Les six nominations de lundi dernier, annoncées par communiqué de presse, viennent de la sphère de la politique étrangère et de la sécurité nationale. Ces personnes seront présentées au public ce mardi. Tous et toutes ont servi dans l’administration Obama, alors que M. Biden y était vice-président. Plusieurs ont été confirmés.es à l’époque, dans à leur poste par le Sénat sous contrôle républicain et dirigé par Mitch McConnell. Cela nous dit que M. Biden veut former un gouvernement qui sera entièrement acceptable pour la droite républicaine.
Antony Blinken est nommé secrétaire d’État. Il a longtemps fait partie de l’équipe de la sécurité nationale au Sénat durant les deux mandats de J. Biden à la vice-présidence. Il a été délégué au secrétaire d’État en 2015 et 2016.
Jake Sullivan reçoit le poste de conseiller en sécurité nationale. Il a succédé à A. Blinken à titre de conseiller du vice-président J. Biden et a été chef de cabinet de Mme Clinton au secrétariat d’État.
Quant à Avril Haines, elle est nommée à la direction du renseignement national. Elle faisait partie de l’équipe de J. Biden au Comité sénatorial des affaires étrangères, puis elle a siégé au Conseil de sécurité nationale de l’administration Obama-Biden avant d’être vice-directrice de la CIA en 2015-16.
Alexander Mayorkas devient Secrétaire à l’intérieur. Il est le fils d’immigrants cubains et a fait carrière à la sécurité intérieure. Il était secrétaire délégué au Département de la sécurité intérieure dans l’administration Obama-Biden qui a expulsé plus d’immigrants.es que toutes les autres administrations qui l’ont précédée.
Linda Thomas-Greenfield agira à titre d’ambassadrice à l’Organisation des Nations unies. Le poste le plus élevé qu’elle a occupé est celui d’ambassadrice au Libéria durant l’administration G.W. Bush. Elle a été chef du personnel du secrétariat d’État durant l’administration Obama, puis assistante secrétaire pour l’Afrique (dans ce département). Elle a été remerciée par D. Trump en 2017 et est devenue conseillère au groupe d’étude et de réflexion en politique étrangère, Albright-Stonebridge, qui travaille pour les Démocrates sous la direction de l’ancienne Secrétaire d’État, Madeline Albright.
John Kerry sera envoyé spécial du Président pour le climat. Il a été Sénateur, candidat à la présidence et secrétaire d’État. Il a 76 ans et co-présidera l’équipe de travail de J. Biden sur les changements climatiques avec Mme A. Ocasio-Cortez (je n’ai pas vu cette info ailleurs. N.d.t.). Il dirigera le travail pour que les États-Unis réintègrent l’Accord de Paris.
Avec ces nominations, ce qui frappe avant tout c’est que ce sont des personnes attachées à la défense de l’impérialisme américain et aux intérêts de Wall Street. Plusieurs sont multimillionnaires et tous et toutes sont confortables financièrement, logeant dans le tiers supérieur (de la population). A. Blinken est le fils du fondateur de la banque d’investissement Warburg Pincus, Donald Blinken, qui a été Président du bureau de direction de l’Université de New York pendant 12 ans.
Les médias ont vigoureusement salué l’aspect « diversité » de ces nominations : une Africaine-américaine, un Latino et deux femmes, mais pour nous, ces caractéristiques ne sont pas pertinentes. En effet, il importe peu pour le ou la torturé.e dans une prison secrète de la CIA que la patronne de votre tortionnaire soit une femme. Il importe peu pour les enfants de réfugiés.es séparés.es de leurs parents à la frontière par les agents de l’immigration que leur directeur ou directrice origine d’Amérique latine. Il importe peu aussi aux victimes des militaires américains que le diplomate qui soutient cette violence devant le monde entier soit noir.
Insister sur la diversité cache le caractère réactionnaire de l’orientation que veut donner l’administration Biden. Ceux et celles qui font l’apologie de ces nominations veulent masquer, derrière la couleur de la peau, le genre et l’origine nationale, le véritable travail que ces personnes devront accomplir.
Les médias ont très peu fait de lien entre la signification des choix de J. Biden en plein cœur de la pandémie nationalement et mondialement catastrophique qui a emporté un quart de million de nos concitoyens.nes. Remarquons que c’est dans ce contexte particulier, qu’il présente en premier lieu, son équipe de politique étrangère. Si la victoire sur le Corona virus était sa priorité comme il l’a proclamé durant sa campagne, pourquoi ne pas annoncer, dès maintenant, qui dirigera le Département de la santé et des services sociaux et des autres agences dont la responsabilité principale sera de combattre la pandémie ?
