En Équateur, le FMI impose dès 1983 son programme visant la stabilité macroéconomique à court terme afin de rétablir la capacité du pays à s’acquitter de ses dettes. Ce programme se matérialise par la signature d’une « lettre d’intention » entre le pays endetté et le FMI, qui exige une politique antisociale (austérité budgétaire, dévaluation, libéralisation des prix, etc.). Entre 1983 et 2003, l’Équateur a signé 13 lettres d’intention. Les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’Équateur, jusqu’à l’élection en novembre 2006 de Rafael Correa, n’ont pas hésité à apposer leur signature à ces documents, en dépit de l’impact largement négatif des mesures qu’ils préconisent sur la majorité de la population. Depuis 2017, le président Lenin Moreno est revenu totalement dans le giron du FMI et de la Banque mondiale ce qui a provoqué d’importantes mobilisations populaires notamment en octobre 2019.
En Équateur, le virage radical néolibéral s’est approfondi dans la décennie 1990 avec la « consécration » du consensus de Washington
Le virage radical néolibéral s’est surtout approfondi dans la décennie 1990, celle de la « consécration » du consensus de Washington (voir l’encadré) et de l’entrée de l’économie équatorienne dans l’économie globalisée, particulièrement à partir de la Présidence de la République de Sixto Durán Ballén, en 1992. Cela coïncide avec l’agenda de la Banque mondiale, qui augmente fortement son activité et son influence en Équateur à partir de la fin des années 1980-début des années 90. En Équateur, comme dans de nombreux pays en développement, la Banque concède des prêts liés à des mesures visant l’ouverture des marchés, la réduction du rôle de l’État dans la gestion économique et l’augmentation du pouvoir des banques privées dans la régulation des flux monétaires.
Encadré : Qu’est-ce que le Consensus de Washington ? Il s’agit d’une théorisation en 1989 par l’économiste britannique John Williamson, enseignant aux États-Unis, des mesures incluses dans les plans d’ajustement structurel imposés par le FMI aux PED depuis la crise de la dette de 1982. Ce consensus comprend un ensemble de dix mesures, tant des mesures de choc, à effet immédiat, que des réformes structurelles :
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La Banque partage, aux côtés d’une classe politique complice, la responsabilité d’un endettement frauduleux et illégitime, qui s’est fait au détriment des droits humains fondamentaux et de la souveraineté de l’État.
La dette de l’Équateur à l’égard de la Banque mondiale (BIRD)
Entre 1990 et juillet 2007, la Banque mondiale (BIRD) a versé 1,44 milliards de dollars à l’Équateur alors qu’au cours de cette même période le gouvernement équatorien a remboursé à cette institution 2,51 milliards de dollars. Cela signifie que durant la période 1990-juillet 2007, la Banque mondiale a fait un bénéfice de 1,07 milliard de dollars aux dépens du peuple équatorien. La Banque mondiale a été plus que remboursée.
La Banque mondiale a été plus que remboursée
Le solde de la dette publique avec cet organisme atteignait 704,4 millions de dollars au 30 novembre 2007.
Si l’Équateur avait décidé en 2008 de répudier la totalité de sa dette envers la Banque mondiale (soit 704,4 millions de dollars), comme le recommandait la commission d’audit de la dette (voir plus loin), cette décision aurait permis d’économiser plus d’un milliard de dollars (car au capital à rembourser il fallait ajouter les intérêts à payer). Une telle somme aurait permis de financer, pendant 15 ans, le petit déjeuner et le déjeuner de 1,28 million d’écoliers [2]. La somme économisée représente cinq ans de couverture de santé pour la population pauvre et pour la population indigente du pays [3].
Le rôle néfaste de la Banque mondiale en termes de dérégulation financière
L’intervention de la Banque mondiale dans la définition des politiques économiques et sociales appliquées en Équateur a été intensive et permanente jusqu’en 2006 et, après une interruption de quelques années au début du mandat de Rafael Correa, elle est revenue à la charge. Plusieurs prêts importants de la Banque mondiale que l’Équateur doit rembourser jusqu’en 2025 et au-delà visaient clairement l’appui à des changements des lois du pays. Ces réformes ont favorisé, sinon provoqué, plusieurs crises financières au cours des années 1990 dont la grande crise bancaire de 1999 aux conséquences terribles sur l’économie et la population du pays [4]]. L’intervention de la Banque mondiale a été clairement néfaste et constitue en résumé un dol pour le pays.
