Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Le gouvernement a prononcé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Cette décision n’a de surprenante que le délai apporté à la prendre, tant elle était prévisible.
Si la longueur du décret de dissolution peut faire illusion, sa lecture atteste que les griefs des pouvoirs publics sont avant tout d’ordre politique quand ils ne se bornent pas à faire état de déclarations de tiers.
En assumant de dissoudre une association parce qu’elle a qualifié d’islamophobes « des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou de combattre des actes punis par la loi », le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion. En y ajoutant que les opinions du CCIF constituent des « agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme » et « qu’il défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large », le gouvernement nous montre que plus personne n’est à l’abri de telles ou telles poursuites.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) est profondément inquiète de cette atteinte à l’Etat de droit. Elle ne peut conduire qu’à accroître les tensions et à conforter l’idée que ce sont bien toutes les personnes musulmanes qui sont ici mises en cause.
Le 3 décembre 2020
https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2020/12/CP-LDH-CCIF-3-12-2020.pdf
Communiqué du GISTI : Aujourd’hui le CCIF. Demain, qui ?
Par décret du 2 décembre 2020, sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, le président de la République a prononcé la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France.
La motivation de ce décret pris sur le fondement du Code de la sécurité intérieure dévoile la nature profonde de cette mesure de dissolution : une atteinte aux libertés démocratiques lourde de menaces.
Aux termes de la loi, la dissolution d’une association sanctionne la provocation à la discrimination, à la haine, à la violence ou à des actes de terrorisme. La décision de dissolution du CCIF, elle, se dispense de ces exigences en recourant à un raisonnement qui défie la logique. Parce qu’il dénonçait le caractère discriminatoire de mesures destinées à prévenir ou à combattre le terrorisme, le CCIF « doit être regardé comme cautionnant de telles idées au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ». En somme, en critiquant des mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le CCIF l’aurait encouragé.
Incapable d’étayer ses griefs sur des actes de provocation avérés comme l’exigent les textes, le gouvernement n’a vu d’autre issue, pour justifier une décision déjà annoncée, que de recourir à des expédients argumentatifs mis au service d’une rhétorique biaisée.
Aussi nécessaire que soit la lutte contre le terrorisme, les moyens qu’elle se donne ne sauraient relever d’un régime spécifique, sanctuarisé, à l’abri de toute critique dont les auteurs - syndicats, partis, associations, individus - s’exposeraient à être « regardés comme » cautionnant le terrorisme.
Ce précédent annonce le risque de voir ce gouvernement et ceux qui le suivront s’en prendre à d’autres associations de défense des droits humains qui auront dénoncé les atteintes aux libertés qu’accumule un pouvoir dérivant vers l’autoritarisme.
Comme le laissent présager les menaces qui visent à présent l’université et avec elle l’ensemble du milieu de la recherche, reprocher au CCIF de « promouvoir une notion d’islamophobie particulièrement large », c’est ouvrir la voie à ceux qui, demain, reprocheront aux associations de défense des droits des étranger·es de dénoncer la « xénophobie d’État » ou le « racisme institutionnel » ou encore de stigmatiser la « guerre aux migrants » au prétexte qu’elles discréditent ainsi la politique de la France.
La dissolution du CCIF intervient alors qu’une loi sur « la sécurité globale » et une autre « confortant les principes républicains » sont en gestation. C’est décidément une très lourde charge qui est portée en cette fin d’année contre les libertés démocratiques. Dans ce contexte singulier, le Gisti ne renoncera pas à sa liberté d’expression. Sans relâche, il dénoncera les atteintes portées aux droits des personnes étrangères et les violences institutionnelles dont elles sont la cible.
