Il a 24 ans, elle 22. Ils s’apprêtaient à se marier mercredi 2 décembre à Lucknow, capitale de l’État le plus peuplé de l’Inde, l’Uttar Pradesh, “quand la police a déboulé en invoquant la nouvelle ordonnance sur les conversions religieuses”, entrée en vigueur le 24 novembre dans la région, raconte l’Indian Express, pour tout interrompre en catastrophe. Le jeune homme avait le tort d’être musulman et sa future épouse d’être hindoue.
Bien que la cérémonie “devait être organisée sous le rite hindou”, le mari étant disposé à embrasser la confession de sa belle-famille, les forces de l’ordre ont exigé d’eux qu’ils obtiennent au préalable une autorisation de la justice, afin de garantir que leur mariage n’était pas destiné à convertir une jeune hindoue à l’islam.
Tel est l’objet de la nouvelle législation. “En apparence, le texte semble similaire aux autres lois de lutte contre les conversions forcées qui existent dans huit États” de l’Union indienne, note The Wire. Mais à y regarder de plus près, il apparaît que l’ordonnance de l’Uttar Pradesh adoptée sous l’égide du chef de l’exécutif local, le moine hindou d’extrême droite Yogi Adityanath, “est beaucoup plus virulente”. Non seulement elle
“regorge d’erreurs juridiques qui indiquent clairement que l’intention réelle est de harceler les gens pour décourager toute conversion,”
mais en plus elle aborde le sujet sous l’angle exclusif du mariage, ce que les hindous les plus radicaux désignent sous l’expression “love djihad”, révélant ainsi leur obsession à l’égard des unions entre un homme musulman et une femme hindoue, ce qui n’est qu’un cas de figure parmi beaucoup d’autres.
Droit fondamental des citoyens
En Inde, on se convertit “pour” un mariage et il est “factuellement incorrect” de prétendre qu’on le fait “par” le mariage comme l’indique l’ordonnance, souligne le site d’information, qui s’interroge : “Sur quelle base peut-on soudainement évoquer une atteinte à l’ordre public dans l’Uttar Pradesh” pour empêcher les mariages interconfessionnels ? On en dénombre 36 000 chaque année dans le sous-continent, dont 6 000 dans cet État de 230 millions d’habitants de la vallée du Gange, “sans que cela donne lieu à aucune violation de la loi et de l’ordre public”.
“Trois juristes ont décidé de saisir la Cour suprême”, révèle l’Hindustan Times dans son édition du 4 décembre, considérant que l’ordonnance du gouvernement Adityanath “pourrait être utilisée à tort dans le but d’empêcher des couples appartenant à des confessions différentes de se marier de leur plein gré”. Elle va “à l’encontre du droit fondamental des citoyens de choisir d’épouser quelqu’un ayant une autre religion que la sienne”, disent-ils.
En l’état actuel de la loi, un musulman qui se marie avec une hindoue sans le feu vert des autorités judiciaires risque désormais “jusqu’à dix ans de prison et 25 000 roupies [280 euros] d’amende”.
Guillaume Delacroix
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