En Équateur, la Banque mondiale a favorisé plusieurs crises financières au cours des années 1990 dont la grande crise bancaire de 1999
La responsabilité de la Banque dans l’explosion de la crise financière remonte aux années 1993-1994, alors que, dans le cadre du processus de « modernisation » de l’État, elle effectue des prêts destinés à financer l’adoption de réformes légales visant la déréglementation complète du secteur bancaire, ce qui a abouti à la faillite des banques en 1999.
- La Loi de modernisation de l’État, de privatisations et de prestations des services publics par l’initiative privée (Ley de Modernización del Estado, Privatizaciones y Prestación de Servicios Públicos por parte de la iniciativa privada) de 1993 ouvre la voie à la participation du secteur privé dans des domaines autrefois réservés à l’État ainsi qu’à la fusion ou la suppression d’institutions publiques. Elle augmente les attributions du Conseil national de modernisation (CONAM, Consejo Nacional de Modernización), entité qui travaille à la privatisation des services publics, notamment en matière d’hydrocarbures, d’électricité et d’eau.
- La Loi de régime monétaire et de la Banque d’État (Ley de Regimen monetario y Banco de Estado) vient renforcer l’indépendance de la Banque centrale et consacre la libre détermination des taux d’intérêts et le libre accès au marché des changes.
- La Loi de promotion des investissements (Ley de Promocion de Inversiones) de 1993 a éliminé le contrôle sur les flux de capitaux.
- La Loi générale des institutions du système financier (Ley General de Instituciones del Sistema financiero) de 1994 a poursuivi de profondes transformations dans la libéralisation des activités bancaires - bureaux offshore, multiplications des entités financières, crédits de la Banque centrale aux banques privées (faisant exploser l’inflation) etc. - et réduit les capacités et attributions de la supervision bancaire.
Ces dispositions légales ont entraîné la création à la Banque centrale équatorienne d’un compte unique pour toutes les institutions devant recevoir des transferts du Ministère de l’Économie et des finances. Cela a eu pour conséquence l’utilisation de réseaux bancaires privés et la réduction du nombre de comptes détenus par les institutions publiques à la Banque centrale. Cela répondait à l’engagement du gouvernement équatorien, dans la lettre d’intention signée en 1990 avec le FMI, à préparer, avec le concours de la Banque mondiale, une réforme globale des finances des municipalités, des conseils provinciaux et autres entités gouvernementales pour diminuer les transferts provenant du gouvernement central et pour soi-disant améliorer les décisions de dépenses au niveau local et y répondre par un système plus transparent et plus juste de participations aux recettes publiques.
Comme l’explique Piedad Mancero qui a été membre de la commission d’audit de la dette de l’Équateur à partir de 2007 « Les conséquences n’ont pas tardé à se manifester : l’augmentation démesurée du nombre d’entreprises financières, une première crise en 1995, la spéculation sur les devises, des pressions sur le taux de change, la fuite des capitaux équatoriens et la grande faillite bancaire de 1998-1999.(...) C’est une évidence : les ressources de la Banque centrale affectées à de tels crédits provenaient d’émissions monétaires qui généraient une croissance galopante de la masse monétaire en circulation, une pression inflationniste incontrôlable, et une demande spéculative en devises, ce qui a contribué à la grande crise financière de 1999 et à l’adoption précipitée de la dollarisation en janvier 2000 » [5].
Enfin, en 1998, la Loi du marché des capitaux (Ley de Mercado de Capitales) et la Loi de réorganisation en matière économique (Ley de Reordenamiento en Materia Economico) achèvent le travail destructeur de la banque mondiale. L’Agence de garantie des dépôts (Agencia de Garantía de Depósitos), AGD, est créée : elle garantit les dépôts, offshore et onshore, de façon illimitée, et ouvre la possibilité pour la Banque centrale d’accorder des crédits aux banques en difficulté et d’acquérir des bons AGD [6]. Officiellement créée pour éviter la contagion de la crise et protéger les petits épargnants, l’AGD a en fait été instituée pour favoriser les propriétaires et les grands débiteurs des banques privées, particulièrement les banques Filanbanco et FINAGRO [7].
