Si l’on analyse la dynamique des événements sociaux et politiques au cours des dernières années, surtout en comparaison de la situation dans les autres pays européens, la présence de cinq candidats à la gauche du Parti socialiste traduit un rapport de force politique certain pour la gauche radicale, mais aussi une grande faiblesse : sa fragmentation, sa dispersion. L’influence des courants à la gauche du PS renvoie effectivement à la persistance, dans ce pays, d’une résistance au libéralisme, à l’explosion régulière de grands mouvements so-ciaux : les mouvements de riposte à la contre-réforme Fillon des retraites et au CPE, les révoltes des banlieues, le « non » à la Constitution européenne. Déjà, en 2002, plus de 10 % des électeurs avaient voté pour Arlette Laguiller et Olivier Besancenot.
Néanmoins, on ne peut s’arrêter à ce constat, car les divisions actuelles de la gauche radicale, antilibérale ou anticapitaliste, renvoient aussi à une autre coordonnée de la situation objective : la difficulté à traduire ces résistances politiquement, à les cristalliser dans une perspective de transformation sociale. Il y a des luttes sociales, mais il n’y a pas, en même temps, progression d’un niveau de conscience anticapitaliste ; il n’y a pas de croissance organique des associations ou des organisations de cette « gauche radicale » autour d’un projet en positif. C’est pour ces raisons que les courants à gauche du PS peuvent converger pour s’opposer, pour dire « non » - ce qui nous conduit à proposer systématiquement l’unité d’action, à Lutte ouvrière, au PCF, à Bové. Mais ils ont beaucoup de difficultés à s’unir autour de perspectives politiques d’ensemble. Voilà l’explication des divisions actuelles : il ne s’agit pas de problèmes d’ego ou d’appareil, mais de pro-blèmes politiques.
Avec nos camarades de Lutte ouvrière, c’est une vieille histoire. Ils sont convaincus d’incarner, eux seuls, « le camp des travailleurs », comme l’indiquent les affiches d’Arlette Laguiller. Cela explique leur choix, annoncé dès décembre 2005, de présenter une candidature propre, sans discuter avec quiconque. En fait, de telles conceptions empêchent de construire, durablement et avec d’autres, un nouveau projet socialiste ou communiste.
Ces derniers mois ont surtout vu un large débat parmi les forces qui avaient mené ensemble la campagne du « non » de gauche. Sans doute, l’effet propulsif de cette campagne a-t-il été suffisant pour s’opposer au traité constitutionnel européen lors du référendum. Mais pas au point de déboucher sur une alternative, car ce qui sépare Buffet, Bové et Besancenot, ce sont des choix stratégiques différents, qui se confirment dans la campagne actuelle. La direction du PCF a confirmé son objectif politique cen-tral : « Rassembler toute la gauche du PS à l’extrême gauche », bien entendu, sur une politique différente de celle de Ségolène Royal. Mais cette insistance la conduit, régulièrement, à « s’inscrire dans une gauche gouvernementale ». On entend la candidate communiste, Marie-George Buffet, exhorter ses électeurs, ses sympathisants, ses militants, à « sauver la gauche ». Certains dirigeants communistes, comme Jean-Claude Gayssot ou le vice-président du conseil régional d’Île-de-France, ont même parlé de la nécessité de concrétiser cette « démarche d’alerte de la gauche » dans une réunion d’urgence ! Décidément, nous ne sommes pas dans la même gauche que Ségolène Royal et la direction du PS ! Mais, au-delà de ces prises de position, il y a cette dépendance du PCF vis-à-vis du PS, notamment lors des prochaines élections législatives et municipales...
Anticapitaliste
Quant à José Bové, nous sommes étonnés des attaques régulières qu’il porte contre la LCR et son candidat. Nous ne répondrons pas sur ce terrain. Là encore, ce sont des problèmes politiques qui expliquent nos campagnes séparées. En effet, Bové ne représente pas un « candidat unitaire » : c’est le candidat d’un courant particulier, une gauche écologiste radicale. Sa campagne peut être centrée sur l’altermondialisme, les OGM, l’OMC, la solidarité avec les luttes, etc., elle n’avance pas une perspective d’ensemble, anticapitaliste. Comment remettre en cause le système capitaliste ? Quels sont les rapports à entretenir avec les institutions et le PS ? Tout cela reste flou. Surtout, si on se souvient que Bové ne se serait pas présenté si Fabius avait été candidat, et qu’il a soutenu, dans tous les débats de la gauche antilibérale, une orientation compatible avec celle du PCF. Sa première réaction, face au « Pacte présidentiel » de Ségolène Royal, a été de dire que « cela allait dans le bon sens ».
Alors, les conditions d’une candidature unitaire n’étant pas réunies, on comprend mieux le sens de notre choix en faveur de la candidature d’Olivier Besancenot : une candidature de renouvellement, une candidature liée aux luttes d’un nouveau salariat jeune et coloré, et une candidature d’indé-pendance vis-à-vis du pouvoir et de la gauche traditionnelle. Une candidature anticapitaliste...