Lotfi est arrivé en 1987, à 20 ans, à Grenoble avec son amie Fadela pour leur première année à Sciences Po. Un couple libre qui s’était formé au lycée Descartes à Rabat, narguant toutes les normes familiales, curieux, joyeux, concerné et insouciant. Un duo redoutable : lui brillant et charmeur et elle super dynamique et exigeante.
Enthousiasme dans les luttes
Lotfi est vite devenu un pilier du groupe des jeunes révolutionnaires actifs dans toutes les luttes, syndicales, politiques, internationalistes. Excellent débatteur et déjà très cultivé, il animait souvent les soirées étudiantes. Les camps jeunes de la IVe Internationale lui ont permis de se faire connaître et apprécier bien au-delà de la sphère grenobloise.
À Grenoble, il était déjà de tous les combats. Il savait penser le mouvement qu’il fallait au bon moment. Il avait l’internationalisme chevillé au cœur mais s’insérait dans toutes les campagnes avec la même énergie.
Puis il est reparti quelque temps au Maroc. Où il a animé le mouvement des diplôméEs chômeurEs. Il a également participé à la création d’Attac Maroc.
De retour à Grenoble, il s’est réinvesti à la LCR avec le même enthousiasme dans les luttes du moment avec une attention particulière aux mobilisations de la jeunesse, mais aussi la campagne pour les élections européennes de la LCR en 1999 ou pour le « Non » au référendum sur le traité européen. Au début des années 2000, actif dans le mouvement altermondialiste, Lotfi avait contribué fortement à la construction d’une mobilisation contre les interventions impérialistes en Afghanistan et en Irak. Il était curieux de tout, voulait tout, se lançait dans toutes les campagnes avec une lucidité et un enthousiasme contagieux. Et il soutenait ses camarades marocains dans toutes leurs luttes, printemps arabes, Mouvement du 20-février. Il nous laisse une cinquantaine d’articles et communiqués. Et deux livres.
Au niveau national, il a contribué fortement à la structuration d’une intervention collective sur les questions internationales, partageant généreusement ses contacts, son expérience toujours concrète, ses réflexions et ses écrits sur le Maroc.
Capacité d’analyse, simplicité et pédagogie
Il était partout mais il n’était pas pour autant dispersé. Il avait une capacité d’analyse des situations qu’il savait résumer avec simplicité et pédagogie. Il croyait fermement à l’émancipation de notre classe. À certaines conditions : la perspective du socialisme, la rupture avec l’appareil d’État, la stratégie d’auto-organisation des masses. Il fallait que ces trois conditions tiennent ensemble pour que la transformation révolutionnaire advienne.
Enfin, Lotfi nous a fait comprendre concrètement ce que voulait dire être étranger dans ce « pays de la déclaration des droits de l’homme ». La peur au ventre dans les manifs ou au passage des frontières dans le car quand on allait manifester. Nous n’oublierons jamais, lors d’un rassemblement devant le CRA de Lyon, le regard de haine et cette phrase d’un des flics à l’intention de Lotfi : « Toi je t’ai vu et je me rappellerai ». Parce qu’il vivait tout cela et bien d’autres humiliations aussi, il a compris très vite et soutenu les révoltes des banlieues.
Lotfi aimait joyeusement la vie et tout ce qu’elle contient, les copains et copines, les enfants, le vin, la fête ! Que de fois il a vécu l’un après l’autre deux réveillons la même nuit de la nouvelle année !
Et il aimait à la folie ses enfants Taori, Camil, Maya et Mathis. Et Valérie, que nous avons aimée avant de la rencontrer tellement il nous parlait d’elle avec tendresse et admiration. Et qui l’a tellement soutenu dans ses derniers mois.
Comme disent tes amis marocains : « Que la terre te soit douce » Lotfi !
Ses camarades