En pleines vacances parlementaires, l’Assemblée nationale nicaraguayenne s’est réunie en urgence, le lundi 21 décembre, pour valider le projet de loi de défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix. Le texte anéantit toute “concurrence politique” aux élections présidentielle et législatives prévues en novembre 2021, rapporte le journal nicaraguayen Confidencial.
Grâce à cette loi votée par la majorité sandiniste, fidèle au dirigeant Daniel Ortega, les citoyens “qui demandent ou soutiennent des contestations sociales ou les sanctions internationales contre le régime sandiniste se rendront coupables d’actes assimilables à un coup d’État”, note El País. “Considérés comme des traîtres à la patrie, ils ne pourront briguer aucune fonction soumise aux suffrages populaires”, stipule le texte. Une qualification sanctionnée par des peines allant jusqu’à quinze ans de prison, souligne le site d’information argentin Infobae.
L’annonce achève d’enterrer les espoirs d’une issue démocratique à la crise ouverte dans le pays depuis 2018. Elle est la dernière-née d’une série de textes votés en 2020 pour museler la dissidence et les médias.
Une loi “inconstitutionnelle”
Face à ce nouveau symptôme de la dérive autoritaire du régime sandiniste, les députés de l’opposition et la presse nicaraguayenne s’appuient sur le droit pour critiquer son caractère “inconstitutionnel”. Interrogé par Confidencial, le député du Parti libéral constitutionnaliste (PLC) Jimmy Blandón dénonce “une loi ordinaire qui, par son contenu, se place au-dessus de ‘l’ordre juridique et constitutionnel [supérieur dans la hiérarchie des normes], et qui devrait donc être invalidée et inapplicable’.”
Le juriste Gabriel Álvarez, interrogé par le quotidien nicaraguayen La Prensa, indique qu’“aucune loi ordinaire […] ne peut encadrer les questions électorales”. Pour faire adopter les modifications, les députés de la majorité auraient dû réformer d’abord la Constitution et la loi électorale, explique-t-il. Un processus long, qui n’aurait pas pu aboutir avant les élections.
“Ne venez pas me brandir des arguties juridico-constitutionnelles qui n’ont aucun fondement”, a rétorqué le chef de file des députés sandinistes, Edwin Castro, cité par Confidencial, avant d’affirmer que “les droits politiques de tous les Nicaraguayens et de toutes les Nicaraguayennes” étaient respectés au même titre que “la diversité des opinions”. Une analyse mise en doute par le site nicaraguayen, lequel évoque les centaines de citoyens assassinés, d’exilés et de prisonniers politiques recensés depuis 2018.
Si elles ne plongent pas le Nicaragua dans un nouveau bain de sang, les prochaines élections devraient conforter un peu plus Daniel Ortega et sa femme, Rosario Murillo, vice-présidente, à la tête d’un pays miné par la pauvreté et la violence.
Serge Hastom
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