Depuis l’émergence du mouvement contre la mondialisation capitaliste, la mobilisation contre le Pen de l’entre-deux-tours, le combat contre la guerre en 2003 et, plus encore, depuis les luttes des jeunes de ces deux dernières années (contre la loi Fillon, le soulèvement des banlieues et le mouvement contre le CPE), on assiste à la naissance d’une nouvelle génération militante. Dans les entreprises aussi, les jeunes entraînent souvent les autres dans la bataille, comme c’est le cas dans l’usine PSA à Aulnay (lire page 11 et, sur le site d’ESSF : Citroën Aulnay : l’école de la grève). Malgré cela, les jeunes subissent encore la discrimination. Et les propositions qui sont faites dans cette campagne électorale par les principaux candidats, si elles font mine de prendre en compte le problème, ne font que la renforcer. Que faire pour donner aux jeunes un véritable droit à l’avenir ?
D’après le discours dominant, les jeunes d’aujourd’hui ne respectent plus rien, ils seraient même le principal danger pour la société. On parle de « bandes ethniques », qui feraient la loi dans la rue, comme l’a fait Philippe de Villiers à propos des récents affrontements de la gare du Nord. Les jeunes des quartiers populaires sont principalement visés, notamment les fils ou petits-fils d’immigrés venus des anciennes colonies françaises. Le racisme et la discrimination se conjuguent pour faire de ces jeunes les ennemis publics numéro un. Pourtant, les jeunes des quartiers ne sont pas la source du problème. En se mobilisant, ils peuvent avoir un impact énorme sur la société, comme l’a prouvé le soulèvement des banlieues.
On parle du nécessaire retour de l’autorité et de la discipline. On nous parle de mettre en place un « service civil » pour la jeunesse : en réalité, ce ne serait qu’un encadrement militaire déguisé pour les jeunes les plus en difficulté. À quoi bon « encadrer » les jeunes, si on ne donne pas une formation de qualité et un emploi à tous ? En réalité, la violence, dans cette société, est d’abord celle que subissent les jeunes. Tout le monde sait, par exemple, que le harcèlement policier touche en priorité la jeunesse, mais il est moins connu que la majorité des 200 personnes assassinées par la police depuis 1979 a moins de vingt ans. La jeunesse est, en permanence, la cible de l’État, qui cherche même à enfermer de plus en plus tôt les jeunes : dès treize ans, on peut se retrouver en prison !
Allocation
Quand elle se mobilise, la jeunesse est frappée de plein fouet par la répression. En novembre 2005, les jeunes des quartiers ont prouvé qu’ils n’acceptaient pas les discriminations et les provocations de Sarkozy, ils ont montré qu’ils n’avaient pas peur de s’affronter à la police. Le gouvernement a réagi en instaurant l’état d’urgence. L’an dernier, la jeunesse s’est mise en mouvement contre le CPE et contre la précarité, provoquant une véritable crise politique et faisant reculer le gouvernement. La capacité de ce mouvement à entraîner les travailleurs, notamment lors des deux manifestations de 3 millions de personnes, a poussé le gouvernement à user, là encore, de la répression. Cette présidentielle doit être l’occasion d’exiger l’amnistie de tous les jeunes condamnés dans le cadre des mouvements sociaux, car la révolte est légitime !
Le problème fondamental des jeunes, c’est d’être en grande majorité coincés entre la dépendance à leur famille et les boulots précaires. La solution consisterait en une allocation permettant à tous les jeunes en formation (chômeurs, étudiants, lycéens, apprentis, etc.) de ne pas se salarier, afin qu’ils puissent choisir librement leur formation. Cette allocation d’autonomie doit se situer au niveau du Smic, car il n’est pas possible de vivre avec moins, et les jeunes ont des besoins spécifiques : fournitures scolaires, déplacements, culture, logement - autonome, pour pouvoir faire ses propres choix de vie, notamment sur le plan sexuel.
Cette allocation doit constituer un présalaire, de la même manière que la retraite est un salaire différé. La qualification acquise par les jeunes au cours de leur formation est profitable à l’ensemble de la société et, en premier lieu, à ceux qui vont profiter de leur travail, les patrons. Les cotisations patronales doivent donc financer les 60 milliards d’euros par an qui alimenteraient une nouvelle branche « jeunesse » de la Sécurité sociale, gérée par les jeunes et les salariés. Ce présalaire n’a rien à voir avec ce que propose Ségolène Royal : une allocation sans montant précis, versée en échange d’heures de soutien scolaire effectuées par les étudiants bénéficiant de l’allocation... Cela revient à nous donner des jobs précaires payés par l’État !
La formation doit déboucher sur un emploi pour tous les jeunes... Et pas n’importe quel emploi : les contrats précaires doivent être interdits et le CDI doit redevenir la norme. Tout cela suppose, comme pour l’ensemble des salariés, le partage du travail (baisse du temps de travail avec embauches compensatoires) et l’interdiction des licenciements. La bataille pour les droits des jeunes et celle pour les droits des travailleurs sont étroitement liées.
Éducation
L’accès à une éducation de qualité reste une question essentielle. Tout d’abord, le diplôme demeure une protection importante dans le monde du travail. Cependant, pour que les études puissent donner accès à de réelles qualifications, reconnues dans les conventions collectives, et qu’elles ne se transforment pas en passeport pour la précarité, il faut rejeter l’ensemble des réformes libérales (LMD, loi Fillon, loi sur la recherche), en particulier la professionnalisation et la constitution de pôles d’excellence. En matière d’éducation, le projet de la classe dirigeante conduit à créer une éducation à deux vitesses, où on trouvera, d’un côté, des établissements d’élite sélectifs captant la majorité des financements publics et privés et, de l’autre, des établissements de seconde zone, ne donnant accès qu’à des diplômes ultraprofessionnalisés, adaptés aux besoins immédiats des entreprises.