La crise financière a eu des conséquences désastreuses pour l’ensemble des Équatorien·nes. Le coût total de la crise est estimé par l’AGD à 8 072 millions de dollars, soit l’équivalent de 83 % du budget général de l’État en 2007, ou encore l’équivalent de deux décennies de couverture médicale pour l’ensemble de la population. Ces ressources de l’État, utilisées abusivement, n’ont pas pu être investies dans l’éducation, la santé, la création d’emploi, etc. Et surtout l’État a dû financer le sauvetage bancaire en contractant de nouvelles dettes. Le niveau de pauvreté a augmenté de façon spectaculaire, et 1 million d’Équatorien·nes ont été contraint·es à l’émigration entre 1999 et 2005 [8].
La responsabilité de la Banque mondiale dans la crise équatorienne est clairement engagée, du fait de son intervention active auprès des autorités du pays pour qu’elles adoptent des réformes néolibérales du cadre légal qui provoquèrent la crise de la fin des années 1990.
La dérégulation financière produit les mêmes effets néfastes au Nord comme au Sud
Il convient de mettre en évidence la relation entre les mesures imposées à l’Équateur, qui ont conduit tout droit à la crise de 1999, et les effets des politiques néolibérales appliquées également dans les pays du Nord, notamment aux États-Unis, qui ont également connu plusieurs crises financières (la crise de 2001 et celle de 2007-2008). La dérégulation en faveur du monde de la finance, dans le cadre du Consensus de Washington, qui répondait aux attentes de la Maison Blanche et de Wall Street (comme l’a dénoncé à plusieurs reprises Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001), s’est imposée aussi bien au Nord qu’au Sud, et a produit les mêmes effets catastrophiques.
Cette déréglementation rompait définitivement avec les mesures prises suite à la crise de 1929 et des années 1930 aux États-Unis. Rappelons que cette crise du siècle passé avait été précédée par une vague de déréglementation et de spéculation. En réaction, pendant la présidence de F. D. Roosevelt, cela avait conduit à la loi bancaire de 1933, le Glass-Steagall Act, qui a interdit l’exercice simultané de plusieurs métiers financiers et donné naissance à deux types d’établissements bancaires tout à fait séparés. En 1999, sous la présidence de Clinton, cette loi a été abrogée sous la pression des grandes banques. Ainsi, une même orientation est appliquée en Équateur et aux USA.
Au centre des facteurs explicatifs de la crise immobilière étasunienne de 2007, on trouve la déréglementation bancaire radicale commencée dans les années 1980 et approfondie sous l’Administration Clinton fin des années 1990, dans un contexte de spéculation croissante sur les marchés financiers et de multiplication des produits financiers dérivés et d’institutions financières échappant au contrôle des pouvoirs publics (hedge funds [9] par exemple).
La Banque mondiale a soutenu les forces financières nationales qui se considèrent comme les maîtres du pays et qui profitent de l’État et du gouvernement pour arriver à leurs fins égoïstes
La Banque mondiale a soutenu les forces financières nationales qui en Équateur se considèrent comme les maîtres du pays et qui profitent de l’État et du gouvernement pour arriver à leurs fins égoïstes. Elle est intervenue pour déstabiliser les gouvernements qui ont tenté d’appliquer des politiques économiques et sociales visant à davantage de justice sociale et de souveraineté face aux États-Unis.
C’est le cas en 2005 de l’intervention de la Banque mondiale contre les mesures prises par Rafael Correa, alors ministre de l’économie sous le gouvernement du président Alfredo Palacios (voir plus loin).
Les prêts d’ajustement structurel octroyés par la Banque mondiale
A partir du début des années 1990, la Banque mondiale octroie des prêts [10] dans différents secteurs économiques et sociaux clefs. Les axes prioritaires sont les réformes du cadre légal pour réduire l’intervention de l’État, les privatisations d’entreprises publiques, la flexibilisation du marché du travail, la déréglementation et la libéralisation financières.
