi que les arrestations sur la base de publications dans les réseaux sociaux traitant de la situation sociale du pays ; pratiques qui ne feront qu’alimenter la colère de la rue contre le système sécuritaire et aggraver la crise de rejet envers l’État ; et qui constituent une violation flagrante de la liberté d’expression, en totale incompatibilité avec les piliers de l’État de droit
– leur appel aux autorités judiciaires à assumer leurs responsabilités et à ouvrir une enquête sur les pratiques sécuritaires portant atteinte aux droits des personnes et des nombreux mineurs arrêtés, les soumettant à de mauvais traitements et abusant de leurs données personnelles en diffusant intentionnellement des photos de détenus mineurs sur les réseaux sociaux ;
– leur interpellation de la classe dirigeante à se consacrer à la résolution des préoccupations du pays et du peuple, au lieu de sombrer davantage dans des calculs politiques, d’inciter à la violence, à la haine et à la discrimination entre les citoyennes et les citoyens sur la base de loyautés partisanes ;
– Leur conviction que le gouvernement tunisien et les autorités portent la responsabilité des conséquences de leurs politiques économiques et sociales qui n’ont su que poursuivre le même modèle économique, qui n’a produit que chômage, augmentation de la pauvreté et de profondes inégalités ; et elles les invitent à revoir ses politiques à travers des choix économiques au service du pays et des couches populaires, une fiscalité équitable et une réponse efficace et effective à la corruption ;
– L’expression de leur solidarité avec les nombreux et nombreuses journalistes à la suite du harcèlement dont ils ont fait l’objet en raison de leur couverture médiatique des événements récents, et exigent du ministère de l’Intérieur qu’il assume sa responsabilité dans la protection des journalistes pendant l’exercice de leur travail, et exigent qu’il prenne toutes les mesures de protection au profit des journalistes victimes de harcèlement et de menaces ;
– Leur indignation face au cours actuel que prend la situation, suite à l’échec d’une classe dirigeante et d’un État avec l’entièreté de son appareil à assumer leur rôle principal d’assurer les droits les plus élémentaires constitutifs d’une à vie décente pour ses citoyennes et citoyens ; et en instaurant la justice et l’égalité en réponse aux aspirations de la Révolution ;
Annoncent qu’ils mettent en place UN COLLECTIF DE SOUTIEN AUX LUTTES DES MOUVEMENTS SOCIAUX EN TUNISIE.
Ce collectif aura un double objectif :
– Agir en faveur de la convergence des luttes et le rassemblement des forces de progrès en et en faveur de la Tunisie
– Rassembler les organisations, associations et citoyens tunisiens pour une action de mobilisation solidaire large et un soutien concret et efficace aux luttes sociales en Tunisie.
Pour vous joindre au collectif, merci d’envoyer votre signature par email à soutien.mouvements.sociaux.tn gmail.com
LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES
Associations
Association des Aigles de Carthage - Metz
Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
Association des Tunisiens du Nord de la France (ATNF) Lille
Association des Tunisiens en France (ATF)
Association des Tunisiennes et Tunisiens de Suisse (ATTS)
Arts et Cultures des Deux Rives (ACDR)
Comitato degli Immigrati Tunisini in Italia (CITI) Italie
Collectif Culture Citoyenneté (3C)
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie (CVDT) Belgique
Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives (FTCR)
Mouvement Citoyen des Tunisiens en France (MCTF)
Le Pont de Genève - Suisse
Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC)
Union des Citoyends des deux Rives (UCDR) - Nimes
Union des Tunisiens pour une Action Citoyenne (UTAC)
Partis
Al Joumhouri - France
Al Massar – France - Nord
Courant Démocratique (Attayar)
Ettayer Echaabi
Fédération Internationale d’Ettakatol
Parti des Travailleurs de Tunisie – France
Personnes
Maha Abdelhamid
Mourad Allal
Noureddine Baaboura
Houcine Bardi
Aziz Barkaoui
Fayçal Ben Abdallah
Cheima Ben Hmida
Tarek Ben Hiba
Mohamad Benhinda
Dalila Ben Othmane
Nadia Chaabane
Hédi Chenchabi
Jocelyne Dakhlia
Nadia El Fani
Mohamed Ellouze
Fethi El Hajali
Tahar El Mouez
Raoudha Faouel
Claudette Ferjani
Mohamed Chérif Ferjani
Mejed Hamzaoui
Nadhem Hanine
Hedi Houaichia
Nacer Jalloul
Chokri Jelassi
Kamel Jendoubi
Abderrazek Lassouad
Hend M’hamdi
Najet Mizouni-Lindenberg
Chérif Msadek
Mohamed Nachi
Ramzi Oueslati
Younes Rhouma