Les conditions matérielles d’études doivent changer du tout au tout : face à la pénurie budgétaire, il faut une création massive d’emplois dans l’Éducation et dans la fonction publique. Dans le secondaire, 100 000 postes, au minimum, doivent être créés, dans l’immédiat, pour commencer à pallier les manques. Mais l’éducation ne doit pas simplement servir à l’insertion professionnelle, elle doit donner les moyens à tous d’acquérir un savoir critique, une vision globale du monde, par l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier, des luttes sociales, l’histoire de la colonisation... Et le meilleur moyen pour cela est de donner un vrai contrôle, par les jeunes, du contenu et l’organisation de leur formation. Les expériences d’auto-organisation durant le mouvement contre le CPE prouvent que la réappropriation des écoles par les jeunes qui y étudient, par les personnels qui y travaillent et, plus largement, par le public, est loin d’être une utopie. Nous devons arracher l’école des griffes du patronat afin de créer nous-mêmes une école émancipatrice.
Sexualité
Aujourd’hui, la question de la sexualité n’est pas débattue publiquement, alors qu’elle a des implications politiques importantes, notamment pour les jeunes. Rappelons que l’homosexualité est aujourd’hui la première cause de suicide chez les jeunes... Les jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels (LGBT), doivent pouvoir construire leur sexualité de manière sereine. Il faut obtenir la création de centres d’accueil gérés par des associations LGBT, sans tutelle de l’État. L’éducation donnée à la jeunesse doit comporter des cours d’éducation sexuelle, dispensés en lien avec des associations féministes et LGBT, afin de sortir de la vision hétérosexiste centrée sur la reproduction, qui imprègne les manuels d’aujourd’hui. Une éducation sexuelle de qualité permettrait certainement de faire reculer les maladies sexuellement transmissibles, mais également les grossesses non désirées et les violences contre les jeunes femmes. La revendication féministe « Contraception et avortement libres, gratuits et accessibles » concerne en premier lieu les jeunes femmes. Les étudiantes sont la catégorie la plus touchée par les violences.
Les jeunes d’aujourd’hui ont un rôle stratégique. La situation politique est explosive, mais rien n’est garanti. Les jeunes restent aujourd’hui très faiblement organisés. Si les jeunes interviennent dans les moments décisifs, comme ils l’ont fait l’an dernier contre le CPE, alors tous les espoirs sont permis. La jeunesse peut se lever à nouveau lors de cette période électorale : si Sarkozy et/ou Le Pen passent le premier tour, il se pourrait que, de nouveau, les jeunes réagissent, et qu’une crise politique se déclenche. Mais, cette fois, nous ne devrons pas rentrer chez nous le soir du deuxième tour.
Encarts
Chômage et précarité : les vrais chiffres
Un jeune sur 12 à 15 est au chômage, et non pas un sur quatre comme on nous l’a martelé au moment du CPE. Pourquoi un faux chiffre ? Avant tout, pour faire croire que la situation est tellement catastrophique qu’il faut absolument créer des contrats spécifiques pour les jeunes. Résultat : une véritable discrimination à l’encontre des jeunes est organisée par le patronat. Les jeunes, au lieu d’être embauchés au Smic, sont embauchés en contrat précaire, impliquant une faible rémunération. Selon le sociologue B. Friot, le salaire réel des jeunes a baissé de moitié depuis le milieu des années 1970...
De son côté, le salariat lycéen est en train de se développer : d’après un sondage de l’Union nationale lycéenne, 18 % des lycéens seraient salariés, et plus par contrainte que pour se faire de l’argent de poche. Après l’apprentissage à 14 ans, l’État et le patronat veulent renvoyer les jeunes à l’usine !
Qu’est-ce que les JCR ?
Les Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) sont une organisation de combat pour la jeunesse. Nous luttons pour l’auto-organisation de la jeunesse aux côtés des travailleurs. Nous sommes une organisation d’action : de toutes les luttes des jeunes, nous avons été au premier rang du mouvement lycéen ou du mouvement contre le CPE. Nous organisons des formations pour nous donner les moyens de comprendre le monde, pour mieux le changer.
Une organisation en solidarité politique avec la LCR
Nous partageons le même programme politique que la LCR : se battre pour une société communiste, débarrassée de toute exploitation et de toute oppression. Nous luttons aux côtés de la LCR et de la IVe Internationale, notamment pendant cette campagne électorale où nous soutenons Olivier Besancenot.
Une organisation de jeunesse autonome
La jeunesse est opprimée dans la société actuelle : sous-payée, méprisée, stigmatisée, encadrée... Elle se révolte et a ses propres rythmes de mobilisation. C’est pour cela que les JCR sont une organisation autonome, pour permettre aux jeunes militants d’expérimenter eux-mêmes l’action militante et apprendre par leur propre expérience.
Réunifier l’intervention jeune de notre courant
Aujourd’hui, les jeunes de notre courant sont, pour certains, à la LCR et, pour d’autres, aux JCR. Un processus de réunification de l’intervention jeunes de notre courant est en cours, pour que nous puissions participer aux luttes des jeunes au mieux de nos possibilités et en pleine cohérence.