Cela nous démontre que la différence véritable entre les Démocrates et D. Trump n’est pas la performance désastreuse de ce dernier, face à la COVID-19. En ce moment, D. Trump adopte l’idée d’immunité communautaire et tient les pertes de vies pour négligeables. Les Démocrates vont essentiellement poursuivre cette politique. D’ailleurs J. Biden a clairement rejeté l’idée de tout nouveau confinement de l’économie américaine.
Dès que D. Trump est arrivé au pouvoir, l’opposition du Parti démocrate s’est concentrée sur sa politique étrangère. On l’a particulièrement critiqué pour son approche prétendument légère envers la Russie et, son retrait des engagements américains envers la Syrie, l’Iraq et l’Afghanistan qui ne dépassait pourtant pas le simple principe. J. Biden prendra le pouvoir dans moins de 60 jours et il fait la démonstration que ses premiers changements de politiques porteront sur la politique étrangère.
Les deux journaux les plus proches des Démocrates ont fait de même dans leur couverture. Le Whashington Post écrit : « J. Biden veut mettre la priorité de son administration sur la politique étrangère, en faire le pilier principal. Il s’engage à rassembler tous les alliés dans le monde et à installer les États-Unis dans une position plus évidente sur la scène mondiale ». Le New York Times identifie la Chine comme la cible première de la nouvelle administration. En première page, il fait le portrait de A. Blinken le décrivant comme « un défenseur des alliances mondiales qui va tenter de se fondre avec les partenaires internationaux sceptiques pour une nouvelle compétition avec la Chine… ». Il souligne que le commerce avec la région indopacifique, les investissements dans les technologies et l’Afrique les secteurs où les États-Unis entreront en « compétition avec la Chine ».
Ailleurs, on a noté que Blinken et Biden étaient généralement sur la même position en matière de politique étrangère durant l’administration Obama. Sauf en deux circonstances : l’attaque américaine contre la Libye et la politique envers la Syrie : Blinken favorisait une intervention plus agressive alors que Biden était plus prudent.
Les deux s’entendaient totalement quant aux relations avec l’Ukraine. A. Blinken y a joué un rôle public majeur en faisant de la reprise de la Crimée par la Russie une crise internationale de premier plan. Il était le porte-parole principal des États-Unis dans la demande de sanctions contre la Russie pour punir, non seulement V. Poutine et son gouvernement, mais aussi toute la population russe. Dans un de ses discours de l’époque, il déclarait que les sanctions étaient nécessaires pour « montrer au peuple russe qu’il y a un prix fort à payer pour soutenir un dirigeant comme V. Poutine ».
Parmi les autres nommés.es, Avril Haines est aussi une collaboratrice très proche de J. Biden. Elle a fait partie du personnel du Comité sénatorial sur les affaires étrangères quand il en était le président. Elle est ensuite passée au Comité national de sécurité durant l’administration Obama-Biden avant d’intégrer la CIA durant deux ans. Après la prise du pouvoir par D. Trump, elle a rejoint A. Blinken au groupe national de réflexion et recherche nouvellement formé, le WestExec Partners, vendant des avis aux entreprises américaines. Michele Fluornoy était aussi une de leurs partenaires. Elle a été une haute fonctionnaire du Pentagone durant l’administration Obama et on s’attend à ce que J. Biden la nomme Secrétaire à la défense.
Plus tard, lundi dernier, après avoir dévoilé la composition de ce que J. Biden a appelé le « cœur » de son équipe en sécurité nationale, son équipe de transition a révélé que la prochaine nomination serait l’ancienne présidente de la Réserve fédérale, Mme Janet Yellen, au poste de Secrétaire au trésor démontrant ainsi la servilité de cette future administration envers Wall Street. Mme Yellen est identifiée à la politique d’ouverture sans restriction, des robinets financiers de la Réserve fédérale pour soutenir Wall Street et les marchés financiers durant la crise financière de 2008-09. Elle a été une haute fonctionnaire de la Réserve fédérale à partir de 2004. Elle travaillait avec le président de l’époque, Ben Bernanke, pour ensuite devenir vice-présidente en 2009, puis nommée à la succession de B. Bernanke en 2013 par le Président Obama. D. Trump l’a renommée pour un second mandat en 2017.
Patrick Martin
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