La série de prêts octroyés par la Banque - les prêts d’ajustement structurel (3819-EC/BM- Ajustement structurel), de réduction de la dette et de modernisation de l’État (3820-EC ; 3821-EC-Assistance technique pour la réforme des entreprises publiques ; 3822-0-EC-Assistance technique pour la modernisation de l’État) – ont été conçus pour réduire les marges de manœuvre de l’État, laisser le champ libre aux acteurs privés (notamment dans les secteurs des télécommunications et de l’électricité) et pour assurer le paiement de la dette équatorienne à l’égard des créanciers commerciaux via le financement de garanties du Plan Brady (voir encadré).
La Banque mondiale a prêté à l’Équateur pour que celui-ci rende ses politiques fiscales et commerciales conformes à la mondialisation néolibérale et réoriente ses activités productives vers l’exportation, au détriment du marché local. Un premier prêt (3609-Développement secteur privé) poussant dans ce sens est déboursé en 1993 [11], suivi en 1998 d’un prêt destiné à soutenir la capacité exportatrice du secteur privé et supprimer les entraves au commerce par la mise en place de politiques commerciales conformes aux décisions de l’OMC et la signature de nouveaux accords commerciaux [12] (4346-Commerce extérieur et intégration-21 millions de dollars).
En promouvant la production intensive de produits destinés à l’exportation (bananes, crevettes, fleurs), ces prêts ont eu des conséquences environnementales désastreuses et, pour certaines, irréversibles. Un exemple frappant : l’élevage des crevettes, dont 90 % de la production sont destinés à l’exportation, a entraîné la destruction de la mangrove (aujourd’hui détruite à 70 %), un écosystème riche dont les communautés locales tiraient leurs revenus, et barrière naturelle évitant les inondations et la salinisation des terres. Cette activité a même été développée dans des zones où la loi interdisait la construction de piscines de culture.
Pour compléter le désastre écologique, la Banque a directement financé des projets ravageurs dans le domaine de l’agriculture et de la gestion des ressources naturelles (minières, hydriques, etc.). Signalons entre autres [13], le projet PRODEMINCA, en 1994, (3655-Assistance technique environnement) qui comprenait l’introduction d’un nouveau Code minier et de réformes favorables aux investisseurs. Deux lois (Trole I et II) ont créé les conditions du pillage des ressources par les multinationales en organisant l’affaiblissement du rôle du ministère de l’environnement et en permettant l’activité minière en zone protégée.
Pour compléter le désastre écologique, la Banque a directement financé des projets ravageurs dans le domaine de l’agriculture et de la gestion des ressources naturelles
La Banque a également élaboré un projet à l’égard des peuples indigènes (Prêt 4277-O-EC- Projet de développement des Peuples indigènes et noirs d’Équateur). Le projet avait pour but de favoriser les investissements privés, de réduire le rôle de l’État et modifier le cadre légal. En plus d’endetter le pays, les communautés indigènes se sont elles aussi endettées. Le projet a essayé, voire réussi, à augmenter la dépendance des communautés indigènes et paysannes aux semences, herbicides et pesticides des firmes transnationales. Ce projet avait des caractéristiques racistes et discriminatoires à l’égard des peuples indigènes et afro-descendants. De plus, comme l’ont dénoncé les mouvements sociaux équatoriens, il contenait un agenda caché visant à affaiblir le puissant mouvement indigène, notamment la Confédération des Nations indigènes de l’Équateur.
Les conséquences très négatives de ces prêts pour la majorité de la population équatorienne ont été nombreuses. Tel est notamment le cas de la diminution drastique de l’accès aux services publics. Ainsi, le prêt 3285 de 1991 d’un montant de 104 millions de dollars pour le financement de la décentralisation provoque la réduction des montants octroyés aux collectivités territoriales. Ce projet permet aux IFI d’avoir un meilleur contrôle sur le budget de l’État et de faire pression pour augmenter la part destinée au remboursement de la dette. Selon les conditions du prêt 3821 du 10 février 1995, il est également prévu la réduction des subsides d’électricité et la privatisation future de l’entreprise nationale INECEL.
Dans la même veine, l’attaque contre les salariés du secteur public est constante. Le projet Assistance technique pour la modernisation de l’État a entraîné la suppression de 10 000 postes dans la fonction publique. Les licenciements ont représenté un coût assumé par l’État de 396,3 millions de dollars [14]. Le gouvernement s’est ainsi endetté à hauteur de 20 millions de dollars pour ce projet de restructuration du secteur public visant notamment à réduire les coûts, et il lui en a coûté 20 fois plus en réduction de personnel !
