• Peux-tu expliquer comment le Criigen a été amené à réaliser cette étude sur le maïs Bt MON863 ?
Dominique Cellier - Il s’agit de l’étude d’un maïs qui fabrique son propre insecticide, afin de lutter contre un coléoptère très dangereux pour la plante. Ce maïs a été autorisé à la consommation animale par la Com-mission européenne en 2005, et à l’alimentation humaine en 2006. Mon-santo avait déposé une demande, dès 2003, et fait ses propres tests de toxicologie. La firme demandait que ces études restent confidentielles, arguant du secret industriel. En Allemagne, Greenpeace a porté plainte et gagné, en appel, l’accès aux données de l’étude. Greenpeace Allemagne a demandé au Criigen de faire une contre-expertise du dossier. Il a fallu prendre les données telles qu’elles avaient été fournies par Monsanto, c’est-à-dire que ce n’est pas nous qui avons fait l’étude, ni collationné les données. Monsanto a dressé tous les obstacles devant nous, mais on les a obtenues sur papier, 1139 pages de tableaux de chiffres qu’il a fallu saisir, vérifier et recalculer.
• Quelles sont les conclusions de cette contre-expertise ?
D. Cellier - Pour la première fois au monde, une étude des risques sur la santé d’un maïs transgénique autorisé à la consommation montre des signes de toxicité hépatique et rénale. Les rats nourris par ce maïs présentent des signes de toxicité suffisants pour dire que ce maïs n’est pas propre à la consommation. Les femelles ont tendance à grossir et leurs foies grossissent relativement au poids du corps, alors que les mâles ont tendance à maigrir et le poids relatif des reins a tendance à diminuer. Par ailleurs, toute une série de paramètres, biochimiques, hématologiques urinaires sont touchés par la consommation d’OGM. Nous avons mis en évidence que les deux organes les plus touchés sont les organes de toxification, les reins et le foie.
• Quelles sont les premières retombées des conclusions de votre contre-expertise divulguées tout récemment par les médias ?
D. Cellier - Depuis la conférence de presse, mardi 13 mars, à Berlin, nous recevons un soutien très important de chercheurs qui reconnaissent le travail et, surtout, notre démarche de scientifiques « citoyens ». Il faut dire qu’en France, les financements de la recherche passent maintenant par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui privilégie les contacts et les soutiens d’industriels. Comment, dans ces conditions, assurer l’indépendance d’une étude sur la toxicité du maïs MON863 ? Ce qui est en jeu, c’est l’indépendance de la recherche.
Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de notre expertise. Les autorités européenne, l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (Efsa), françaises, la Commission du génie biomoléculaire (CGB), et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa, dépendant du ministère de l’Agriculture) ont maintenant le devoir de réagir, car elles ont participé aux différentes autorisations. Quant à l’industriel Monsanto, si ce maïs est déclaré impropre à la consommation, ce sont ses intérêts directs qui sont mis en cause. La mise au point d’un OGM coûte très cher (200 à 400 millions de dollars) et les conseils d’administration de toutes ces firmes agroalimentaires veulent récupérer au plus vite leur investissement.
• D’après toi, quelles mesures faut-il prendre à court et plus long terme ?
D. Cellier - Les signes de toxicité mis en évidence par notre étude montrent que ce maïs doit être retiré immédiatement du commerce. Cependant, il est impossible de dire, aujourd’hui, sur la base de l’étude de Monsanto, si le MON863 est toxique, ni quel type de pathologie est susceptible de se développer. La seule décision à prendre, pour les autorités, dans l’intérêt des populations, devrait être de retirer le MON863, et de refaire l’étude sur une période plus longue, incluant des femelles gestantes et leur descendance, ainsi que la mesure et l’étude des paramètres hormonaux. Bien sûr, cette nouvelle étude devra être refaite de manière indépendante de l’industriel. En fait, la quasi-totalité des OGM cultivés en plein champ (102 millions d’hectares en 2006) sur la planète sont des plantes produisant un insecticide (comme le MON863, le MON810), tolérant un herbicide (comme le soja Roundup) ou ayant ces deux propriétés. Ce sont donc des plantes à pesticides. Les tests approfondis qui doivent être faits sur le MON863 doivent l’être aussi sur chacun des OGM destiné à la culture en plein champ pour l’alimentation humaine et animale. En attendant, un moratoire immédiat doit être prononcé sur l’ensemble des plantes OGM.