“Une nouvelle ère commence dans le Caucase”, a tweeté la présidente de la Géorgie au lendemain du cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh. Signé par Erevan et Bakou sous l’égide de Moscou le 9 novembre, il prévoit l’introduction de soldats de maintien de la paix russes dans la zone de conflit qui oppose l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis des décennies, rapporte le site géorgien Interpressnews.
Salomé Zourabichvili a affirmé qu’il n’existait pas “d’autre solution à la paix et à la stabilité” et félicité “les amis” de la Géorgie – l’Arménie et l’Azerbaïdjan – de la fin des hostilités. “Ensemble, nous allons commencer une nouvelle étape de coopération” entre les trois pays. La chef de l’État géorgien a également remercié “tous les médiateurs”.
Le ministère géorgien des Affaires étrangères abonde en soutenant le dialogue et espère “une paix durable et génératrice de nouvelles perspectives pour la région dans son ensemble”.
Cependant, le vice-président du Parlement géorgien, Kakha Koutchava, ne partage pas cet enthousiasme et qualifie Moscou d’“ennemi” qui aspire à accroître son influence dans le Caucase du Sud, rapporte le journal russe en ligne Vzgliad. “Il n’y a pas d’autre solution au règlement pacifique du conflit, mais l’apparition dans la région de Casques bleus russes ne garantit pas la paix, car la Russie tentera de promouvoir ses propres intérêts”, a-t-il déclaré.
Le grand perdant est l’Arménie
L’expert géorgien Zourab Batiachvili, interrogé par le site Ambebi,, pense qu’à l’issue de l’accord tripartite sur le cessez-le-feu, “le grand perdant” est l’Arménie. La Turquie, la Russie et l’Azerbaïdjan ont gagné, même si ce dernier n’a récupéré que les deux tiers des territoires perdus lors de la première guerre du Karabakh, entre 1988 et 1994.
De son côté, l’hebdomadaire de Tbilissi Kviris Palitra constate cette vérité simple : “Aujourd’hui, la Russie est présente en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie [sur le territoire des régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, reconnues par Moscou en 2008, à la suite d’une guerre de cinq jours russo-géorgienne].”
Selon le spécialiste géorgien du Caucase Mamouka Arechidzé, “les efforts des pays du Caucase du Sud et de leurs partenaires occidentaux, l’argent et les ressources humaines investis n’ont servi à rien”, car, en dépit de tous les obstacles, Moscou a réussi à “revenir dans le Caucase du Sud”. Et maintenant, “personne – et pendant très longtemps – ne pourra chasser d’ici la Russie”.
L’Azerbaïdjan a désormais une dette envers la Russie
L’analyste géorgien Tenguiz Pkhaladzé, cité par le journal moscovite Vzgliad, est du même avis : “L’Azerbaïdjan a certes récupéré une partie de ses territoires, mais le plus grand bénéficiaire est la Russie, qui a obtenu de nouveaux leviers d’influence [dans la région].”
Par ailleurs, poursuit-il, l’Azerbaïdjan a désormais “une dette envers la Russie”. Quant à l’Arménie, on lui a fait comprendre que “ses tentatives de quitter le giron russe avaient échoué”, ce qui conduira à l’apparition à Erevan d’un “nouveau pouvoir, cette fois pro-Kremlin”. Tout cela, estime l’expert, est le résultat “des erreurs politiques du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian”.
La Géorgie a donc du grain à moudre. L’urgence pour Tbilissi, conclut l’analyste, est de “renforcer plus encore ses liens avec ses partenaires occidentaux [les États-Unis et l’Otan] pour garantir sa sécurité”.
Alda Engoian
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