Parallèlement à cela, le prêt 7174 d’ajustement structurel et de consolidation fiscale octroyé en 2003 a mis en œuvre le décret d’austérité d’urgence pris par le président Gutierrez à la fin janvier 2003 instaurant une hausse du prix de l’essence de 21 % et du diesel de 3 %. Cette mesure a entraîné l’augmentation du coût des transports, et donc plus largement du coût de la vie en général étant donné que les marchandises doivent être transportées.
En matière d’éducation, le prêt 3425 « Premier projet de développement social en éducation et formation » a diminué le financement du secteur éducatif et l’a fait passer de 18 % du budget avant ce prêt, à 5,8 % en 2000. La différence étant bien évidemment affectée au service de la dette et à la mise en place de politiques favorables aux créanciers et à la classe dominante équatorienne.
Ces prêts liés à des conditionnalités visant l’introduction des politiques agressives et antisociales du Consensus de Washington ont entraîné l’augmentation de la pauvreté et de l’extrême pauvreté, et l’augmentation de la concentration des richesses dans les mains d’une oligarchie. Sur l’ensemble de la période 1970-2005, la pauvreté a augmenté considérablement. En 1970, 40 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté et en 2005, ce pourcentage atteignait 61 % [15]. Cet appauvrissement a été particulièrement aigu lors de la crise de 1999. Entre 1995 et 2000, le nombre de pauvres est passé de 3,9 millions (soit 34 % de la population) à 9,1 millions (soit 71 %) tandis que la pauvreté extrême a doublé, touchant 31 % de la population en 2000. Pendant ce temps, les riches sont devenus toujours plus riches. En 1990, les 20 % les plus riches recevaient 52 % des revenus ; 10 ans plus tard, ils accaparaient 61 % des richesses [16]. Cette pauvreté affecte particulièrement les habitants des zones rurales et les petits producteurs/trices agricoles, touchés par l’ouverture des marchés, l’augmentation du prix des inputs, la mise en place d’un système de propriété privée des terres, etc.
Selon un rapport de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) datant de 2003, la pauvreté est responsable des problèmes de dénutrition observés dans le pays : en effet, l’offre alimentaire était suffisante pour couvrir les besoins de la population, mais l’inégalité des revenus ne permettait pas aux plus pauvres de se nourrir suffisamment.
Cette pauvreté croissante a eu également des conséquences sur l’accès à la santé et à l’éducation. La précarisation des emplois, l’augmentation du chômage, l’extension du travail informel et précaire ainsi que la baisse des salaires amenèrent de plus en plus d’enfants et d’adolescent·es à se retirer du système scolaire pour soutenir leur famille.
Pour « sortir » l’Équateur de la crise, la Banque mondiale a apporté « ses solutions » : poursuivre voire renforcer l’orientation qui a conduit à la crise ! (7024-0-EC- Ajustement structurel, 7174-0-EC-Assistance technique pour la modernisation de l’État, 4567-0 EC-Assistance technique secteur financier).
La population a manifesté à plusieurs reprises massivement son mécontentement, ce qui a entraîné la chute de plusieurs présidents au cours des années 1990 et au début des années 2000, et a mis en échec certains objectifs de la banque, notamment les tentatives de privatisations. Trois présidents de droite ont été chassés du pouvoir entre 1997 et 2005 grâce à de puissantes mobilisations de la population : Abdalá Bucaram en février 1997, Jamil Mahuad en janvier 2000 et Lucio Gutiérrez en avril 2005. Ce sont les mobilisations des peuples indigènes qui ont été déterminantes dans la démission de Abdalá Bucaram en 1997 et de Jamil Mahuad en 2000. Dans ces mobilisations, la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur - Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador) a joué un rôle très important. Lors de la démission de Lucio Gutiérrez, ce sont les mobilisations urbaines qui ont été déterminantes. Parmi les nombreux signes évidents d’opposition aux politiques néolibérales, on pourrait ajouter aussi l’échec du référendum de 1995 qui visait notamment à la privatisation de la sécurité sociale [17].
Eric Toussaint