Le 8 décembre 2020
Le Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s (Gisti)
• http://www.gisti.org/spip.php?article6519
NPA – Dissolution du CCIF : le cours autoritaire et raciste du pouvoir se poursuit
Ce mercredi, le conseil des ministres a pris la décision de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). La lecture du décret proposé par Gérald Darmanin — et adopté en conseil des ministres — confirme ce que le CCIF et ses divers soutiens répétaient depuis plusieurs semaines : il s’agit d’une dissolution à motivation politique, destinée à faire taire le CCIF et, à travers lui, celles et ceux qui se dressent face à la stigmatisation et aux discriminations contre les musulmanEs.
On apprend ainsi dans ledit décret, entre autres, que « comptabiliser au titre des « actes islamophobes » des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » revient à « participer à la légitimation de ces actes [terroristes] ». En d’autres termes, dénoncer le caractère manifestement discriminatoire, vis-à-vis des MusulmanEs, de certaines mesures et pratiques « anti-terroristes », entre autres et notamment dans le cadre de l’état d’urgence instauré en novembre 2015, reviendrait à légitimer le terrorisme…
Ainsi, le ministre de l’Intérieur qui veut interdire la dénonciation des violences policières veut aussi interdire la dénonciation de l’islamophobie. Il s’agit bien des deux faces d’une même politique, dont l’objectif est de faire taire toute critique de leur « ordre républicain », en agitant la menace d’un « ennemi de l’intérieur » qui permet de tout justifier, des mesures racistes aux attaques liberticides, à l’heure où la faillite gouvernementale dans la gestion de la crise sanitaire lui fait redouter des explosions sociales.
En dissolvant une organisation dont le rôle est de combattre les violences et discriminations islamophobes, par un accompagnement des victimes et par la publication d’un rapport annuel dressant un état des lieux de l’islamophobie en France, le pouvoir franchit un cap supplémentaire dans sa politique autoritaire et liberticide. Il confirme en outre sa fuite en avant islamophobe, quelques jours avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi « séparatisme ».
Le NPA condamne cette décision et assure les animateurEs et bénévoles de l’ex-CCIF (qui avait pris la décision de s’auto-dissoudre) de tout son soutien dans leur indispensable action contre l’islamophobie, et dans toute démarche qu’ils et elles entreprendraient pour contester la décision du conseil des ministres. À l’heure où la mobilisation grandit contre la politique autoritaire du pouvoir, c’est l’ensemble du mouvement social et du mouvement ouvrier qui devrait aujourd’hui se dresser contre cette décision : il en va de l’avenir du combat antiraciste et, plus globalement, de l’ensemble des luttes de notre camp social.
NPA, Montreuil, le 2 décembre 2020
CEDETIM : une régression majeure
Le décret du 2 décembre 2020 signé du Président de la république Emmanuel Macron, du premier ministre Jean Castex et du ministre de l’intérieur Gerald Darmanin, qui prononce la dissolution de Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), constitue une régression majeure.
Les accusations motivant cette dissolution sont aussi vagues qu’imprécises. Elles procèdent par amalgames et, quand elles évoquent des faits, mentionnent essentiellement des personnes extérieures au CCIF.
Ce décret introduit une forme de « Maccarthysme à la française » : il permet de stigmatiser toute personne ou mouvement s’élevant contre les discriminations dont sont victimes les musulman.es ou supposé.es tel.les en France. IL laisse entendre que critiquer certaines mesures « sécuritaires » serait faire l’apologie du terrorisme. Il vise surtout à entraver l’action d’une association qui relève des faits patents de discrimination, de diffamation ou de manquement à la loi à l’encontre des musulman.e.s, ou supposé.e. s tel.les.
Le CCIF a toujours agi comme une organisation de défense des droits et constitue un recours unique pour toutes celles et ceux qui sont victimes du racisme islamophobe.
On ne peut séparer cette interdiction de la préparation de la « loi relative à la sécurité globale » qui vise, entre autres, à museler la liberté de parole, de manifestation et à traiter comme délit d’opinion la dénonciation de l’islamophobie alors que c’est la forme du racisme la plus aiguë en France dans la période actuelle. Toute personne dénonçant l’islamophobie pourra ainsi être accusée.
