CORONAVIRUS - “Le bilan de l’épidémie va s’alourdir dans les prochains jours et semaines”, a averti le ministre de la Santé, Olivier Véran, cette semaine. De fait ce samedi 24 octobre, le nombre de nouveaux cas de coronavirus journalier a battu un nouveau record, en dépassant les 45.000. À l’aune de cette dynamique, ce sont notamment les capacités hospitalières en matière de réanimation qui inquiètent, mais aussi l’état des personnels soignants déjà éprouvés par la première vague du printemps.
D’après le dernier point épidémique hebdomadaire donné ce jeudi par Jean Castex, au niveau national les services de réanimation sont occupés au niveau national à plus de 40% et dépassent les 50% dans plusieurs régions. À cet égard, Olivier Véran a indiqué que 5800 lits étaient disponibles, mais que la capacité pouvait atteindre les 7700 en 15 jours.
Des propositions qui ne vont pas assez vite ni assez loin pour certains soignants et élus et notamment le professeur Philippe Juvin. Le chef des urgences de l’hôpital parisien Georges Pompidou (par ailleurs maire LR de La Garenne-Colombes) a publié une longue série de messages sur Twitter dans laquelle il fait plusieurs propositions. Il veut ainsi augmenter rapidement les capacités hospitalières humaines et ainsi permettre l’ouverture d’un plus grand nombre de lits de réanimation dans les plus brefs délais.
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La première étape est d’ouvrir des hôpitaux éphémères. Il faut du matériel et de la rapidité. Allons-y.
Mais le problème majeur est celui du personnel en plus : où le trouver ?
On le trouvera si on s’autorise à réfléchir en dehors des cadres habituels. Si on est agile.
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— Philippe Juvin, MD PhD (@philippejuvin) October 24, 2020
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Puis je propose d’Upgrader en quelques semaines de formation, pour quelques taches limitées, des Aides soignantes en infirmières (IDE), et des IDE en internes.
Ces gens formés aideront les titulaires, IDE ou médecins, des postes. Ce sont des renforts rapidement dispo.
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— Philippe Juvin, MD PhD (@philippejuvin) October 24, 2020
“Je propose de former en 3 semaines un vaste corps d’auxiliaires de santé pour nous aider à des tâches non spécialisées : laver, brancarder, nourrir les patients, leur tenir compagnie...”, explique-t-il avant de proposer de passer “pour quelques taches limitées” et après une formation de quelques semaines, des aides soignants en infirmières, et des infirmières en internes.
De la même façon Philippe Juvin suggère de mettre à jour pendant trois semaines les connaissances de tous les médecins qui ont eu une expérience en réanimation ou aux urgences. Enfin, il évoque la possibilité de faire appel à des soignants étrangers européens voire chinois. Si le géant asiatique semble maitriser désormais l’épidémie de Covid-19, ce n’est en revanche pas le cas de nos voisins européens où se multiplient les mesures de restrictions face à la deuxième vague.
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Puis identifions tous les médecins qui ont eu un jour une expérience d’urgentiste ou de réanimateur, mettons les à niveau sur quelques points essentiels en 3 semaines, et mettons-les à disposition des réanimateurs et urgentistes. Ils seront sous leur responsabilité.
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— Philippe Juvin, MD PhD (@philippejuvin) October 24, 2020
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Puis demandons à nos voisins de l’UE, des médecins et des IDE.
Et s’ils n’en n’ont plus, demandons à la Chine ou à un autre grand pays.
La barrière de la langue ? Confions les hôpitaux éphémères à ces contingents étrangers homogènes, qui travailleront en intra national.
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— Philippe Juvin, MD PhD (@philippejuvin) October 24, 2020
Des propositions trop risquées et trop tardives ?
Les propositions de Philippe Juvin ont suscité diverses réactions, certains rappelant notamment le principe de la réserve sanitaire, d’autres estimant qu’accélérer les formations de la sorte n’est pas sans risque.
Pas d’avis particulier sinon en effet aller chercher le personnel ailleurs. Mais c’est périlleux quand même.....en tout cas au moins @philippejuvin propose quelque chose qui peut servir de base à une réflexion rapide.... https://t.co/83pu9r2sDj
— Fabrice Di Vizio (@DIVIZIO1) October 25, 2020
Le médecin urgentiste Dorian Wolff lui répond notamment que c’est faire peser une trop grande responsabilité sur les soignants qui auront, eux, la responsabilité de ces personnels formés en quelques semaines.
Non, mal former les gens n’est pas intéressant ni maintenant ni demain.
En revanche, on peut commencer à former plus de monde maintenant, sachant que ça va prendre entre 3 et 15 ans.
— Dorian Wolff (@AbdulElRazad) October 25, 2020
Contacté par Le HuffPost, l’endocrinologue et généticien au CHU de Lille, Philippe Froguel, estime que les propositions de Philippe Juvin ne sont pas mauvaises mais auraient dû être mises en place dès le mois de juin. “Quelque part, c’est un peu ce qu’on a autorisé dans les laboratoires pour faire des tests PCR, des gens ont été formés rapidement. Mais mettre un écouvillon et effectuer des gestes en réanimation ce n’est pas la même chose”, explique-t-il avant d’ajouter : “Il faut d’abord faire ce qu’on a pas fait au printemps et se servir des cliniques privées. Ensuite, il faut mieux encadrer accompagner la médecine de ville, et faire parvenir des recommandations aux généralistes qui se trouvent parfois démunis”.
Ce manque “d’anticipation”, c’est justement ce que reprochaient syndicats et collectifs hospitaliers mi-octobre lors d’une manifestation à Paris. Jean Castex annonçait alors la mise en place du couvre-feu tout en indiquant que les lits supplémentaires n’étaient pas la solution miracle et que la formation de personnel supplémentaire prendrait plusieurs années. “Il y aurait eu le temps de former au moins du personnel paramédical” entre les deux vagues, avait notamment estimé un aide-soignant interrogé par Le HuffPost, ainsi que vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous [non reproduite ici.].
Lucie Oriol