La jeunesse papoue profite de l’expiration prochaine (à la fin de 2020) des subventions versées par le gouvernement central indonésien à la province de Papouasie pour réclamer un référendum sur l’indépendance, constate le magazine Tempo.
“À peine une heure après le début de la manifestation aux portes de l’université Cenderawasih, à Jayapura [capitale de la province de Papouasie], Ayus Heluka et des centaines d’autres étudiants ont été priés par les forces de l’ordre de se disperser, rapporte le magazine indonésien. Ce lundi 28 septembre, depuis 9 heures du matin, ils brandissaient devant les grilles de leur campus diverses banderoles refusant le maintien du régime de fonds pour l’autonomie spéciale de la Papouasie. Bravant l’ordre de dispersion de la police, Ayus a lancé une longue marche vers le Parlement régional.”
Comme le rapporte Tempo, le leader étudiant a lancé aux forces de sécurité :
“Si vous nous forcez à nous disperser de la sorte, où allons-nous pouvoir transmettre nos aspirations ?”
D’autres manifestations contre le statut d’autonomie spéciale de la province de Papouasie se sont déroulées simultanément sur plusieurs autres campus de l’archipel indonésien, comme à Makassar, sur l’île de Sulawesi.
Rattachement à l’Indonésie contesté depuis 1969
La renégociation du régime des fonds versés par le gouvernement central à la province de Papouasie est l’occasion idéale de pousser les idées d’autodétermination et d’indépendance dans cette partie du pays, qui conteste depuis 1969 son rattachement à l’Indonésie.
La consultation qui avait eu lieu à l’époque a été très vite remise en cause par l’Organisation pour une Papouasie libre (OPM), favorable à l’indépendance. L’OPM mène depuis une guérilla contre la présence indonésienne. Certes, après la chute du dictateur indonésien Suharto en 1998, qui avait donné à la province le nom d’“Irian Jaya”, le président Abdurrahman Wahid l’avait rebaptisée “Papouasie”, un signe d’apaisement envers les Papous. Une large autonomie régionale est également octroyée, mais elle ne profite qu’à l’élite politique locale.
D’ailleurs, comme le rappelle le magazine indonésien :
“Depuis 2002, le gouvernement a déboursé 126,99 trillions de roupies [7 309 milliards d’euros] pour la Papouasie, bien plus que la moyenne des fonds spéciaux d’allocation pour d’autres provinces d’Indonésie. Mais, comme l’admettent les responsables gouvernementaux, les performances [permises par] ces fonds sont plus que médiocres, si l’on en croit les indicateurs en matière d’éducation, de santé et d’infrastructures.”
Le taux de pauvreté en Papouasie est de 26,55 %, le plus élevé de toutes les régions du pays. Les violations des droits de l’homme étaient à la hausse en 2019, avec 154 cas recensés.
Assassinats de prêtres
En septembre, la mort par balles de deux pasteurs papous a contribué à enflammer les manifestations étudiantes. La police indonésienne affirme que le premier a été victime d’une attaque de l’OPM, tandis que le second serait mort à cause de son épilepsie. Sous la pression de l’opinion publique, une enquête gouvernementale a été lancée, mais sans l’implication de la Commission nationale des droits humains. “La racine du problème papou est l’injustice et la discrimination. Tant que cela ne sera pas résolu, les allocations versées par Jakarta à la Papouasie, aussi mirobolantes soient-elles, ne seront que des bonbons”, note Tempo dans un édito.
Victor Yeimo, le porte-parole de la Pétition du peuple papou, un mouvement indépendantiste, indique au magazine que si leur demande pour un référendum n’était pas entendue, une grève massive serait organisée à travers toute la Papouasie :
“Cette pétition exprime notre désir et notre vision pour déterminer nous-mêmes notre destin.”
Pour tenter de calmer ces revendications, le ministre coordinateur de la Justice et de la Sécurité, Mahfud MD, a proposé d’augmenter les allocations versées à la Papouasie après avoir affirmé, rappelle Tempo, que “90 % du peuple papou ne remet pas en cause l’autonomie spéciale. Les appels à la fin de ce régime viennent des réseaux sociaux et d’individus isolés.”
Mais le magazine Tempo n’hésite pas à prendre position :
“Le gouvernement doit comprendre que l’approche sécuritaire a donné naissance à des gens comme Benny Wenda [un activiste papou]. Son arrestation en 2000 pour avoir incité la population à attaquer un poste de police a suscité des critiques contre le gouvernement. Il était accusé de vouloir le réduire au silence. Après s’être échappé de prison et avoir obtenu l’asile au Royaume-Uni, Benny est devenu de plus en plus actif dans la campagne pour l’indépendance de la Papouasie sur la scène internationale.”
D’ailleurs, le 25 septembre, l’ambassadeur du Vanuatu au Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies a accusé le gouvernement indonésien de violations des droits de l’homme en Papouasie occidentale : “Le peuple de Papouasie occidentale est privé de sa liberté de vivre en paix”, a affirmé le représentant de ce petit État-archipel du Pacifique sud, membre du Groupe Fer de lance mélanésien.
Courrier International
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