Les démocrates, les défenseurs des droits humains, les défenseurs de la laïcité telle qu’elle est définie par l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme (ratifié par la France le 3 mai 1974 et seul texte législatif concernant la laïcité s’appliquant sur l’ensemble du territoire) et par la loi de 1905, doivent s’élever contre cette mesure.
Le Cedetim note qu’au même moment le gouvernement français déroule le tapis rouge au Maréchal Al Sissi, dictateur égyptien soutenu par les salafistes et les pétromonarchies obscurantistes tenants d’une approche radicale de la religion musulmane pouvant être qualifiée d’islamiste.
Le centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale CEDETIM,
Paris le 6 décembre 2020
Union syndicale Solidaires : un durcissement autoritaire et réactionnaire
La dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France est une attaque contre toutes celles et ceux qui luttent contre les discriminations
L’Union syndicale Solidaires proteste contre l’annonce par le Ministre de l’Intérieur de la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et tient à apporter son soutien et à ses membres.
Cette organisation dénonce et lutte contre les actes et discriminations dont les personnes de confession musulmane ou considérées comme telles sont victimes, que ces actes soient commis par des personnes, des institutions ou l’État lui-même.
Cette décision est particulièrement grave et tend à montrer que le gouvernement ne supporte ni cette liberté d’expression là, ni l’organisation des victimes du racisme par leur propres moyens, remettant ainsi en cause la liberté d’association.
Elle s’inscrit dans un durcissement autoritaire et réactionnaire du gouvernement qu’incarnent les deux projets de loi liberticides sur le « séparatisme » et la « sécurité globale » mais aussi les amalgames et stigmatisations colportées par plusieurs ministres en exercice, y compris à l’encontre de syndicats et associations du mouvement social.
Solidaires appelle à refuser les divisions, à se battre contre tous les racismes, à défendre les libertés publiques, et à construire des réponses aux urgences sociales.
23 novembre 2020
• https://solidaires.org/La-dissolution-du-Collectif-contre-l-islamophobie-en-France-est-une-attaque
Amnesty International : une menace pour les libertés
La fermeture d’une association antiraciste est une menace pour les libertés
En réaction à l’annonce par Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, de l’intention du gouvernement français de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) – une ONG qui combat la discrimination à l’égard des musulmans –, Nils Muižnieks, directeur régional d’Amnesty International pour l’Europe, a déclaré :
« La dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France serait un acte très grave de la part du gouvernement français. Elle pourrait avoir un effet dissuasif sur toutes les personnes et toutes les organisations qui sont engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination en France.
« La dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France serait un acte très grave de la part du gouvernement français. Elle pourrait avoir un effet dissuasif sur toutes les personnes et toutes les organisations qui sont engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination en France. »
Nils Muižnieks, directeur régional d’Amnesty International pour l’Europe
« La dissolution d’une organisation est une mesure extrême qui ne peut être justifiée que dans des circonstances très limitées, par exemple si l’organisation en question constitue un danger manifeste et imminent pour la sécurité nationale ou l’ordre public. Or, à ce jour, les autorités françaises n’ont fourni aucune preuve susceptible de justifier la dissolution du CCIF.
« Amnesty International est extrêmement inquiète du signal que cela envoie aux ONG et à la lutte contre la discrimination en France. Elle appelle les autorités françaises à revenir immédiatement sur cette décision. »
Complément d’information
Le 19 novembre 2020 en fin de journée, un courrier a été adressé au CCIF pour l’informer de sa dissolution. L’association a maintenant huit jours pour formuler une réponse avant que la dissolution ne soit prononcée par le gouvernement.
Le droit français actuel relatif à la dissolution des organisations pose problème, car il autorise le gouvernement à dissoudre une organisation pour des motifs vagues et sans contrôle judiciaire préalable. En droit français, le Conseil des ministres peut dissoudre une organisation par décret. L’annonce de cette dissolution intervient dans un contexte plus général de remise en cause des droits à la liberté d’expression et d’association par les autorités françaises.
20 novembre 2020, 17:27 UTC